Les prix des céréalesredescendent légèrement cette semaine après le pic atteint lundi dernier mais ceux du colza et du tournesol continuent de grimper, soutenus par le pétrole et le manque d’huile de tournesol sur le marché mondial.

Le prix du blé redescend

Le prix du blé français s’est nettement affaissé cette semaine en zone portuaire (–16 €/t rendu Rouen en base juillet à 268 €/t) et se retrouve plus bas aussi que vendredi dernier sur le contrat mai d’Euronext à 362,5 €/t en milieu de journée aujourd’hui, en chute de plus de 8 €/t par rapport à la clôture de vendredi dernier. Cela ne l’a pas empêché de grimper très près de 380 €/t au début de la semaine avant une baisse marquée mercredi.

 

La tension a été spécialement marquée en effet lundi dernier quand le marché mondial a paniqué à l’écoute du ministre de l’Agriculture russe. Ses propos ont d’abord été interprétés comme l’annonce d’un embargo complet sur les exportations de blé restant à faire alors qu’il signifiait seulement que les sorties russes restaient contrôlées par les quotas préalablement définis (environ 8 millions de tonnes pour la période de février à juin). Ensuite, les discussions d’un plan de paix entre l’Ukraine et la Russie mercredi ont alimenté les espoirs d’un apaisement des tensions et ont fait fortement chuter les prix des céréales sur les marchés à terme américains et européens. La tendance est toutefois repartie à la hausse jeudi sans que des résultats marquants ne soient ressortis de ces discussions.

 

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Le conflit continue donc de soutenir les prix à de hauts niveaux. Nous estimons que la Russie et l’Ukraine vont retirer plus de 10 millions de tonnes (Mt) de blé du marché mondial sur la fin de la campagne et l’activité monte en puissance chez les autres exportateurs pour les remplacer partiellement même si l’achat de 270 000 tonnes de la Turquie cette semaine sera quand même constitué d’une large part de blé russe. En effet, la Russie a annoncé autoriser la circulation de bateaux à destination de la Turquie dans la mer d’Azov. Plusieurs pays d’Asie, les Philippines notamment, achètent actuellement du blé indien. L’Iran, de son côté, élargit la liste des origines acceptées dans le pays, affichant une nette volonté de ne pas charger en mer Noire.

Montée des exportations de blé de l’UE mais inquiétude en Bulgarie

L’Union européenne (UE) et la France en particulier sont en train de récupérer beaucoup de demande à l’exportation. Des bateaux sont chargés actuellement à destination de l’Afrique du Nord, vers l’Égypte, le Maroc, l’Algérie et même la Tunisie. Comme déjà mentionné les semaines passées, la situation actuelle va faire augmenter nettement les flux français vers les pays tiers, probablement vers plus de 10 millions de tonnes. Mercredi, le ministre de l’Économie bulgare a semé le trouble en annonçant à la télévision que la situation de force majeure pourrait être déclarée pour tous les contrats de grains à l’exportation du pays passé à partir du 24 février 2022. Cette mesure n’est pas du tout ratifiée pour l’instant et vient semer un peu plus le trouble sur le marché bulgare déjà touché par des contrôles douaniers pointilleux ralentissant les exportations.

Production de blé limitée dans l’UE cet été

L’état des cultures est bon en France, selon le dernier rapport de Céré’Obs, mais comme la surface semée n’a pas atteint les prévisions, la probabilité est forte désormais que la production française de 2022 n’atteigne pas le niveau de 2021. À l’échelle de l’UE, nous prévoyons déjà en baisse la récolte de blé française en 2022. Si l’Ukraine et la Russie ne peuvent toujours pas exporter normalement au cours de la prochaine campagne, ce que nous prévoyons, cela laisse présager d’une situation bien tendue pour la prochaine campagne en Europe et en France.

 

En Allemagne, l’association des coopératives a publié un premier point de vue sur la récolte de grains du pays qui, selon elle, n’augmentera que de 2,5 %, limitée par la réduction des applications de fertilisants. L’Allemagne a en effet durci sa réglementation sur les nitrates au 1er janvier 2021 ; les nouvelles règles, couplées au prix très élevé de l’azote, risquent en effet d’y être limitantes et plusieurs firmes internationales commencent à s’inquiéter de la disponibilité à venir des blés allemands à haute teneur en protéine (blé E élite).

 

Parallèlement, la situation s’est plutôt dégradée aux USA où la sécheresse reste importante dans les plaines de production de blé d’hiver et s’étend à l’ouest du pays selon le dernier bulletin de NOAA (agence climatique américaine).

