L’association de consommateurs UFC-Que Choisir a étudié « les analyses officielles de 14 000 échantillons de produits bio et conventionnels », dont les données sont basées sur des contrôles effectués en 2019 par les services de l’État, en partie sur des échantillons prélevés au hasard et en partie sur des produits jugés à risque.
Les résultats ont été publiés le 24 mars 2022. L’UFC-Que Choisir a trouvé « parmi les pesticides détectés pas moins de 150 substances suspectées d’être cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques ou perturbateurs endocriniens ».
Et de s’inquiéter du bilan « particulièrement inquiétant pour les fruits et légumes de l’agriculture intensive », pour lesquels la présence d’un de ces pesticides à risque a été révélée « dans plus de la moitié (51 %) des contrôles et d’au moins deux pesticides à risques pour 30 % des contrôles ».
Pommes et cerises montrées du doigt
Selon l’UFC-Que Choisir, figurent parmi les aliments les plus contaminés,
- Les pommes (80 % des échantillons) « où l’on détecte fréquemment du fludioxonil (48 % des échantillons), un fongicide suspecté d’être un perturbateur endocrinien » ;
- « La quasi-totalité des cerises (92 % des échantillons) notamment contaminées en phosmet (47 % des échantillons) » ;
« Dans près d’un cas sur deux (43 %), les autorités ont été en capacité de mesurer les doses de ces substances », insiste l’association de consommateurs.
L’étude de l’UFC-Que Choisir « montre que les aliments bios sont beaucoup moins contaminés notamment en raison de l’interdiction des pesticides de synthèse pour ce mode de production. » Pratiquement six fois moins d’échantillons de tomates bios contaminées par des pesticides à risques ont été détectés par rapport à leurs équivalents de l’agriculture conventionnelle. C’est sept fois moins pour les haricots verts bio et huit fois moins pour les pommes.
Les LMR, une « notion obsolète »
L’UFC-Que Choisir en conclut que « la réglementation actuelle en matière de pesticides ne permet pas de garantir l’absence de risque dans les aliments. […] La conformité aux LMR (limites maximales de résidus, NDLR) est donc une notion obsolète qui n’offre pas de protection suffisante pour ces substances dont aucune trace ne devrait être tolérée, d’autant plus que leur action peut être accrue lorsqu’elles sont présentes en mélange (effet cocktail). »
L’organisation professionnelle demande ainsi aux autorités, dont l’Anses, « des procédures plus strictes d’autorisation des pesticides », au niveau national et européen.
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« Oubli de la différence danger-risque »
Mais pour le collectif Sauvons les fruits et légumes, l’UFC-Que Choisir ne fait que « d’emboîter le pas » des associations environnementalistes « militantes » comme Générations futures, afin de « créer le buzz ». Il estime ainsi que « les grands perdants sont les producteurs et les consommateurs ».
Selon le collectif, l’association de consommateurs oublie « sciemment la différence danger/risque ». Et d’expliquer : « un produit phytosanitaire, autorisé en bio ou en agriculture conventionnelle, peut être détecté à une quantité infinitésimale sans qu’il représente un risque pour la santé humaine. »
Ainsi pour le collectif, cette « analyse ne dit rien sur le plan sanitaire ! Pour avoir une vision exacte de la situation, il faut se référer aux données officielles de surveillance européennes, qui elles montrent des résultats très rassurants (données Efsa, en anglais, NDLR). ».
« Alors que notre balance commerciale en fruits et légumes est déjà déficitaire, UFC-Que Choisir fait clairement le choix d’une filière contre une autre, juge le collectif. Au risque évident d’accroître ce déficit commercial et de favoriser les importations de fruits et légumes « conventionnels » cultivés dans des conditions que nous ne souhaitons pas en France. »
Crédits toxicologiques
Phytéis (ex-UIPP) a également réagi, le 29 mars 2022, en relevant que « 50 % des échantillons sont déjà, tels quels, en mesure de réclamer une allégation de type “zéro résidu de pesticides”, comme on les voit se multiplier.»
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Le syndicat professionnnel estime ainsi qu’«au-delà du débat de la quantification, la question est de savoir si la consommation de produits alimentaires avec ces niveaux de résidus de pesticides, y compris ceux présumés dangereux, approche, voire dépasse nos crédits toxicologiques ?» Cette valeur correspond à la quantité de traces que chacun peut consommer tous les jours, tout au long de sa vie, sans conséquence sur la santé.
Et de préciser : selon des études de l’Efsa, « entre ce que l’on consomme et ce que le cadre réglementaire fixe, c’est 100 fois moins. Comparé à ce qui doit être consommé pour montrer le premier effet sanitaire néfaste, c’est 10 000 fois moindre », explique Julien Durand-Réville, responsable santé Phyteis. Il ajoute aussi que les travaux de l’Efsa montre que «même en cumulant les substances ayant des effets comparables, nous sommes très loin d’utiliser tout notre crédit toxicologique en raison du faible niveau d’exposition.»