Les prix des céréales sont en forte baisse cette semaine avec la confirmation de la reprise des exportations ukrainiennes et l’arrivée des pluies. Le colza s’affaisse aussi fortement à la suite du pétrole et des bonnes perspectives de rendement en Australie et au Canada.

Le blé chute lourdement

Cette semaine, le prix du blé a nettement baissé, de 23,5 €/t sur le Matif échéance septembre à 315 €/t (en milieu de journée). La baisse a été encore plus marquée sur le marché physique : - 29,50 €/t à 314,00 €/t rendu Rouen échéance août en base juillet.

 

L’euro s’est également déprécié, ce qui a encore davantage accentué la baisse en dollars : - 35,50 $/t à 325,00 $/t. L’origine française est loin d’être la seule à avoir suivi cette tendance baissière, même si la baisse est plus drastique dans l’Hexagone qu’ailleurs.

 

Le blé russe à 12,5 % de protéine a perdu 24 $/t à 324 $/t, le blé ukrainien 12 $/t à 304 $/t et le blé US HRW seulement 5 $/t à 381 $/t. Quelle que soit l’origine, les blés ont marqué le pas significativement à la suite de la reprise des exportations ukrainiennes (même si ces dernières portent surtout sur le maïs) et sous le poids de la colossale récolte russe.

 

Cette dernière se poursuit et devrait allègrement pulvériser le dernier record datant de 2020. À mesure qu’elle avance, les problèmes de protéines plus basses qu’à l’accoutumée se confirment dans ce pays. Néanmoins, l’écart de prix entre les blés français à 11,5 % et les blés russes à 11,5 % s’est resserré par rapport à la semaine précédente, passant de 40 $/t à 21 $/t (l’origine russe restant plus compétitive).

 

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La qualité de la récolte française en demi-teinte

Les premiers résultats qualitatifs des récoltes françaises de blé ont été publiés par FranceAgriMer et Arvalis cette semaine. Au 16 août 2022, 40 % des blés se trouvaient dans la classe dite « supérieure » et 12 % dans la classe « premium ». Ces résultats sont bien meilleurs que ceux de la récolte 2021, sans pour autant être excellents.

 

Les poids spécifiques et les indices de Hagberg sont très supérieurs à ceux de l’an dernier. Les taux de protéines sont en revanche plutôt décevants avec seulement 43 % des lots analysés à 11,5 % et plus, contre 80 % en 2021.

 

À mesure que les lots analysés correspondront aux régions les plus au nord du pays, les problèmes de protéines devraient s’accentuer. À ce jour, 24 % des lots analysés présentaient des taux de protéines inférieurs à 11 %. Néanmoins, à ce stade de la campagne, ces soucis qualitatifs n’handicapent pas la commercialisation.

 

L’Ukraine est encore peu présente à l’exportation en blé malgré l’enclenchement de ses sorties maritimes, et la Russie souffre des sanctions financières occidentales. Les importateurs se tournent donc vers la France depuis le début de l’été. Cette semaine, les chargements étaient un petit peu moins actifs que les semaines précédentes et l’Algérie reste la première destination des blés français.

L’environnement mondial reste baissier

Les conditions de culture sont scrutées de près en Argentine après un mauvais départ en raison d’un manque d’humidité sur les principales provinces productrices de blé du pays. Bien que la situation se soit stabilisée maintenant avec les pluies récentes, le blé argentin a bien résisté à la baisse exprimée par les autres origines exportatrices.

 

Dans le reste de l’hémisphère Sud, les échos sont meilleurs, notamment en Australie où de bonnes pluies alimentent régulièrement les sols depuis le début du cycle de production. L’USDA (ministère américain de l’Agriculture) a même relevé sa prévision de la récolte australienne de 3 millions de tonnes à 33 millions de tonnes la semaine dernière.

 

Cette prévision apparaît un peu optimiste à ce stade du cycle cultural (les premières coupes ne débuteront qu’en novembre). Elle pourrait être atteinte si la suite de la campagne de production bénéficie de conditions toujours aussi favorables aux blés.

 

Avant que ces volumes ne soient disponibles pour la vente, il va falloir que les exportations de la Russie montent en puissance pour que ce pays écoule sa gigantesque récolte. Les terminaux portuaires sont remplis de grains qui peinent à s’exporter, et les prix russes continuent de dégringoler.

 

L’association des agriculteurs privés a publié une lettre à l’attention du président russe pour demander la levée des taxes à l’exportation et la réévaluation à la hausse des volumes d’achats à l’intervention par l’État. Pour le moment, ce volume n’est que de 1 million de tonnes, alors que la récolte s’annonce proche des 95 millions de tonnes. Ces achats à l’intervention viennent juste de démarrer.

