Les espoirs de cessez-le-feu en Ukraine et la chute des prix du pétrole ont fait baisser les prix des produits agricoles au début de la semaine. Le marché tente de déjouer les exigences de la Russie d’être payée en rouble et les hostilités se poursuivent finalement, ce qui a limité la baisse pour les céréales à la fin de la semaine.

Espoirs de cessez-le-feu et baisse des prix du blé au début de la semaine

Les prix des céréales ont fortement baissé au début de la semaine sur la plupart des marchés mondiaux en raison des nouvelles négociations visant à l’arrêt de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Après des discussions tenues en Turquie, la Russie laissait entendre le mardi 29 mars 2022 qu’elle pourrait stopper ses activités militaires autour de Kiev et Tchernigov, alors que les négociateurs ukrainiens proposaient un statut de neutralité pour l’Ukraine, en échange de garantie de sécurité.

 

Parallèlement à ces négociations, plusieurs nouvelles baissières ont aussi poussé les prix vers le bas au début de la semaine. Tout d’abord, l’Inde, comme prévu, se comporte comme une alternative très sérieuse pour remplacer une partie des blés de la mer Noire : ses exportations sont dynamiques et l’Égypte a annoncé cette semaine la visite d’une délégation en Inde lors de la semaine suivante. Cela fait partie des efforts de l’Égypte pour s’assurer un approvisionnement auquel la France devrait aussi contribuer de manière non négligeable.

 

Lors d’une visite au Caire lundi 28 mars 2022, le ministre français des Finances Bruno Le Maire a déclaré que la France accompagnerait l’Égypte pour l’aider à trouver le blé dont elle a besoin. Cela ne veut pas dire que la France aidera uniquement par des exportations directes (ce peut être aussi par des financements), mais cela est plutôt de bon augure pour les blés français.

Des pluies bénéfiques pour le blé aux États-Unis et en Europe

Du point de vue climatique, les pluies arrivées cette semaine en Europe sont les bienvenues. Elles arrivent à point nommé pour un bon développement des blés d’hiver. La situation s’est également améliorée pour les blés d’hiver aux États-Unis à la suite de précipitations récentes, même si des dégâts dus au froid sont maintenant redoutés. L’USDA (ministère de l’Agriculture américain) a ainsi relevé sa note concernant l’état des blés d’hiver au Kansas, principal état producteur de blé d’hiver du pays, de 25 % classés comme bons à excellents la semaine dernière à 32 % cette semaine.

 

Alors que les blés français étaient restés moins chers que les blés roumains et bulgares de janvier au début de mars, l’influence des prix russes a poussé vers le bas les prix européens de la mer Noire depuis la mi-mars, les rendant moins chers d’au moins 15 $/t par rapport aux blés français à la semaine dernière. Cette situation de compétition a probablement pesé aussi au début de la semaine sur les blés français. Cela ne signifie toutefois pas que ces derniers vont perdre beaucoup de demande à l’exportation, car toutes les quantités disponibles sur le marché sont nécessaires pour remplacer les blés ukrainiens et russes manquants.

 

Par ailleurs, avec la baisse de leur prix au début de la semaine, les blés français sont parvenus à réduire l’écart avec leurs concurrents bulgares et roumains à seulement 9 $/t ce vendredi 1er avril. Les blés français Fob Rouen valent ainsi près de 420 $/t Fob Rouen, soit 366 €/t rendu Rouen (base juillet) après avoir abandonné 15 €/t cette semaine. Sur Euronext, l’échéance de mai se situe à 368 €/t en milieu d’après-midi ce même jour, en baisse de 13 €/t par rapport à sa clôture de vendredi dernier.

Nouvelle crispation à la fin de la semaine

Après le mouvement baissier du début de la semaine, les espoirs d’un arrêt rapide du conflit en Ukraine se sont vite estompés avec à nouveau des preuves de la poursuite des combats par la Russie. Les prix du blé sont alors remontés légèrement et les discours russes concernant le paiement en rouble à la Russie par les pays importateurs sont aussi venus semer le trouble. Cette exigence a principalement été mentionnée pour le gaz. Le Kremlin avait toutefois annoncé mercredi 30 mars qu’il serait intéressant de travailler également cette question pour les exportations de grains. Il s’agit donc d’un point à suivre de près, qui pourrait repousser certains pays à importer du blé russe même si les paiements de blé en rouble sont encore très rares actuellement.

 

Autre élément haussier à la fin de la semaine : les intentions de semis de blé de printemps aux États-Unis ont été annoncées par l’USDA le 31 mars, en baisse de 2 % par rapport aux semis de l’an passé. Ceux-ci étaient déjà extrêmement faibles à cause de la sécheresse du printemps 2021. Les agriculteurs américains semblent largement favoriser le soja aux dépens du blé tendre et du maïs, du fait du coût des intrants.

