Les prix des céréales perdent encore du terrain en lien avec des stocks mondiaux revus à la hausse cette semaine. Les oléagineux commencent à lâcher du lest (soja légèrement et colza), influencés notamment par le retour des pluies en Amérique du Sud.

Le déclin des prix du blé se poursuit cette semaine

Le blé rendu Rouen a reculé de 3 €/t, à 265,75 €/t (base : juillet), depuis la semaine dernière. La baisse a été plus marquée à La Pallice, où le blé a perdu 7 €/t, à 263,25 €/t, et encore plus marquée sur l’échéance mars d’Euronext (–9 €/t, à 263 €/t).

 

Pour les autres origines exportatrices, les évolutions depuis la semaine dernière divergent. Les blés russes se sont très légèrement renchéris (+1 $/t, à 336 $/t Fob) et le blé ukrainien n’a pas varié, restant à 332 $/t. En revanche, outre Atlantique, la tendance de la semaine a été baissière, les blés américains ont perdu entre 14 et 16 $/t et le blé argentin a reculé de 11 $/t.

 

Les blés américains ont été influencés par le rapport mensuel du ministère de l’Agriculture américain (USDA). Celui-ci a relevé sa prévision des stocks de fin de campagne aux États-Unis, du fait d’une baisse des prévisions de la demande intérieure et des exportations. De plus, le ministère a publié sa première estimation de la surface de blé d’hiver qui indique une progression de 2 % des surfaces semées. Ce niveau (+2 %) était légèrement supérieur à la moyenne des prévisions des acteurs du marché et cela a poussé les prix à la baisse. Il est à noter que dans notre publication Stratégie Grains de janvier, nous estimons que la surface d’hiver aux États-Unis pourrait avoir augmenté de plus de 2 %.

Les blés français ont besoin d’être compétitifs

Dans un contexte mondial et européen de blé fragile, le bilan français pour la campagne en cours contraste avec celui des autres exportateurs européens, puisque les stocks prévus à la fin de juin 2022 s’accumulent. Pour éviter de finir la campagne sur une note lourde, les blés français doivent trouver davantage de débouchés. La situation est toutefois compliquée pour l’origine hexagonale depuis que l’Algérie a relevé sa tolérance de dégâts d’insectes à 1 % dans son cahier des charges. Cette annonce a permis à l’Algérie de réaliser de gros achats de blé russes au détriment de l’origine française. Auparavant, les blés de la mer Noire étaient écartés d’office en raison d’une présence d’insectes trop importante dans les lots.

 

Dernier événement en date : l’OAIC (l’organisme étatique algérien chargé des achats) a lancé un appel d’offres cette semaine, puis a repoussé la date de publication du résultat de cet appel en attente de discussions sur le statut des blés français. Ces discussions relèvent plus de décisions politiques que de réflexions économiques ou qualitatives. Le vendredi 14 janvier 2022, nous apprenons que l’Algérie a probablement fini par écarter l’origine française de ses achats qui se sont portés sur 500 000 tonnes d’origines mer Noire et Amérique du Sud.

 

Depuis cet automne, la situation est tendue entre Alger et Paris, à la suite des propos du président Macron sur le fait que le système « politico-militaire » algérien aurait « réécrit » l’histoire de sa colonisation par la France. Malgré quelques tentatives d’apaisement, la tension reste d’actualité.

 

Les exportations françaises vers les pays tiers sont tout de même prévues à 9 millions de tonnes (7,4 millions de tonnes sur la campagne 2020-2021). Cette prévision pourrait néanmoins être revue à la baisse au cours des prochaines semaines si l’Algérie ne revient pas du tout sur le marché français avant la fin de la campagne, ce qui n’est pas certain à cette date. Le cas échéant, la baisse serait légère seulement car la Chine, au contraire, soutient les exportations de la France.

 

Le marché mondial du blé reste actif malgré la baisse de ses prix : l’Iran a acheté cette semaine 240 000 tonnes en origines non déterminées et l’Iraq 150 000 tonnes de blé australien.