Le maïs emporté aussi par la baisse généralisée des céréales

Comme pour le blé et l’orge, les cours du maïs affichent une forte correction à la baisse cette semaine. Pour la nouvelle récolte, les prix abandonnent près de 22 €/t Fob Atlantique à 325 €/t et plus de 30 €/t Fob Rhin à 303 €/t pour l’échéance octobre-décembre (base juillet).

 

Comme pour le blé, cette baisse s’explique par la confirmation que les chargements au départ du port d’Odessa se sont bien mis en route. À ce jour, le maïs constitue l’essentiel des 25 bateaux qui ont déjà pris le départ depuis le 1er août.

 

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Ces chargements, qui vont encore monter en puissance, viennent s’ajouter aux flux terrestres non négligeables : 1,1 million de tonnes de maïs en juillet. Cela renforce la probabilité que les gros volumes de maïs ukrainiens qui seront nécessaires pour l’équilibre du bilan européen de maïs puissent effectivement bien avoir lieu.

 

Les prix ont aussi chuté en raison des précipitations, certes hétérogènes et variables selon les régions, qui ont touché une bonne partie de la France et de l’Europe cette semaine. Ces pluies sont arrivées trop tard pour empêcher les fortes chutes de rendement déjà attendues, mais elles viennent ralentir les dégradations.

 

La baisse des prix a été plus marquée sur le Rhin que dans le sud-ouest de la France. Cela est à lier avec la faiblesse du niveau des eaux sur l’ensemble des cours d’eau de l’est de la France et du nord de l’Union européenne. Les péniches ne peuvent pas charger les quantités habituelles et cela ralentit nettement les expéditions.

 

Aux États-Unis, des pluies et un temps plus frais sont prévus pour la semaine prochaine ce qui a pesé sur les prix du maïs américain, malgré un redressement en fin de semaine à la suite de bonnes performances à l’exportation.

 

En Argentine, la récolte 2022 se termine et la Bourse de Buenos Aires vient de relever son estimation de 49 à 52 millions de tonnes. Ceci a également été perçu comme un élément plutôt baissier pour le prix du maïs.

Plusieurs éléments haussiers à surveiller pour le maïs

En revanche, les surfaces de maïs en Argentine pour la récolte de la prochaine campagne restent prévues en baisse par rapport à celles de cette année (coûts de production élevés et excès de sec au début des semis). Les effets de la sécheresse restent à surveiller bien sûr partout dans le monde.

 

En Chine, la situation devient alarmante pour le fleuve Yantze à cause de l’assèchement des bassins qui l’alimentent dans le centre du pays. Des inquiétudes sont en train de monter pour les récoltes d’automne dans ce pays même si le maïs, produit plus au Nord, ne semble pas encore très concerné actuellement.

 

Cette semaine, sans surprise, le Conseil international des céréales a réduit nettement sa prévision de la récolte mondiale de maïs, de 10 millions de tonnes, pour refléter les chutes de l’Union européenne principalement. Malgré la baisse des prix de cette semaine, le bilan du maïs s’annonce toujours bien tendu, que ce soit à l’échelle mondiale ou européenne pour la campagne 2022-2023.

La baisse des prix de l’orge se poursuit sous la pression de l’offre de la mer Noire

Les cours de l’orge fourragère ont continué de baisser cette semaine sur le marché français. Le prix rendu Rouen base juillet a perdu 23 €/t par rapport à la semaine précédente, à 268 €/t le 18 août pour des livraisons rapprochées.

 

Ce repli, en lien avec celui des autres céréales, est dû surtout à la pression de la mer Noire. Les départs de céréales en provenance des trois ports de la région d’Odessa s’accélèrent, même si les bateaux expédiés depuis le 1er août transportent essentiellement du maïs et un peu de blé (pas d’orge chargée à ce jour).

 

La rencontre organisée hier à Lviv entre le président ukrainien, le chef de l’État turc et le secrétaire général de l’ONU avait pour but, entre autres, de discuter du récent accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes et des nouvelles garanties à apporter aux flux en provenance de l’Ukraine.

 

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L’Ukraine cherche à rattraper le retard et déclare vouloir atteindre 3 millions de tonnes d’exportations mensuelles (toutes céréales confondues) dans les prochaines semaines. Cela semble encore ambitieux, mais pas impossible, par rapport aux 622 000 tonnes parties depuis le début du mois.

