Précoce et rapide. Voilà comment qualifier la moisson 2018 qui est désormais terminée pour le colza et les céréales, à part certaines orges de printemps. Les chantiers ont souvent débuté avec une à trois semaines d’avance, du fait des fortes températures en juin. En Bretagne, la collecte s’est même achevée en juillet, ce qui n’était jamais arrivé depuis 1976 ! Le Sud-Ouest fait exception : avec les pluies continues au printemps, les stades des cultures étaient plus tardifs que d’habitude et les récoltes n’ont souvent pas démarré avant début juillet. Et si dans cette région, les orages ont ralenti les travaux, ailleurs le ballet des moissonneuses a été très peu interrompu par les pluies. « Beaucoup de blé a été récolté à seulement 11-12 % d’humidité, relate un opérateur dans les Hauts-de-France. Humidité qui ne remontait pas la nuit. »

Mais côté rendement, le compte n’y est pas, surtout en colza (lire encadré ci-dessous). Si l’automne sec a en moyenne permis une bonne implantation, la pression maladie due à l’hiver doux et humide, conjuguée aux fortes températures de fin de cycle, a entraîné un moindre remplissage des grains de céréales. La situation varie toutefois selon la nature des sols : les terres légères, drainantes, habituellement sensibles à la sécheresse, sont moins pénalisées cette année par l’excès d’eau et ont des rendements supérieurs à la moyenne. C’est l’inverse pour les sols profonds.

En blé tendre, le rendement moyen est évalué à 69-70 q/ha, en retrait de plus de 6 % par rapport à la moyenne olympique sur cinq ans (1). « La surface emblavée, au plus bas depuis six ans, atteint 4,94 millions d’hectares et amplifie l’impact de la chute du rendement », note Agritel. Les parcelles oscillent entre 61-63 q/ha en moyenne en Rhône-Alpes et Poitou-Charentes, et 80-85 q/ha en Champagne-Ardenne et dans les Hauts-de-France, en passant par 67-69 q/ha en Lorraine et en Bourgogne, 70 q/ha en Auvergne ou encore 75 q/ha dans le Centre et l’Ile-de-France. Des chiffres en demi-teinte par rapport à ce qu’attendaient les opérateurs. Même si certaines parcelles se hissent parfois à 95-100 q/ha.

Mauvais remplissage

Le décrochage est plus fort en Bretagne et dans les Pays de la Loire, où les rendements décrochent de 5 à 15 q/ha par rapport à la moyenne. « Après les fortes pluies de l’hiver qui ont saturé les sols en eau, le défaut d’ensoleillement en juin a pénalisé le remplissage des grains, s’ajoutant à une densité d’épis faible », explique un responsable de collecte en Bretagne.

La chute est encore plus spectaculaire dans le Sud, confronté à un cumul de pluie exceptionnel depuis la sortie de l’hiver jusqu’à la maturité. Les orages post-floraison en fin de cycle ont aussi été catastrophiques. « Les rendements avoisinent les 45 q/ha, c’est 15 à 20 % de moins que d’habitude », confie un opérateur en Occitanie. Les sols de boulbène sensibles aux excès d’eau sont les plus pénalisés. Les orages de juillet ont fini de dégrader la qualité. Avec des poids spécifiques (PS) à 72-73 kg/hl, la moitié des blés rentrés partiront en fourrager. Mais ces mauvais résultats de PS dans le Sud ne doivent pas faire oublier l’excellente qualité des lots partout ailleurs. Les PS sont ainsi supérieurs à 77 kg/hl, avec des moyennes dépassant parfois 80 kg/hl.

Les taux de protéines dépassent allègrement les 11,5 % en moyenne, voire les 12 %, grâce à de bonnes conditions d’absorption d’azote. Point à surveiller : la présence de mycotoxines, puisque certains lots dépassent la norme de 1 250 ppb en déoxynivalénol, notamment dans le Sud-Ouest où les marchés sont au statu quo par peur de commercialiser des lots non conformes.

Blé dur à la peine

En moyenne en blé dur, les volumes sont 15 à 20 % inférieurs à ceux de 2017. Mais les résultats sont très contrastés selon les bassins de production. Ils sont ainsi élevés dans le Centre (>70 q/ha), avec un taux protéique (>14,5 %) et un PS (>79 kg/hl) très bons. Dans le Centre-Ouest, les résultats sont moyens (entre 50 et 60 q/ha en rendement, 77 kg/hl en PS et 14,5 % en protéines). Là encore, le Sud-Ouest paye un lourd tribut. Dans cette zone, « la situation est comparable à 2016 », s’est inquiété Philippe Pinta, président de l’AGPB (2) lors d’un point presse le 26 juillet. Les rendements ne dépassent pas les 40 q/ha, avec des PS faibles, des protéines moyennes, et des taux de moucheture et de mitadinage élevés. « Seuls 20 à 30 % de la collecte ont une qualité potable », chiffre un collecteur qui prédit une baisse de la sole blé dur dans la région au profit de blés améliorants. « Mais la prime de ces derniers va baisser », estime-t-il. Les fabricants de pâtes et de semoule industrielle ont prévenu qu’une « grande partie de la récolte ne sera pas utilisable par l’industrie et devra servir pour l’alimentation animale ».

Quant aux orges, elles sont dans la moyenne quinquennale. Entre 9 et 10 Mt ont été récoltés en orge d’hiver. Les rendements suivent un gradient d’ouest en est, avec une moyenne nationale de 67 q/ha. Du point de vue qualité, les taux protéiques sont homogènes, dans la fourchette brassicole (entre 10 et 11 %) ; le calibrage est moyen dans le Centre, bon à très bon dans le reste des régions. Les rendements d’orge de printemps devraient être très corrects, avec des taux protéiques répondant également aux exigences brassicoles (9,5 à 10,8 %). Les calibrages sont bons (90 %).

Après cette récolte décevante en quantité, les regards se tournent vers les prix qui progressent (lire p. 4). « Mais il faudra que ça monte sur plusieurs exercices pour donner de l’air aux producteurs », prévient un responsable de collecte dans la Vienne.

(1) Pour laquelle on a retiré la plus petite et la plus grande donnée.

(2) Assemblée générale des producteurs de blé.