La tension en mer Noire, l’activité mondiale sur le marché du blé et de l’orge et le climat en Amérique du Sud soutiennent les prix des céréales. La remontée des cours des huiles et du pétrole et le manque d’eau en Amérique du Sud soutiennent le colza et le soja.

Baisse puis reprise des prix du blé

Sur le marché physique, les blés français se sont très légèrement renchéris cette semaine (+2 €/t à 261 €/t pour le rendu Rouen en base juillet). Sur Euronext, les prix se sont plutôt contractés sur la semaine (-2 €/t à 266,5 €/t en début d’après-midi vendredi 18 février 2022) mais ils repartent en hausse ce même jour.

 

Sur le marché à terme, les prix ont atteint un pic lundi 14 février 2022, avant de décliner. Depuis quelques semaines les prix réagissent en fonction des nouvelles plus ou moins rassurantes en provenance de la mer Noire. Les inquiétudes remontent en fin de semaine et cela se reporte à la hausse sur Chicago et Euronext.

 

Côté mer Noire, les prix ukrainiens n’ont pas bougé mais les prix russes ont perdu 2 $/t sur la semaine. Le lobby agricole à la Douma russe (chambre basse du parlement) a demandé au gouvernement l’annulation des droits d’exportations, ou du moins une modification des modes de calcul. Si les seuils de calcul des droits pourraient être relevés, une annulation semble très peu probable. Ces discussions ne concernent pas la campagne en cours, mais la prochaine. Depuis la mi-février et jusqu’à la fin juin, le système des taxes est doublé par un système de quota.

 

Cette semaine, les blés américains ont enregistré la hausse la plus marquée sur fond de sécheresse sur les plaines du sud (+9 $/t pour le SRW et +8 $/t pour le HRW). Le manque de précipitations menace de plus en plus les blés d’hiver et les prévisions de la deuxième quinzaine de février ne s’annoncent pas rassurantes.

Une demande mondiale dynamique

La semaine a également été marquée par un achat égyptien pour 180 000 tonnes (remporté exclusivement par la Roumanie) et par un achat massif de l’Algérie pour 700 000 tonnes. La France est toujours à la peine pour s’imposer sur le marché algérien après les tensions diplomatiques de l’automne entre Paris et Alger, mais aussi à cause de la qualité dégradée des blés meuniers français cette année.

 

Sur le précédent achat algérien pour 70 000 tonnes, datant de la fin janvier, la France aurait quand même réussi à placer un petit volume selon les statistiques portuaires. Sur l’achat de cette semaine, il est possible que l’origine française ait réussi à capter quelques volumes mais l’essentiel pourrait bénéficier à la concurrence. Au regard des prix annoncés, les qualités semblent supérieures à ce que la France peut offrir cette année.

 

Sur la prochaine récolte, on peut espérer que la qualité des blés français sera meilleure, si les conditions climatiques sont plus clémentes qu’en 2021. Pour le moment tous les feux sont au vert dans l’Hexagone : Céré’Obs a publié ses premières notations de l’année et annonce que 95 % des blés français sont dans un état bon à excellent, soit 9 points de plus que l’année dernière à la même date. Néanmoins, si tôt dans la campagne, l’optimiste doit rester mesuré.

 

Si la qualité des blés français s’améliore en 2022, l’origine française pourrait s’imposer davantage sur la prochaine campagne, sur ce marché traditionnel qu’est l’Algérie. En attendant, les discussions diplomatiques se poursuivent et pourraient conduire à un apaisement bénéfique pour les quelques achats à venir sur le dernier trimestre de la campagne en cours.

Orge : progression généralisée des prix dans le sillage du blé

Les développements des tensions russo-ukrainiennes et les interventions de Joe Biden ont continué d’influencer les cours du blé sur les marchés à terme, et indirectement ceux de l’orge sur les marchés physiques.

 

Après une annonce russe selon laquelle les troupes massées à la frontière ukrainienne étaient en train de regagner leurs bases, les marchés avaient montré des signes d’apaisement et les prix de l’orge fourragère rendu Rouen en base juillet étaient redescendus à 250 €/t mardi. Mais les États-Unis et l’Allemagne ayant conseillé à leurs ressortissants de quitter l’Ukraine sous la menace d’une guerre imminente, les prix de l’orge ont à nouveau grimpé, quelles que soient les origines. De plus, Joe Biden s’est montré peu convaincu par les annonces russes de retrait des troupes. Les prix internationaux sont ainsi de nouveau repartis à la hausse, même si la logistique maritime au départ des ports de la mer Noire ne montre aucune perturbation pour l’instant.