 

Néanmoins, nous prévoyons que les exportations ukrainiennes d’orge resteront faibles pour l’ensemble de la campagne à cause de l’effondrement de la production locale. Cela n’empêche pas le prix de l’orge sur le marché mondial, à la suite du maïs et du blé, de subir quand même la pression baissière de cette reprise des sorties au départ de la mer Noire.

Affaissement des chargements français d’orge

Au départ de la France, les chargements d’orge ont ralenti cette semaine avec seulement 28 000 tonnes à destination de l‘Arabie et 66 000 tonnes vers la Chine. Cela est peut-être un signe de la forte compétition russe qui s’annonce, les prix des orges russes ayant d’ailleurs cédé 5 $/t cette semaine, à près de 285 $/t au 18 août.

 

La récolte russe d’orge est bien partie pour battre un record, proche de 21 millions de tonnes. Et les disponibilités exportables russes pourraient augmenter de 48 % par rapport à l’année dernière, à 5,4 millions de tonnes. Reste à voir si le pays réussira à exporter correctement dans un contexte de sanctions qui commencent nettement à affecter son économie intérieure et notamment la disponibilité en pièces détachées pour les machines agricoles ou autres.

 

Sur le créneau brassicole, la baisse des prix est marquée aussi cette semaine (-15 €/t en variétés d’hiver et -20 €/t pour les orges de printemps). Les primes par rapport aux orges fourragères se maintiennent, mais les prix baissent en lien avec ceux des orges fourragères.

Petite hausse du tournesol cette semaine

L’impact de l’été caniculaire sur la récolte européenne a continué de soutenir les prix du tournesol cette semaine. Le prix du tournesol oléique à Saint-Nazaire a encore progressé de 5 €/t entre le 11 et le 18 août, à 750 €/t. Le tournesol standard a, lui, vu son prix se stabiliser à 670 €/t, après une remontée assez forte la semaine précédente.

 

Avant que le temps extrêmement chaud et sec n’affecte plusieurs des grands producteurs de tournesol européen, la production s’annonçait au moins aussi bonne que l’an dernier dans l’Union européenne à 27. Aujourd’hui, nous tablons plutôt sur une baisse de 8 à 10 % environ, en raison d’une chute du rendement par rapport à la campagne précédente, et malgré une très forte progression des surfaces semées en 2022 (+ 13 % à l’échelle de l’Union européenne à 27).

 

L’offre en tournesol disponible dans l’Union européenne devrait néanmoins suffire à couvrir les besoins des industriels. En effet, les stocks de tournesol dans l’est de l’Union européenne, qui sont en quasi-totalité constitués de volumes importés depuis l’Ukraine par voie terrestre, sont historiquement élevés (probablement autour de 400 000 tonnes cumulées en Bulgarie et Roumanie).

 

La demande des triturateurs européens reste dynamique, soutenue par de bonnes marges de trituration. À noter que les flux de tournesol au départ de l’Ukraine ont plutôt ralenti récemment en raison de la place plus importante qu’ont pris les expéditions de colza ukrainien dans les chargements vers l’Union européenne. Et en raison du redémarrage progressif des exportations maritimes d’huile de tournesol par le corridor sécurisé au départ des ports de la région d’Odessa (un ou plusieurs bateaux seraient en train d’être chargé).

 

La Turquie semble notamment assez présente pour les achats d’huile de tournesol. Cela entraîne une petite hausse de l’activité de transformation industrielle en Ukraine et par conséquent, de la demande ukrainienne en graines de tournesol.

Chute du colza sous la barre des 600 €/t

Cette semaine, les cours du colza ont fortement reculé, de 56 €/t, et sont ainsi revenus sous la barre des 600 €/t (à 598 €/t rendu Rouen), niveau qui n’avait pas été atteint depuis septembre 2021.

 

Ce mouvement de repli intervient dans un contexte de bonnes récoltes dans l’Union européenne et de bonnes perspectives pour les productions canadiennes et australiennes. En France et en Allemagne, la production de colza a été récemment revue en hausse pour tenir compte de rendements encore meilleurs que prévu dans les dernières régions récoltées.

 

De plus, le retour des pluies est de bon augure pour les semis de la prochaine récolte de colza. Les semis ont déjà démarré dans plusieurs régions de France, et devraient aussi bientôt démarrer en Ukraine, où la culture semble relativement profitable.