Les prix du maïs français baissent aussi mais restent soutenus

Après la forte hausse de la semaine dernière, le maïs a vu ses prix s’affaisser cette semaine que ce soit sur le marché français (–20 €/t Fob Rhin à 376 €/t et –13,5 €/t à 350 €/t Fob Bordeaux) ou le marché US (–12 $/t à 354 $/t Fob Gulf). Comme le blé, le maïs a été marqué en baisse cette semaine par les essais de pourparlers entre Russie et Ukraine puis il est reparti à la hausse jeudi avec le prix du pétrole et le constat aux USA de ventes supérieures à ce qui avait été estimé par les opérateurs.

 

La montée du prix des fertilisantsinquiète beaucoup au Brésil et les quantités que la guerre retire du marché en Ukraine sont élevées (nous les estimons proches de 12 millions de tonnes). Cela pose un réel problème d’approvisionnement dans l’UE au point qu’une délégation espagnole a demandé à la commission européenne de baisser les exigences concernant les normes sanitaires s’appliquant aux aliments pour animaux. Vendredi dernier, le comité de la Commission européenne responsable de cette question s’est prononcé favorablement et a permis aux États membres de lever certaines restrictions techniques s’ils le souhaitaient, restrictions liées au taux maximum de résidus de pesticide autorisé en alimentation animale. Cela va permettre l’importation de maïs argentine en quantités plus importante que sans cette levée de restriction.

 

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La dépendance de l’UE aux maïs non-OGM ukrainiens était forte et il n’est pas aisé de les remplacer ; cela pose un problème à l’Italie par exemple. Les tergiversations de la Hongrie par ailleurs quant à ses exportations compliquent la situation car le pays semble avoir introduit des mesures pour contrôler ses ventes (par un système de certificats).

 

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Orge fourragère : les prix mondiaux continuent de grimper

Cette semaine, le prix de l’orge fourragère rendu Rouen s’affiche en très légère hausse de 4 €/t à 368 €/t (base juillet). Cependant, cette faible hausse d’une semaine à l’autre cache une variabilité qui persiste d’un jour à l’autre, au gré des évolutions militaires et géopolitiques. Hier, la tenue de pourparlers entre l’Ukraine et la Russie a donné de l’espoir aux marchés, et les prix ont donc légèrement baissé par rapport au niveau plus élevé atteint la veille.

 

Cependant, les écarts de prix d’un jour à l’autre ont semblé garder des valeurs plus raisonnables par rapport à ceux observés les semaines précédentes. La demande portuaire reste au rendez-vous pour l’orge française malgré les prix internationaux très élevés, notamment en provenance du Maroc. Ce pays est actuellement en proie à une sécheresse dévastatrice, et les besoins en fourrages importés explosent. Sur les marchés internationaux, l’écart entre les prix européens, qui atteignent des niveaux très élevés, et les prix des autres origines commence à se réduire. En effet, la demande mondiale reste présente malgré les prix élevés, avec plusieurs appels d’offres (Iran, Algérie…) et un achat algérien de 200 000 tonnes d’orges européennes.

 

Les prix français Fob Rouen ont gagné 3,2 $/t cette semaine, à 419 $/t. En revanche, les prix australiens poursuivent leur nette augmentation entamée la semaine précédente et gagnent 15 $/t à 335 $/t. En effet, la demande du Moyen-Orient, privée de l’origine mer Noire, se tourne maintenant vers l’origine australienne. Les prix russes ont également progressé de 25 $/t à 345 $/t, et ne sont plus à parité avec les prix australiens. L’écart entre les prix français et les prix de l’origine la plus compétitive, l’origine australienne, continue donc de baisser, perdant 12 $/t supplémentaire pour atteindre 84 $/t, mais reste tout de même bien supérieur à sa valeur d’avant le déclenchement de la guerre en Ukraine.

 

Du côté de la Chine, la demande pour l’orge française est absente depuis maintenant plusieurs semaines. De nouveaux foyers de Covid-19 sont réapparus en Chine, ralentissant la demande et les importations. Les prix brassicoles français ont fini par suivre les prix fourragers à la hausse : l’orge brassicole d’hiver a gagné 77 €/t par rapport à sa valeur du lendemain du déclenchement de la guerre, contre 85 €/t pour l’orge brassicole de printemps Fob Creil (stable depuis la semaine dernière).

Nouveau rebond des prix du colza en France

Cette semaine, les prix du colza en France ont commencé à diminuer avant de rebondir de nouveau en fin de semaine, sous l’influence du pétrole.