Détente sur le marché mondial du maïs cette semaine

Après la vague de très fortes températures, qui n’est pas encore terminée en Argentine notamment, avec des maxima à plus de 45°C dans certaines régions, des pluies sont en train d’arriver sur l’Amérique du Sud, ce qui rassure — modérément — les producteurs.

 

Néanmoins, les cultures ont souffert et la Bourse de Rosario l’a illustré cette semaine en réduisant de 8 millions de tonnes son estimation de la récolte argentine à 48 millions de tonnes. Les maïs semés les plus tôt ont beaucoup souffert mais l’arrivée des pluies pourrait être bénéfique pour ceux semées plus récemment. Encore faudra-t-il surveiller si les pluies sont effectivement conséquentes. Le sud du Brésil a également été touché par la sécheresse mais sa principale récolte est la safrinha (seconde récolte) qui arrivera en juillet et n’a pas souffert de la sécheresse.

 

Les déboires sud-américains, même si la situation semble s’améliorer, ont ainsi conduit L’IGC (Conseil international des grains) à revoir à la baisse sa prévision de la production mondiale de maïs.

 

Le disponible exportable de l’Argentine sera amoindri par la sécheresse précoce. Une partie de la demande à l’exportation pour l’Argentine devrait se transférer sur le Brésil. Même si la première récolte actuelle du Brésil est également touchée par la sécheresse, c’est la deuxième récolte qui sera en effet déterminante pour les exportations, celles à destination de l’Union européenne notamment.

 

En plus des pluies qui arrivent en Amérique du Sud, la Chine a aussi envoyé un signal plutôt baissier cette semaine : à cause du marasme de son secteur des volailles, fortement affecté par les prix très bas de la viande porcine, nous avions réduit de 2 millions de tonnes sa consommation animale de maïs pour l’année en cours. Le pays vient de confirmer cette tendance avec la mise à jour mensuelle de ses chiffres d’offre et de demande (–3 millions de tonnes).

 

Le 12 janvier 2022, nous apprenions que l’administration Biden était en train d’étudier la possibilité de réduire l’obligation d’incorporation de l’éthanol aux États-Unis, plus bas que l’objectif (15 milliards de gallons) publié il y a juste quelques semaines. Enfin, dans sa mise à jour mensuelle, l’USDA a revu à la hausse la production et les stocks de maïs et à la baisse les exportations américaines. Les prix américains, Fob Gulf, se sont ainsi affaissés de 7 $/t cette semaine, alors que les prix argentins restaient stables et les ukrainiens gagnaient 7 $/t.

 

Avec la hausse de l’euro, la baisse du maïs sur Chicago et la baisse du blé sur Euronext, les prix du maïs français ont accusé le coup et abandonné 5 €/t Fob Bordeaux (à 241 €/t base juillet) et 2,5 €/t Fob Rhin (à 250 €/t).

Orges : la baisse des prix français se poursuit sur le marché européen

Cette semaine, les prix français de l’orge rendu Rouen ont continué leur baisse amorcée les semaines précédentes. Ce recul des prix français semble nécessaire au regard des stocks d’orge confortables qui se dessinent à la fin de juin 2022. De plus, la publication du rapport de l’USDA ce mercredi a tiré vers le bas les prix du blé sur les marchés à terme internationaux. Cette baisse s’est répercutée sur les marchés physiques français, où les prix de l’orge ont également diminué dans le sillage du blé.

 

Le prix rendu Rouen de l’orge fourragère a ainsi perdu 3 €/t à 245 €/t. Après les sommets atteints fin novembre à 276 €/t, le recul des prix français semble désormais acté, d’autant plus que la France n’est plus compétitive vers la Chine face aux prix de l’origine Argentine.

