Par rapport à la semaine dernière, l’ensemble des commodités agricoles (à l’exception du tournesol) a suivi une trajectoire haussière. Elles sont sous l’influence des tours de plaine un peu moins bons que prévu aux États-Unis pour les maïs et le soja, ainsi que d’une demande toujours présente en céréales à paille. Sur la fin de la semaine, les prix ont eu tendance à décliner de nouveau.
Rebond partiel du blé
Après la lourde chute de la semaine passée, le blé français s’est nettement renchéri sur le début de la semaine avant de s’infléchir au milieu de la semaine sur le Matif, comme sur le physique. Sur le Matif, l’échéance de septembre a gagné 12 €/t (à 327 €/t) par rapport à la semaine dernière, tandis que le rendu Rouen a gagné 13 €/t (à 326,75 €/t).
FranceAgriMer a communiqué le 25 août 2022 les derniers résultats de l’enquête d’Arvalis sur la qualité de la récolte française. Les résultats indiquent une mauvaise qualité meunière, puisque 27 % des lots analysés présentent des taux de protéines inférieurs à 11 % et 31 % des lots ont des taux de protéine compris entre 11 et 11,5 %. À titre comparatif, seulement 5 % de la récolte 2021 présentait des taux de protéine inférieurs à 11 %.
La France n’est pas la seule à faire face à des taux de protéines un peu faibles : l’Allemagne, les pays baltes, l’Ukraine et la Russie sont également confrontés à ce problème qualitatif. Cela soutient le prix des blés meuniers.
Par ailleurs, cette semaine, la Chine s’est tournée vers la France pour acheter plusieurs bateaux de blé à faibles taux de protéine (entre 10 et 10,5 %). Cet achat pourrait concerner jusqu’à huit bateaux pour livraison sur octobre et novembre, vendus à 369 $/t CAF.
À l’exportation, les céréales européennes sont légèrement avantagées par la faiblesse de l’euro face au dollar. L’euro est désormais à parité, voire inférieur au dollar. Actuellement les chargements de blé dans les ports français concernent essentiellement l’Algérie et le Maroc (comme depuis le début de la campagne), mais également le Yémen et le Pakistan, dans des proportions moindres. Le rythme des exportations françaises reste soutenu. Cette demande dynamique à l’exportation a contribué au renchérissement de la céréale sur les derniers jours.
Maintien d’une pression baissière en Russie
Le blé français vaut maintenant 334 $/t (+8,5 $/t par rapport à la semaine dernière), tandis que le blé russe à 12,5 % a baissé de 11 $/t à 313 $/t. Les prix russes sont encore entraînés à la baisse par la récolte colossale de cette année. La baisse des prix russes est encore plus marquée pour les grains à 11,5 % de protéines (-14 $/t). Cette qualité de blé présente cette année une proportion bien plus élevée que d’habitude des blés déclassés pour le débouché fourrager.
Les agriculteurs russes voudraient se débarrasser en priorité de leur blé fourrager. Cependant, la demande reste très peu présente pour cette qualité, ce qui pèse sur les prix. Dans ce contexte l’inquiétude grandit autour du stockage de cette récolte record.
Le rythme des exportations russes est toujours scruté de près. Bien qu’une accélération soit constatée depuis le début du mois d’août, il reste loin des grandes performances dont le pays est capable.
Dans les ports russes, les exportations concernent essentiellement des blés entre 12 et 12,5 % de protéines. Avec des dégradations qualitatives chez bon nombre de producteurs d’Europe de l’Ouest et de la mer Noire, la demande en blés à plus de 12 % de protéines est dynamique.
Cette semaine, l’Égypte a acheté 240 000 tonnes de blé russes à un prix moyen de 368 $/t CAF. C’est 8 % de moins que lors du précédent achat effectué en juillet. Depuis quelques mois, l’Égypte ne réalise plus d’appel d’offres, mais privilégie les achats privés. Les ventes russes vers l’Afrique subsaharienne sont significativement réduites par rapport à la campagne précédente, et les acheteurs se tournent plutôt vers les origines allemandes et françaises.
Rebond marqué du maïs français dans le sillage de l’américain
Sur le marché physique en France, le maïs s’est nettement renchéri en ce début de semaine. Le prix fob Rhin a gagné 15 €/t à 318 €/t et celui du Fob Bordeaux s’est élevé de 12 €/t à 337 €/t. En dollar, la hausse française est atténuée (7 $/t sur la façade atlantique) par la grande faiblesse de l’euro, passé sous le dollar en milieu de semaine avant de remonter légèrement depuis. Cette hausse en France a suivi une progression de tous les principaux cours mondiaux, maïs américain en tête (+18 $/t).