 

Les stocks de blé américains sont également au plus de bas depuis 2008 : cela n’est pas une surprise, mais vient rappeler la très forte tension du bilan américain, qui devrait se maintenir pour la prochaine campagne avec une surface si basse. Dans ce contexte, il est intéressant de mentionner la proposition française au G7 de cette semaine visant à mettre en place des disponibilités qui seraient réservées aux pays les plus pauvres, très touchés par les conséquences de la guerre en Ukraine. La France a ainsi proposé que le Programme alimentaire mondial et la FAO coordonnent un programme d’allocation de stocks venant de différents pays vers des pays ciblés. La concrétisation de ce projet sera aussi un élément à suivre à court et moyen terme.

 

L’Algérie, quant à elle, vient d’acheter près de 600 000 tonnes cette semaine parmi lesquelles des blés français devraient figurer pour chargement en mai-juin. La Tunisie a elle aussi acheté 125 000 tonnes de blé pour chargement en avril-juin.

Les prix des céréales fourragères s’affaissent aussi

Comme ceux du blé, les prix du maïs ont été nettement influencés par les négociations entre l’Ukraine et la Russie au début de la semaine. Par ailleurs, la mise en place rapide des semis de maïs pour la seconde récolte au Brésil, ainsi que le bon état de cette culture, ont été perçus comme des éléments d’apaisement. Ce qui a nettement fait chuter les prix du maïs à Chicago de lundi 28 à mardi 29 mars 2022, avant une nette remontée jeudi 30 mars faisant suite à la publication des intentions de semis américains.

 

La surface annoncée par l’USDA serait de 36,2 millions d’hectares, alors que les prévisions se situaient au-dessus de ce niveau (à 37 millions d’hectares au moins). Malgré ce coup d’arrêt, les maïs américains et brésiliens ont perdu près de 10 $/t sur la semaine, poussant les maïs français vers le bas : –19 €/t Fob Rhin à 355 €/t et –13 €/t Fob Bordeaux à 337 €/t (base juillet). Le maïs subit aussi la pression baissière du pétrole à la fin de cette semaine.

 

Le prix de l’orge fourragère a baissé moins fortement que celui du blé ou du maïs, perdant 10 €/t seulement rendu Rouen cette semaine (à 367 €/t, base juillet). L’orge française reste toutefois très chère par rapport à l’orge australienne, mais elle probablement soutenue par les achats récents de la Tunisie (100 000 tonnes pour livraison avant la fin de juin) et de la Jordanie (60 000 tonnes pour chargement au cours de la seconde quinzaine de juillet). Pas de chargement pour le prix des orges brassicoles de printemps, à 420 €/t Fob Creil (base juillet).

Les prix du colza en baisse, mais fortement volatiles

Cette semaine, les prix du colza en France se sont montrés très variables, alternant entre hausses et baisses. Le marché était suspendu à l’avancée des négociations entre l’Ukraine et la Russie mais également aux divers impacts des tensions diplomatiques entre la Russie et l’Occident sur le marché des énergies. C’est notamment la question du règlement des paiements des achats de pétrole et gaz russe en rouble, demandé par Moscou, qui a agité le marché cette semaine.

 

Finalement, les cours du colza de l’ancienne campagne ont diminué de 37 €/t rendu Rouen (à 951 €/t) et de 35 €/t en Fob Moselle (à 963 €/t), principalement sous l’influence du pétrole. En effet, ses cours ont diminué de 12 $ le baril cette semaine, principalement à la suite de l’annonce des États-Unis de puiser de manière conséquente dans leurs réserves stratégiques.

 

De plus, les pays de l’Opep (Organisation des pays producteurs de pétrole) et leurs alliés ont également décidé d’augmenter leur production pour le mois de mai à 432 000 barils par jour (contre 400 000 barils prévus auparavant). Cette augmentation reste modeste au regard du redressement de la demande mais a tout de même pesé sur les prix.

 

Enfin, l’annonce d’un nouveau confinement à Shanghai fait craindre une chute de la demande en énergie et en huiles et contribue au recul du prix du colza. Sur la nouvelle campagne, leurs prix ont légèrement augmenté cette semaine (+9 €/t sur Euronext en août 2022) en raison du repli attendu de la production ukrainienne, fortement affectée par les conséquences du conflit (difficulté d’accès aux intrants, au fuel, aux champs).