 

L’orge française s’affiche quasi stable à 291,25 $/t sur le marché mondial en prix Fob, contre 290,9 $/t la semaine précédente. La baisse du dollar a en effet compensé la baisse des prix en euros. Les rapports de compétitivité évoluent peu à l’échelle mondiale, avec des prix stables sur la mer Noire. Les prix français restent positionnés entre les prix ukrainiens et russes, 1,25 $/t sous l’origine ukrainienne, à 292,5 $/t, mais 2,75 $/t au-dessus des orges russes, à 288,5 $/t.

 

L’appel d’offres publié cette semaine par la Turquie pour 345 000 tonnes d’orge fourragère sera probablement remporté par des origines mer Noire. L’orge australienne, quant à elle, continue à gagner en compétitivité et perd 2 $/t cette semaine, 30 $/t en dessous de l’orge française.

 

En revanche, les prix brassicoles progressent légèrement cette semaine. Contrairement aux prix fourragers, ils n’ont cessé de grimper depuis le début de la campagne. Le bilan brassicole européen est tendu en raison des faibles disponibilités alors que la demande est présente. L’orge brassicole de printemps gagne 2 €/t Fob Creil à 372 €/t, tandis que l’orge brassicole d’hiver gagne 5 €/t par rapport aux prix de la fin de décembre à 350 €/t.

Soja : légère détente sur les prix

Les prix mondiaux du soja restent particulièrement élevés, mais diminuent très légèrement par rapport à la semaine dernière. À Chicago, la tonne de soja perd 4 $/t sur le rapproché (à 502 $/t) et 3 $/t sur l’échéance de mai (510 $/t). Le cours du soja Fob Brésil perd également 3 $/t et atteint 530 $/t sur le rapproché. En effet, des précipitations sur l’Argentine et le sud brésilien sont attendues dans les prochains jours, ce qui devrait apporter un peu de répit à des cultures grandement fragilisées par la sécheresse qui sévit depuis le début de l’été austral.

 

La situation est d’autant plus critique depuis quelques semaines que les températures sont élevées (plus de 40°C enregistré en Argentine) et que les cultures de ces régions entrent en phase de maturation. La semaine dernière, nous évoquions les pertes chiffrées à plusieurs millions de tonnes par certains observateurs. Ces premières estimations sont modérées par des révisions en baisse moins alarmistes de la part de l’USDA, qui revoyait quand même ce mercredi 12 janvier la production brésilienne à 139 millions de tonnes (contre 144 le mois précédent) et la production argentine à 46,5 millions de tonnes (contre 49,5).

 

Jeudi 13, plus pessimiste, le cabinet brésilien Agroconsult annonçait, quant à lui, une production brésilienne à environ 134 millions de tonnes. Les prochaines semaines seront décisives pour les rendements finaux sud-brésiliens, argentins, paraguayens et uruguayens. Les pluies annoncées pour les prochains jours devront se concrétiser et être idéalement suivies d’autres précipitations pour permettre à ces bassins de production de limiter leurs pertes. Un tel scénario est loin d’être garanti, compte tenu du régime climatique de la Niña, qui devrait se prolonger encore quelques semaines.

 

La situation du centre brésilien est toujours en opposition avec le sud, avec une humidité ambiante qui ralentit les travaux de récolte, bien que les prévisions météorologiques laissent penser à une amélioration dans les prochains jours. Cela pourrait remettre en question ce que les semis précoces au début de novembre avaient laissé espérer, à savoir une disponibilité des fèves rapides et une rotation des cultures optimales avec la safrinha de maïs, semée à la suite du soja. Néanmoins, les premières parcelles récoltées laissent entrevoir de bons niveaux de rendement au Mato Grosso, qui pourraient compenser en partie les pertes des États producteurs du Sud.

Les prix mondiaux du tourteau de soja grimpent encore

Sur le rapproché, le tourteau de soja à Chicago progresse de 4 $/t par rapport à la semaine dernière (467 $/t). Le Fob argentin progresse quant à lui de 6 $/t (458 $/t).