 

Les derniers achats de blé de l’Algérie et de l’Égypte jeudi 17 février 2022 ont également soutenu les cours du blé origine mer Noire, et par ricochet ceux de l’orge. Enfin, l’activité est soutenue sur le marché mondial de l’orge : l’Iran aurait acheté aujourd’hui 120 000 tonnes d’orge fourragère (quantité à confirmer) et la Turquie a lancé récemment un appel d’offres pour 255 000 tonnes.

 

L’orge rendu Rouen a donc fini la semaine 12 €/t au-dessus de sa valeur de la semaine dernière, à 256 €/t, soit 302 $/t en prix Fob. Cette progression efface le gain de compétitivité de la semaine dernière par rapport aux orges de la mer Noire, dont la progression a été moins importante cette semaine, de l’ordre de 2-3 $/t. L’origine russe regagne ainsi en compétitivité par rapport à l’origine française, à 293,5 $/t, tout comme l’origine ukrainienne, à 296,5 $/t. En revanche, l’écart entre les orges de la mer Noire et les orges australiennes ne cesse de se réduire, après la progression de 7 $/t subie par les orges australiennes cette semaine, à 275 $/t. L’écart entre les orges australiennes et les orges françaises reste cependant conséquent, au désavantage des orges françaises.

 

Malgré la reprise des chargements vers la Chine (120 000 tonnes cette semaine), les prix brassicoles français poursuivent leur recul, à 300 €/t Fob Creil pour l’orge d’hiver (soit une baisse de pas moins de 50 €/t sur un mois), et 332 €/t pour l’orge de printemps.

Les prix du maïs restent élevés

Après avoir fortement augmenté jusqu’à la semaine dernière, les prix sur le marché mondial du maïs se sont montrés plus hésitants sur la semaine écoulée. Ils restent cependant très élevés. Ainsi, les prix Fob Bordeaux se sont stabilisés à 250 €/t (base juillet). Les prix américains ont quant à eux perdu 1 $/t, à 298 $/t Fob Gulf tandis que les prix argentins ont gagné 2 $/t, à 274 $/t Fob. Les prix n’ont ainsi pas indiqué de direction claire en l’absence d’élément dominant, tant à la hausse qu’à la baisse. Côté géopolitique, les quelques signes d’apaisements entre l’Ukraine et la Russie en milieu de semaine ont permis aux prix de stopper leur ascension amorcée fin janvier.

 

Ces tensions sont une source de forte nervosité et d’incertitude sur le marché. Elles semblaient finalement se raviver sur le terrain en cette fin de semaine, contrastant avec les signes de désescalade envoyés par la Russie et cela a poussé les prix du maïs à Chicago en hausse à la clôture hier soir.

 

Facteur haussier également, la crainte de rendements amoindris par la sécheresse a refait son apparition en Argentine alors que des pluies étaient revenues début février. Néanmoins, de nouvelles pluies sont prévues pour la semaine prochaine et devraient dissiper ces inquiétudes, au moins en partie. Les prix du maïs sont également soutenus par ceux du pétrole et des engrais azotés, qui restent très élevés.

 

Côté éléments baissiers, les semis de la deuxième récolte brésilienne avancent bien. Cette précocité permet d’espérer de bons potentiels de rendement. En outre, le marché du maïs évolue toujours avec en toile de fond une hausse des stocks mondiaux à la fin de la campagne. Notons que celle-ci reste tout de même modérée.

Le colza se reprend

Les prix des huiles ont grimpé sur les derniers jours, portés par le manque de disponibilités sur le marché mondial. Pour limiter les prix de l’huile de palme sur son marché intérieur, l’Inde a décidé cette semaine de réduire la taxe à l’importation sur ce produit, à 5 % contre 7,5 % précédemment. La conséquence de ce changement de taxe a été un regain d’intérêt des acheteurs indiens pour l’huile de palme originaire de Malaisie. Cette dernière a ainsi vu ses prix remonter cette semaine sur le marché mondial, notamment dans l’Union européenne (+5 % en une semaine à 1490 $/t caf Rotterdam).

 

Par ailleurs, le cours du pétrole à New York a augmenté de 2 % cette semaine à presque 92 $ le baril sous l’effet des tensions diplomatiques entre la Russie et les pays de l’Otan. Cela a entraîné l’ensemble des cours des huiles européennes à la hausse : l’huile de colza a ainsi vu son prix remonter de 15 €/t entre le 10 et le 17 février 2022 dans le port néerlandais. En conséquence, le prix du colza à Rouen est remonté de presque 10 €/t cette semaine, à 713 €/t, et celui en Fob Moselle a même progressé de 16,5 €/t (avec un regain d’intérêt des acheteurs allemands pour le colza français).