 

Au Canada, les conditions des cultures sont correctes pour le canola, et laissent envisager une production nettement supérieure à celle de la récolte 2021. En Australie, les conditions climatiques sont très favorables aux cultures d’hiver. Combinées à la hausse des surfaces semées, l’Australie devrait, pour la seconde année consécutive, connaître une excellente récolte.

 

La chute des cours du colza est aussi la conséquence de la baisse des prix du pétrole (-4 % sur la semaine) et des huiles en raison de l’inquiétude grandissante sur la demande chinoise. La publication des données économiques chinoises a alimenté les craintes d’un ralentissement de la croissance, voire d’une récession mondiale, ce qui affecterait la demande en énergie et en huile.

 

La possibilité d’un accord sur le nucléaire iranien a également pesé sur les cours du pétrole, puisque cela pourrait permettre le retour de la production iranienne sur le marché. Enfin, les cours du canola et du colza ont également régressé à la suite de la publication du rapport de l’USDA sur l’offre et la demande mondiale en produits agricoles, qui a eu un impact baissier sur le cours de la fève.

Les bonnes perspectives de production aux États-Unis pèsent sur le soja

Les cours mondiaux du soja ont perdu de la hauteur cette semaine. Dans le rapport Wasde de l’USDA (publié en fin de semaine dernière), le département américain de l’Agriculture a revu en hausse les stocks de soja américain en fin de campagne 2021-2022 : de 6,3 millions de tonnes à 6,7 millions de tonnes.

 

Par ailleurs, la production américaine de soja a été revue en hausse de 0,6 % pour la nouvelle campagne 2022-2023. Cela résulte de la prise en compte de l’état globalement correct des cultures, malgré un temps un peu trop sec ces deux dernières semaines.

 

Les précipitations attendues dans le Midwest et les bassins producteurs de soja aux États-Unis, qui devraient sécuriser un bon niveau de rendement, ont aussi contribué à détendre les prix. À Chicago, le prix du soja sur le rapproché a diminué assez nettement, de 79 $/t, pour s’afficher à 550 $/t.

 

Cette tendance s’explique aussi par la baisse des prix à l’aval de la filière. D’une part, le prix de l’huile de soja a chuté dans le sillage de la baisse du prix de l’huile de palme (dont les stocks restent conséquents en Asie du Sud-Est) et du pétrole. D’autre part, le prix du tourteau de soja est aussi en recul sur la semaine, dans un contexte de demande ralentie. Dans le rapport officiel chinois qui fait état de l’offre et de la demande des productions agricole (Casde), publié en fin de semaine dernière, les importations chinoises de soja de la campagne 2021-2022 ont été revues en baisse de 2,1 % à 91 millions de tonnes, ce qui est inférieur de 9 % aux importations de la campagne précédente.

 

Ce repli est dû à une diminution de la demande animale en tourteau de soja (chute de la rentabilité des élevages porcins en 2021-2022) et par ricochet, de la demande des triturateurs chinois.

 

À noter également que les volumes de trituration aux États-Unis en juillet (publiés cette semaine par le NOPA) ont été inférieurs aux attentes des opérateurs du marché, ce qui a pesé sur les prix. La trituration a néanmoins progressé en juillet par rapport au mois de juin, soutenue par de très bonnes marges industrielles.

Des inquiétudes sur la demande chinoise en tourteau de soja

Les prix du tourteau de soja ont perdu du terrain cette semaine, pâtissant d’une demande moins dynamique. La cotation du tourteau a reculé de 78 $/t à Chicago pour s’afficher à 495 $/t.

 

Les craintes de voir la Chine s’enfoncer dans une crise économique bousculent les marchés, le pays étant le premier consommateur mondial de tourteau de soja. Dans un contexte économique à la peine, la Banque centrale chinoise a baissé dans l’urgence ses taux d’intérêt ce lundi pour relancer son économie.

 

Le tourteau de soja à Montoir a vu son prix décliner de manière bien plus modérée cette semaine. Il ne perd que 3 €/t. Ce dernier reste compétitif face aux céréales, ce qui soutient la demande des fabricants d’aliments et a limité en grande partie la baisse des prix.

À suivre : déroulement des exports au départ d’Odessa, gestion par la Russie de sa très grosse récolte de céréales, attitude des importateurs face aux blés russes, évolution du conflit en Ukraine, niveaux des eaux dans les fleuves et canaux du nord de la France, évolution de la récolte de maïs (Union européenne/États-Unis), prix du pétrole, météo en Amérique du Nord (soja, canola), récolte de tournesol (Union européenne, mer Noire), demande en huiles des pays émergents, politique biocarburants des pays de l’Union européenne, semis de colza (Union européenne, Ukraine)