 

À Montoir, la tonne de tourteau progresse très fortement (de 35 €/t en une semaine) et atteint désormais 498 €/t. En effet, les craintes de défaut de livraison pour les chargements au départ du Brésil sur février-mars et de l’Argentine au printemps, ainsi que les prix mondiaux élevés incitent les importateurs européens à reporter leurs achats sur la marchandise européenne. Ainsi, le marché du tourteau de soja en France se retrouve dans une situation d’offre inférieure à la demande. Il est possible que cela se prolonge sur les prochaines semaines dans le Grand Ouest.

 

Ailleurs dans le monde, les cadences de trituration aux États-Unis et au Brésil sont bonnes, à l’inverse de celles en Chine et en Inde. En Inde, la trituration et les exportations de tourteau de soja non-OGM sont fortement ralenties depuis l’automne, en raison d’une certaine rétention des agriculteurs dans l’attente de meilleurs prix. Ce qui participe également à soutenir les prix des tourteaux non OGM dans l’Union européenne.

Les prix du pois cèdent du terrain

Cette semaine le prix du pois fourrager a perdu 15 €/t à 330 €/t départ Marne, malgré la hausse des prix du tourteau de soja. Il a surtout diminué en raison du manque de demande de la part des fabricants d’aliments, en raison de la concurrence accrue du blé fourrager, ce dernier ayant vu son prix diminuer.

Chute des prix du colza

Cette semaine, les cours du colza en France ont fortement chuté : ils ont diminué de plus de 40 €/t rendu Rouen et de plus de 80 €/t en Fob Moselle. Les prix atteignent respectivement 723,5 €/t et 717,5 €/t (des niveaux qui restent tout de même élevés).

 

En effet, les prix très élevés du colza en France la semaine dernière ont fortement limité la demande des triturateurs, ce qui a entraîné une forte correction à la baisse des prix cette semaine. Les prix ont de plus diminué en raison de la détente observée sur le marché du soja à la suite des pluies annoncées en Amérique du Sud.

 

Les cours du colza ont également réagi à la diminution des prix de l’huile de palme : malgré la baisse des stocks malaisiens en décembre et la baisse de la production attendue en janvier (inondations et problématiques de main-d’œuvre), la demande internationale de l’huile de palme s’est affaiblie (notamment en Inde) en raison de prix moins compétitifs que ceux des autres huiles.

 

De plus, les prix des colzas en France ont été entraînés à la baisse par ceux du canola au Canada. Les besoins en canola des triturateurs canadiens étant couverts de janvier à mars, ces derniers ont suspendu leurs achats. Ainsi, les cours du canola ont diminué de 12 $/t sur l’échéance demars 2022 du marché à terme canadien, et de près de 6 $/t sur mai 2022 (respectivement à 789,2 $/t et 778,4 $/t).

Le tournesol stable

Le prix de tournesol n’a pas beaucoup évolué depuis la semaine dernière. Il est resté stable à 620 €/t en qualité oléique et a augmenté de 5 €/t pour le tournesol standard à 600 €/t à Saint-Nazaire. L’activité sur le marché s’est pourtant accélérée avec la fin de la période des festivités : l’intérêt des acheteurs se montre plus dynamique. Toutefois, le fort recul des prix de colza et, dans une moindre mesure, de ceux du soja est venu contrebalancer l’effet haussier de la reprise de la demande.

 

En mer Noire, le prix Fob moyen (Ukraine, Roumanie, Bulgarie) était également statique sur une semaine à 642,5 €/t faute de demande significative à l’exportation. En revanche, le prix intérieur ukrainien a nettement progressé (de 18 $/t à 728 $/t). Cela s’explique par une rétention accrue des producteurs qui tentent de faire augmenter leurs prix de vente. Les triturateurs rencontrent ainsi des difficultés à s’approvisionner en tournesol malgré les stocks élevés de graine dans les fermes.

À suivre : relations diplomatiques entre l’Algérie et la France, compétition argentine en blé et orge, climat aux États-Unis, conditions climatiques en Amérique du Sud, contexte sanitaire européen et mondial, taux de change euro/dollar.