Baisse du prix du soja

Le prix du soja évolue en nette baisse en une semaine. La tonne de soja à Chicago perd 30 $/t sur le rapproché et septembre. Sur les mêmes échéances, le Fob brésilien perd 40 $/t et 28 $/t. Alors que la période clef pour le rendement sud-américain touche à sa fin (75 % des surfaces sont récoltées aux Brésil, 5 % en Argentine), deux éléments baissiers d’envergure expliquent en partie la baisse des cours cette semaine.

 

Premièrement, la demande chinoise pourrait rester restreinte jusqu’à la fin de la campagne, avec une filière porcine qui n’a toujours pas retrouvé des marges positives : le conflit en Ukraine aggrave la situation économique des élevages avec la flambée des coûts de l’énergie et de l’aliment. De plus, la Chine reconfine plusieurs de ses villes en ce moment, ce qui portera atteinte à la demande des consommateurs en viandes, qui était déjà inférieure à l’offre locale de viande porcine avant le rebond des contaminations au Covid-19.

 

Concernant l’offre mondiale, l’USDA a publié hier ses prévisions de surfaces de soja américain pour la prochaine campagne, supérieures aux attentes du marché, alors que le maïs occuperait une part de la surface moins importante que d’habitude. Les moindres coûts de production du soja, notamment en termes d’intrants, lui sont favorables, alors que le marché mondial des intrants est au plus haut depuis des mois. Ce niveau élevé de surface de soja a aussi contribué à faire plier les cours de cette culture.

 

Les semis nord-américains débuteront dans les prochaines semaines, sur des sols bien pourvus en disponibilités hydriques dans l’ensemble, sauf au Dakota du Nord et du Sud, au Nebraska et au Kansas.

Prix du tourteau de soja en diminution, dans le sillage du soja

Les prix mondiaux du tourteau perdent du terrain tout comme ceux du soja, en raison des mauvaises perspectives de consommation de viande en Chine, conséquence des confinements décidés dans de nombreuses grandes villes.

 

Sur le rapproché, la tonne de tourteau perd 20 $/t à Chicago et 24 $/t sur le Fob argentin. À Montoir, la tonne de tourteau de soja perd 22 €/t, à 574 €/t, soit 51 €/t de moins que le record atteint le 14 mars dernier à 625 €/t. En France également, les coûts de l’aliment très élevés ont entraîné un ralentissement des achats des fabricants d’aliments cette semaine. Cela a finalement pesé sur les prix du tourteau de soja produit en France.

 

Maintenant que les disponibilités de colza sont au plus bas dans l’Union européenne, les usines capables d’utiliser soja ou colza pour la trituration devraient être amenées à triturer du soja jusqu’à l’été. Elles fourniraient ainsi aux fabricants d’aliments une offre additionnelle, ces derniers étant privés de tourteaux de tournesol ukrainiens et russes.

Léger repli des cours de tournesol

Après avoir atteint des sommets historiques, les prix du tournesol se sont légèrement repliés depuis la semaine dernière. En France, les prix du tournesol oléique sont en recul de 20 €/t en ancienne récolte et de 40 € pour la récolte à venir à respectivement 980 €/t et 800 €/t. Le prix de la qualité standard (ancienne récolte) est resté statique à 900 €/t faute d’affaires.

 

Le marché semble avoir intégré l’effet de la guerre et le déficit de graine et d’huile qui en découle sur la campagne en cours. Cependant, des fortes incertitudes demeurent toujours autour de la campagne à venir. En effet, les semis en Ukraine débutent dans un contexte d’insécurité et de pénurie d’intrants. La production de ce pays risque d’être divisée par deux comparativement à la récolte record engendrée en 2021.

 

Cette situation laisse envisager une perturbation durable de l’offre en huile de tournesol. Par ailleurs, quelques bateaux d’huile de tournesol sont prévus au départ de la Russie dans les prochaines semaines, principalement à destination de la Turquie et de l’Inde. Les exportations russes resteront toutefois pénalisées par les sanctions économiques appliquées contre le pays et la forte tension dans les ports de la mer Noire. De ce fait, la récente mise en place par le gouvernement russe d’un quota de 1,5 million de tonnes d’exportations d’huile de tournesol entre la mi-avril et la fin d’août ne devrait pas changer significativement la situation du marché.

À suivre : exigences russes en termes de paiement, mise à disposition de stocks de blé pour le Programme alimentaire mondial, négociations entre la Russie et l’Ukraine, climat en Europe (semis de tournesol, de maïs, développement des colzas), conflit et activités agricoles en Ukraine, récolte de soja en Argentine, semis de soja aux États-Unis, prix du pétrole, sanctions économiques de l’Occident, situation sanitaire dans le monde (Covid-19).