Le principal facteur qui a tiré les prix cette semaine concerne la situation des maïs aux États-Unis : le « crop tour » effectué par l’entreprise Profarmers atteste de rendements potentiels inférieurs à ceux de l’an dernier. Dans le premier district de l’Iowa par exemple, les rendements sont estimés en baisse de 1,4 % par rapport à ceux de l’an passé.
Le tour de plaine effectué en Iowa, le plus gros État producteur de maïs aux États-Unis, fait suite à des observations menées plus à l’Est (Nebraska, South Dakota) qui indiquaient déjà des baisses par rapport à l’an dernier. Cette baisse de rendement ne constitue pas une surprise (nous prévoyions à la mi-août une chute du rendement national américain de 1,6 %), mais la chute semble plus forte que prévu dans plusieurs régions.
Ces résultats ont fait grimper Chicago cette semaine, ce qui a été renforcé par la situation en Chine : ce pays est en train d’estimer les dégâts de la très forte vague de chaleur qu’il vient de subir. Pour le maïs, les dégâts devraient être limités à l’échelle nationale car la situation est très bonne dans le nord-est du pays (principale zone productrice). Cela compensera les dommages liés à la sécheresse plus au Sud dans le bassin du Yangtze.
En Europe, la Commission européenne a de nouveau réduit son estimation de la production de maïs le 25 août à près de 59 millions de tonnes. Ce qui représente une baisse de presque 15 millions de tonnes par rapport à l’an passé. L’ensemble de ces éléments soutient actuellement le prix du maïs, malgré la montée en puissance des exportations de l’Ukraine.
Les prix de l’orge progressent nettement
Après une baisse importante la semaine dernière, les cours de l’orge fourragère ont enregistré un net rebond cette semaine sur le marché français. Le prix rendu Rouen du 25 août échéance octobre-décembre a gagné 10,50 €/t par rapport à la semaine précédente, à 284,50 €/t (base juillet).
Deux facteurs principaux expliquent cette hausse. Tout d’abord, la volatilité des prix du maïs marqués par des inquiétudes qui pèsent sur les récoltes aux États-Unis et en Europe. Deuxièmement, l’instabilité des prix du blé face au poids massif de la récolte russe et les tensions continues dans la région de la mer Noire.
À l’international, les orges tricolores restent aujourd’hui toujours compétitives face aux orges australiennes cotées 305 $/t Fob au 25 août. La nouvelle baisse historique cette semaine (la deuxième en deux mois) de l’euro face au dollar ne peut qu’améliorer la compétitivité des orges françaises et européennes à l’exportation. En revanche, l’écart de prix se creuse avec les orges russes qui n’ont pas cessé de descendre cette semaine, à 283 $/t Fob. Pour l’instant, les flux en provenance de la Russie restent modestes et ne dépassent pas les volumes exportés à la même période l’an passé. Ils devraient toutefois s’accélérer dans les prochaines semaines sous la pression des disponibilités exportables russes exceptionnelles cette année.
Coté demande, on observe une réduction des chargements en orge vers des pays tiers dans les ports français cette semaine. En revanche, la demande sur le marché international reste soutenue avec l’achat par la Jordanie de 120 000 tonnes d’orge le 24 août, suivi par un nouvel appel d’offres le lendemain pour un volume équivalent.
Net rebond du soja
Le temps chaud et sec dans l’ouest des grands États producteurs de soja aux États-Unis a continué à dégrader l’état des cultures la semaine dernière. Cela a conduit l’USDA (ministère de l’Agriculture américain) à diminuer d’un point, à 57 %, la part des champs jugés dans un état bon à excellent dans sa publication du 22 août.
De plus, un analyste privé conduisant un tour de plaine dans les états du Midwest américain, a fait état d’une densité de gousses inférieure à l’an passé dans la plupart des régions traversées. Ces éléments ont largement contribué à la hausse des cours cette semaine, qui s’élèvent de 21 $/t pour l’échéance septembre sur le marché à terme de Chicago, et de 10 $/t sur l’échéance novembre.
Néanmoins, l’état des sojas américains est globalement bon. Même s’il est pour le moment prévu inférieur à l’an dernier, le rendement national est attendu à un niveau très correct et la production devrait s’approcher du niveau de la récolte 2021, si aucune nouvelle dégradation n’est à déplorer.