 

Le prix français du colza a également été soutenu par une hausse des cours du canola canadien, surtout sur l’échéance mai (+20 $/t). Les triturateurs canadiens se sont portés acquéreurs pour des volumes à triturer sur la fin de campagne, à la faveur d’une petite amélioration des marges de trituration, ce qui a tiré les prix de l’oléagineux vers le haut. La marge canadienne de trituration du canola a en effet retrouvé un niveau acceptable à un peu plus de 40 $/t sur la semaine, contre à peine 19 $/t sur la première quinzaine de février, et un niveau historiquement bas de -29 $/t en moyenne sur le mois de janvier.

Le soja grimpe encore

Sur le marché à terme de Chicago et dans les ports sud-américains, les prix du soja continuent de monter sous l’effet du manque d’eau qui affecte les cultures dans le sud du Brésil, en Argentine et au Paraguay.

 

Le soja américain vaut désormais 585 $/t sur l’échéance mars, soit 6 $/t de plus que la semaine dernière, et 115 $/t de plus qu’à la mi-décembre. Les précipitations ont encore été très en dessous des normales de saison sur les 7 derniers jours sur les régions de production les plus au sud, où les fèves de sojas sont à des phases critiques d’élaboration du rendement (floraison ou remplissage). Les dégâts pourraient encore s’aggraver dans les états brésiliens du Paraná, du Mato Grosso do Sul et de Sao Paulo, où les pluies des deux prochaines semaines s’annoncent limitées. De bons niveaux de précipitations sont attendus au contraire sur l’Argentine, le Paraguay et l’État brésilien du Rio grande do Sul, ce qui pourrait stabiliser l’état des cultures voire l’améliorer un peu.

 

Néanmoins, la production mondiale de soja devrait quoi qu’il en soit diminuer sur la campagne en cours, ce qui entraînera une baisse des stocks entre le début et la fin de campagne 2021-2022.

Le prix du tourteau décline avec la demande

En fin de semaine dernière, le tourteau de soja avait atteint un niveau historiquement élevé de 534 €/t à Montoir-de-Bretagne. Un tel prix a largement freiné l’intérêt des fabricants d’aliments, qui se sont reportés vers d’autres sources de protéines, comme les pois ou les tourteaux de tournesol. Ce reflux de la demande a poussé les prix vers le bas. Ils se sont corrigés toutefois à la baisse de 2 €/t seulement, les conditions météorologiques toujours très sèches en Argentine ayant fortement limité le déclin des cours du tourteau de soja sur le marché mondial.

 

Le prix du pois fourrager départ Marne a ainsi bénéficié d’un regain d’intérêt des acheteurs, regagnant 8 €/t sur la semaine, à 340 €/t. Le pois renoue ainsi pratiquement avec le niveau record atteint fin décembre (345 €/t).

Baisse des cours du tournesol en France

Malgré la remontée des cours de l’huile de tournesol sur le marché européen, liée d’une part au rebond des cours de l’huile de palme, mais aussi à la forte demande en huile de tournesol des acheteurs d’huiles (que ce soit dans les pays émergents ou les économies avancées), les prix du tournesol à Saint-Nazaire ont reculé cette semaine.

 

En effet, les triturateurs ont bénéficié d’une légère augmentation du volume d’offres sur le marché, ce qui a conduit à un petit retrait des prix de 5 €/t pour le tournesol de qualité standard et de qualité oléique. L’approche des travaux de printemps et le coût élevé des intrants poussent en effet certains agriculteurs à vendre leurs stocks rémanents de la moisson 2021 afin de financer les travaux des champs à venir.

 

En mer Noire, les cours sont en revanche stables sur la semaine et restent à un niveau proche de 700 $/t Fob dans les ports roumains, bulgares et ukrainiens. Les tensions diplomatiques entre la Russie et les pays de l’Ouest rendent en effet incertaine l’offre en graines et huiles sur les prochaines semaines, ce qui pousse les acheteurs à passer des contrats en avance afin de sécuriser leur approvisionnement en tournesol. Ainsi, toutes les offres de vente à l’export trouvent preneur, ce qui empêche les prix de baisser en mer Noire.

À suivre : conflit diplomatique entre la Russie et l’Ouest et ses éventuelles conséquences sur les exportations de la mer Noire, situation hydrique des plaines de blé d’hiver aux États-Unis, récolte de maïs et soja en Amérique du Sud et météo en Amérique du Sud (soja), conditions climatiques en Europe et mer Noire (céréales, colza), prix du pétrole.