 

En effet, jusqu’au 16 mars 2022 les cours du colza français ont décliné légèrement en raison des baisses des prix du pétrole et de l’huile de colza. Les pourparlers entre la Russie et l’Ukraine ont laissé entrevoir la possibilité d’un apaisement des tensions, ce qui a influencé à la baisse les cours du pétrole (–11 $ le baril entre le 10 et 16 mars). En conséquence, le prix du colza a également commencé à reculer. Ce dernier a aussi subi la pression provenant d’une nouvelle recrudescence de l’épidémie de Covid-19 en Chine, laissant craindre une baisse de la demande chinoise en huiles végétales (des confinements ont été imposés dans plusieurs villes chinoises).

 

Cependant, en fin de semaine, l’Agence Internationale de l’énergie a déclaré qu’à partir d’avril, l’offre de brut pourrait perdre trois millions de barils par jour en raison des sanctions à l’encontre de la Russie. Entre le 16 et le 17 mars, le pétrole s’est alors renchéri de presque 8 $ le baril, entraînant à la hausse les cours du colza, déjà extrêmement hauts en raison des faibles disponibilités. Ainsi, cette semaine les cours du colza en France ont augmenté de 37 €/t rendu Rouen et de 44 €/t en Fob Moselle, atteignant respectivement 939 €/t et 949 €/t au 17 mars.

 

Toutefois, à l’approche de la prochaine récolte et en raison de conditions de cultures plutôt favorables jusqu’ici, les prix du colza en nouvelle campagne ont légèrement diminué. Les prix Euronext sur août 2022 et novembre 2022 ont respectivement diminué de 14 €/t et de 7 €/t en une semaine. Dans l’UE, la production de colza en 2022 devrait rebondir nettement à la faveur d’une forte hausse des surfaces par rapport à la campagne précédente.

Le prix de tournesol fortement soutenu par l’arrêt des exportations ukrainiennes d’huiles

Les perspectives du marché mondial du tournesol et de son huile se tendent davantage avec la poursuite des attaques russes visant l’Ukraine. Tant que le conflit n’est pas terminé, les disponibilités en graine et en huile resteront très limitées. De plus, même en cas d’une amélioration soudaine de la situation en mer Noire si jamais les combats s’arrêtaient à la suite des négociations entre les diplomaties russes et ukrainiennes, la normalisation de production et des exportations d’huile en Ukraine ne serait pas rapide. En effet, les attaques russes devraient entraîner une dégradation (au moins partielle) des infrastructures industrielles et des réseaux logistiques dans le pays.

 

Face à ce déficit soudain mais aussi en raison des fortes incertitudes sur la prochaine récolte en mer Noire (les semis de printemps n’ont pas encore commencé et seront très bas), les acheteurs cherchent les moindres volumes d’huile et de graine disponibles en dehors de l’Ukraine et de la Russie. Cette situation tire les prix du complexe tournesol à des plus hauts historiques. En France, le prix du tournesol oléique (ancienne récolte) atteint 1 000 €/t à Saint-Nazaire (+40 €/t sur la semaine). La qualité standard s’est renchérie de 70 €/t à 930 €/t. Pour les contrats de la nouvelle récolte, le prix est également en hausse (de 35 €/t à 835 €/t). Malgré la nette augmentation du coût de la graine, les marges potentielles de trituration affichent des niveaux historiquement élevés, soutenues par les prix exorbitants de l’huile et du tourteau. Cela suggère que les triturateurs devraient maximiser la trituration de tournesol sur les prochains mois, évidemment dans la limite des disponibilités en tournesol.

Léger repli des cours du soja

Les cours du soja restent très élevés mais perdent un peu de terrain en une semaine. À Chicago, la tonne de soja perd 12 $/t (à 613 $/t) sur le rapproché (échéance mai) et 5 $/t sur juillet (à 605 $/t). La nouvelle récolte US (échéance septembre) est cotée à 560 $/t. Le Fob brésilien perd 12 $/t sur le rapproché (à 681 $/t), mais seulement 3 $/t sur juillet (à 682 $/t), malgré l’arrivée progressive de la récolte sud-américaine dans les silos portuaires. La récolte est avancée à hauteur de 70 % environ au Brésil ; elle se termine au Mato Grosso et en est aux deux tiers au Paraná. En Argentine, la météo est favorable depuis un mois, ce qui a permis aux plants de retrouver de la vigueur.

