Au cours d'une conférence de presse qui a eu lieu le 11 octobre 2022, la Coopération Agricole Métiers du grain a rappelé que les fondamentaux pèsent désormais peu sur l'évolution des cours des céréales. "Les drivers des marchés sont désormais la géopolitique, avec Poutine, ainsi que l'économie", a insisté Antoine Hacard, son président.
Besoin en liquidités importantes
Si la hausse des cours des céréales demeure une bonne nouvelle pour les producteurs, leur permettant notamment de financer la hausse du coût des intrants, cela a toutefois été une réelle difficulté à gérer pour les coopératives.
"Le fonctionnement du Matif exige en effet à avoir accès à des liquidités importantes pour gérer nos couvertures de mise en marché. Et je rappelle qu'une coopérative ne spécule jamais sur le prix du blé", appuie Antoine Hacard.
Vendeurs et acheteurs sur rythme différent
"Alors que les adhérents, dans une volonté de gestion des risques, ont pris de l'avance dans la commercialisation de leurs céréales 2023, les acheteurs ne viennent pas au même rythme. Cela engendre des difficultés techniques de couverture et des mises en marché extrêmement challengeantes, ainsi qu'un phénomène de déport des échéances. Celles rapprochées sont plus élevées que les éloignées alors qu’habituellement, c'est le contraire", précise encore Antoine Hacard.
Une autre inquiétude porte sur leurs clients transformateurs de céréales : est-ce que la demande va tenir le choc ? "Certains pays d'Afrique de l'Ouest ont en effet de grandes difficultés à acheter du blé au prix actuel. Et on commence aussi à voir une clientèle industrielle rationner ses volumes d'achat, compte tenu du prix de l'énergie", fait part Métiers du grain.
Risque de pénurie d'engrais en 2023
Avec les prix de certains engrais pouvant frôler les 1000 €/tet une très forte inflation énergétique (gaz naturel et électricité), la coopération estime que la situation est extrêmement préoccupante. Cela la conduit à faire deux demandes immédiates auprès du pouvoir politique :
- "Nous avons absolument besoin avant le 1er janvier 2023 d'avoir un bouclier énergétique efficace, facile d'accès et rapidement mis en œuvre, informe son président. Le risque est en effet que les entreprises, telle que les meuneries, s'arrêtent faute de capacité à passer les hausses de coûts de l'énergie."
- Alors qu'il y a un risque avéré de manque de disponibilité d'azote au printemps 2023, l'organisation demande l'arrêt des tracasseries administratives sur le stockage de l'ammonitrate haute densité. "Nous sommes en train de nous battre pour assurer le sourcing de la ferme France en 2023. Si l'ammonitrate 33,5 %, seul engrais azoté fabriqué en France, nécessite certes quelques précautions en termes de stockage, l'administration pourrait nous mettre en difficulté."
La Coopération demande aussi à avoir accès à l'usine de production d'azote d'Eurochem à Anvers, comme c'est le cas d'autres pays d'Europe. "C'est interdit par l'administration française pour cause de sanction sur les oligarques russes, informe la Coopération. Il ne s'agit pas de détourner ce régime mais bien d'en avoir un cohérent dans l'Union Européenne."
Sur le long terme
Sur le plus long terme, et afin de porter ses différents engagements (développement de filières à hautes valeurs ajoutées, réduction de l'emploi des intrants, baisse de l'empreinte carbone...), la coopération demande aussi l'accompagnement des pouvoirs politiques. "Nous souhaitons surtout que cesse l'inflation réglementaire dans nos métiers. La compétitivité de l'agriculture française dépendra demain de son accès à l'innovation (NBT, robotique, numérique...)", a-t-elle conclu.