De plus, la demande chinoise en soja américain a décollé cette semaine, avec deux ventes déclarées pour un total de 627 000 tonnes pour une livraison sur la prochaine campagne de commercialisation (2022-2023). Cela faisait quatre mois que de tels volumes n’avaient pas été achetés sur un laps de temps aussi court. Cela démontre un regain d’intérêt pour la marchandise américaine des acheteurs chinois, surtout sur la période septembre-décembre, pendant laquelle les sojas brésiliens apparaissent relativement chers par rapport à leur concurrent nord-américain.
Cela a également soutenu les prix du soja, tout comme la remontée du prix du pétrole cette semaine (+2 %). Celle-ci a principalement découlé d’une annonce des pays de l’Opep (organisation des pays exportateurs de pétrole) qui pourraient diminuer leur production le mois prochain. Elle a également été influencée par la publication des niveaux de stocks de brut aux États-Unis, un peu inférieurs aux attentes cette semaine.
Prix du tourteau de soja en progression
Les prix à Chicago et sur le marché français sont en hausse cette semaine, à la suite des prix de la fève. À Montoir, la tonne de tourteau a gagné 14 €/t (à 568 €/t).
Il est aussi porté par le ralentissement de la production de tourteau de soja en Argentine. Cette dernière est freinée par la forte rétention des agriculteurs, très réticents à vendre leur soja dans un contexte de crise financière et de forte dévaluation du peso. Les disponibilités à l’exportation de tourteaux et de soja sont ainsi limitées. L’Argentine étant habituellement le principal fournisseur mondial de tourteau de soja, cela soutient les cours un peu partout sur la planète.
De plus, en Chine, les stocks de tourteaux chez les industriels sont en recul pour la quatrième semaine consécutive en raison d’une accélération des achats des fabricants d’aliments du bétail, à la faveur d’une amélioration des marges dans l’élevage porcin. Les stocks de tourteau de soja en Chine seraient en baisse de plus de 20 % par rapport à l’an dernier à la même époque. Cela a aussi contribué à faire monter les cours mondiaux sur les derniers jours.
Le pois fourrager en France n’était pas coté la semaine dernière. Il est désormais autour de 387,50 €/t départ Marne, à un niveau proche des cotations de fin de campagne de la moisson 2021. La production française est évaluée en net recul, surtout à cause des surfaces. Les rendements sont finalement proches de l’an dernier, le potentiel ayant été affecté par le temps très chaud et sec en fin de cycle.
Le colza en hausse
La remontée des cours du pétrole et du soja a soutenu les prix du colza en France, qui ont repris une vingtaine d’euros la tonne après une chute d’environ 55 €/t la semaine précédente. L’évolution de la parité euro dollar a aussi renforcé la hausse des prix en euros. L’euro et le dollar américain sont désormais presque à parité.
Du côté des fondamentaux, l’offre européenne s’annonce toujours abondante. Les récoltes ont montré des rendements supérieurs aux attentes, que ce soit en France, en Allemagne ou en Pologne. De plus, la production ukrainienne aurait finalement été peu affectée par le conflit, et serait en nette hausse par rapport à l’an dernier, à plus de 3 millions de tonnes.
Les exportations ukrainiennes de colza vers l’Union européenne sont très dynamiques : elles se font majoritairement par voie terrestre. Par ailleurs, la récolte russe devrait atteindre un niveau record. Les surfaces de colza d’hiver auraient doublé par rapport à l’an passé, ce qui devrait booster le rendement moyen russe. Enfin, l’état des cultures reste très satisfaisant en Australie, mais aussi dans la plupart des régions productrices de l’ouest canadien.
Correction à la baisse pour le tournesol
Le tournesol a récemment vu une baisse de la demande des industriels en raison de la concurrence accrue du colza. De plus, des flux dynamiques de tournesol ukrainien vers l’Union européenne ont été enregistrés cette semaine : ils se dirigent principalement vers la Roumanie et la Bulgarie, avant d’être réexpédiés par bateau vers d’autres pays du bloc européen.
Enfin, la récolte a démarré, ce qui pèse sur les cours. La qualité standard a ainsi vu sa cotation à Saint-Nazaire baisser de 40 €/t sur la semaine à 630 €/t. Le tournesol oléique voit lui son prix diminuer de 5 €/t à 745 €/t.
À suivre : récolte de tournesol en Europe et mer Noire, météo en Amérique du Nord (maïs, soja, canola), cadence des exportations de grains de la mer Noire, parité euro/dollar, prix du baril de pétrole.