 

Pourtant, même si les récoltes brésiliennes avancent et que le retour d’une météo favorable depuis un mois laisse espérer une sécurisation du volume argentin à plus de 40 millions de tonnes, les fondamentaux du complexe soja et le contexte économique actuel maintiennent les prix à des niveaux élevés. En effet, avec les pertes sud-américaines de l’hiver (avec en première victime le Paraguay, avec une perte potentielle de plus de 50 %), le bilan mondial du soja se voit privé de volumes importants. De plus, la trituration mondiale est toujours attendue élevée en campagne de 2021-2022, pour les raisons suivantes : la première est que malgré les niveaux de prix élevés, le soja dispose depuis le début de la campagne d’une assez bonne compétitivité dans les lignes de trituration aux Amériques et en Europe, face aux autres oléagineux. Deuxièmement, la guerre en Ukraine prive les marchés mondiaux de volumes d’huiles végétales et de tourteaux de tournesol conséquents, rendant la trituration de soja d’autant plus nécessaire.

Les tourteaux de soja très demandés

Le tourteau de soja dans les rations animales garde une certaine compétitivité face aux autres aliments, bien que dans l’absolu les niveaux de prix actuels soient incompatibles avec la viabilité de certaines filières animales. L’élevage porcin est en effet dans une grande fragilité économique, en raison de prix de la viande qui sont insuffisants à l’heure actuelle pour couvrir les coûts de production. Si les prix de la viande porcine augmentaient fortement dans les semaines à venir, la situation pourrait néanmoins s’améliorer.

 

Les hauts niveaux de prix sur le complexe soja ont d’ailleurs conduit l’État argentin à stopper momentanément les exportations depuis dimanche dernier, opération qui habituellement précède une remontée des taxes à l’exportation : les opérateurs locaux, mécontents, s’attendent à ce que la taxe sur le tourteau et l’huile soit rehaussée de 2 % pour atteindre celle du soja, à 33 %, ce qui est censé apporter du répit aux prix domestiques du soja, mais pénaliserait la trituration et les exportations.

Repli néanmoins des cours du tourteau de soja

Les cours du tourteau de soja ont plus baissé que ceux du soja, les prix s’étant fortement corrigé après la hausse très marquée observée la semaine dernière. Les prix ont en effet atteint des niveaux si élevés en fin de semaine dernière que les achats ont marqué le pas dans les jours qui ont suivi. À Chicago, la tonne de tourteau de soja perd ainsi 36 $/t (à 523 $/t) sur le rapproché mais seulement 5 $/t sur juillet (512 $/t). Les prix pour la nouvelle campagne passent, eux, en dessous des 500 $/t à Chicago (sur l’échéance septembre, la tonne est à 482 $).

 

À Montoir, le tourteau de soja perd 18 €/t et atteint 602 €/t sur le rapproché, soit un niveau de prix toujours supérieur aux records de l’été 2012. Le Fob argentin quant à lui perd 25 $/t et atteint 546 $/t sur le rapproché. La guerre en Ukraine prive le marché mondial de protéines, et notamment de protéines non-OGM issues de tourteau de tournesol Hi-Pro. Cette marchandise non-OGM avait pris de l’importance dans l’approvisionnement européen, en raison de la baisse de l’assolement de soja non-OGM au Brésil depuis la campagne précédente, et du faible dynamisme des exportations de tourteau de soja indien (limité par une forte demande intérieure de la filière volailles mais aussi par un rythme de production ralenti par une forte rétention des agriculteurs indiens). Ce déficit en protéines non-OGM devrait maintenir le prix des tourteaux de soja de l’UE à des niveaux élevés pendant encore plusieurs mois.

Baisse des prix du pois dans le sillage du blé et du tourteau de soja

Le prix du poisfourrager recule cette semaine de 13 €/t départ Marne à 390 €/t. Il a surtout été entraîné par la baisse des cours du blé fourrager et du tourteau de soja.

 

Le pois fourrager est actuellement très attractif dans les rations animales, alors qu’il n’était pas compétitif depuis le début de la campagne de 2021-2022. En effet, la hausse des prix du pois sur les dernières semaines a été relativement moins marquée que celle du blé et du tourteau de soja, ce qui a permis au pois de regagner en intérêt pour les fabricants d’aliments du bétail, que ce soit dans les filières volailles ou porcines. Son prix attractif et l’arrêt quasi-total des flux ukrainiens de céréales et de tourteaux de tournesol devraient continuer à soutenir les achats de pois par les fabricants d’aliments dans les semaines à venir.

À suivre : conflit en Ukraine, sanctions contre la Russie, contexte économique mondial, réactions du secteur animal et des industries utilisatrices de grains et oléagineux à la forte hausse des prix, semis de printemps en mer Noire, conditions climatiques et récoltes en Amérique du Sud (soja), météo dans l’UE (colza), prix du pétrole, politiques commerciales des pays exportateurs de grains et oléagineux.