Les céréales françaises se raffermissent sous l’effet des vagues de froid aux États-Unis et en Russie et d’une bonne demande à l’export ; le mouvement de hausse concerne aussi l’ensemble du complexe oléagineux en lien avec le canola canadien, les retards de récolte de soja au Brésil et la hausse du pétrole.
Le blé français regagne plus de 10 €/t
Le prix du blé rendu Rouen a gagné 13 €/t cette semaine à 232,5 €/t en base juillet ce qui conduit le prix Fob en dollar à 294 $/t, en progression de 15 $/t depuis la semaine dernière. Les prix des blés du nord de l’UE ont grimpé également alors qu’il y a peu de craintes actuellement de dégâts hivernaux sur les blés européens. Les blés européens ont donc arrêté de suivre la tendance baissière de la Russie où les prix ont encore abandonné 5 $/t cette semaine à 278 $/t Fob Novorossiysk pour le blé à 12,5 % de protéine. Cette tendance baissière en Russie s’estompait d’ailleurs légèrement en fin de semaine avec de nouvelles inquiétudes faisant leur apparition : la vague de froid passée ne semble pas avoir causé de dégâts mais des températures très basses arrivent maintenant sur la Russie sans que la couverture neigeuse ne soit partout idéale pour y faire face. Les blés russes ne sont donc pas encore tirés d’affaire.
Par ailleurs, il n’est pas à exclure que les surfaces semées au printemps n’atteignent pas tout à fait les intentions initiales dans ce pays à cause de la mise en place de la taxe à l’exportation.
Mais c’est surtout l’extrême vague de froid aux USA qui a soutenu les prix à Chicago cette semaine et exercé ainsi son influence sur le Matif et donc sur le marché physique français. A noter toutefois que l’échéance Mars du blé Matif a grimpé beaucoup plus fortement que l’échéance Mai et que le marché physique ; l’échéance Mars a gagné en effet presque 30 €/t en raison de l’approche de sa clôture et de l’obligation des vendeurs de racheter des contrats pour éviter la livraison physique.
L’Afrique du Nord « au » marché
La demande à l’exportation est l’autre facteur qui soutient les prix français avec des chargements qui s’annoncent encore élevés pour le mois de mars : ils sont la conséquence de la bonne compétitivité que les blés européens et français ont affichée en décembre et janvier avant que les prix russes n’amorcent leur retrait. Cette semaine, l’Algérie a réalisé un petit achat de blé qui, chose rare, spécifiait une livraison dans deux ports, Mostaganem et Tenes, des ports de petite taille. L’hypothèse est que les autres ports habituels sont peut-être encombrés ou que le but de l’opération est de servir des régions éloignées des grands ports. L’Algérie a acheté ainsi entre 30 et 60 000 tonnes, de blé français probablement (par sa proximité avec l’Algérie, la France est la mieux placée pour une expédition de petits bateaux) pour chargement en mars-avril. Elle sera sans doute suivie par un autre appel d’offres prochain étant donné les petits volumes achetés cette semaine. Par ailleurs, aujourd’hui même, la Tunisie vient d’acheter aussi 100 000 tonnes de blé tendre environ (en parallèle d’un achat de blé dur et d’orge) pour chargement entre la mi-mars et le 25 avril selon l’origine.
L’orge française en hausse aussi
Contrairement à la semaine dernière, les valeurs des orges fourragères sont en nette progression cette semaine : +12,5 €/t rendu Rouen à 211,75 €/t en base juillet (268 $/t Fob Rouen en prix complet). Les orges françaises gagnent donc 14 $/t sur le marché mondial alors que les orges ukrainiennes et australiennes ne s’apprécient que de 5 $/t et que les orges russes voient même leur prix s’affaisser légèrement (-5 $/t). Dans un marché mondial tendu par la demande chinoise, l’on observe que les prix australiens ont nettement monté depuis le début février malgré l’ampleur de l’offre australienne et que les prix de la mer Noire ont rattrapé les prix français. Cela vient doper encore un peu plus les orges hexagonales, à un moment où la Chine reste encore très présente. La Tunisie vient d’acheter environ 100 000 tonnes d’orge aujourd’hui pour chargement entre le 15 mars et le 25 avril et cela contribue aussi à soutenir les prix.
Les orges brassicoles ne sont pas en reste et gagnent 7 €/t pour les variétés de printemps et 4 €/t pour les variétés d’hiver à 217 €/t Fob Creil pour les deux types d’orge (base juillet, récolte 2020). La nouvelle récolte suit aussi la hausse, mais un peu plus modérément. Les orges brassicoles sont donc influencées par le mouvement des orges fourragères et sans doute aussi par les inquiétudes concernant la l’état, après les gelées, des variétés de printemps semées à l’automne.
Surface de maïs en hausse aux États-Unis pour 2021
Le maïs a suivi l’influence du blé à Chicago en début de semaine mais la tendance s’est inversée ce jeudi avec la publication des premières estimations de semis par l’USDA pour la récolte 2021 aux États-Unis. Ces estimations ne reposent pas sur les intentions de semis des agriculteurs mais, comme chaque année, constituent la première mouture calculée par l’USDA pour publication lors de son forum annuel sur les perspectives agricoles. L’USDA table ainsi sur une surface de maïs US de 92 millions d’acres, soit 37,2 millions d’hectares, en hausse de 0,4 million d’hectares par rapport à la surface semée en 2020. Cette progression ne constitue pas une surprise étant donné le prix élevé du maïs mais elle entérine le fait que les agriculteurs US vont probablement semer une surface record, toutes cultures confondues, pour la récolte 2021. En effet la surface de soja est elle aussi prévue en augmentation. Cette publication est venue peser sur les prix US en fin de semaine si bien que l’ensemble des valeurs mondiales du maïs n’affichent pas de grande variation par rapport à vendredi dernier. Les prix français sont stables Fob Rhin, à 225 €/t en base juillet ; les prix Fob Atlantique s’élèvent encore un peu (+ 2,5 €/t à 223,5 €/t base juillet), sous l’attrait que représentent les maïs français en l’absence d’une offre ukrainienne marquée.
Le canola canadien tire le colza français vers le haut
Les cours français du colza ont marqué une nouvelle hausse entre le 11 et le 18 février, suivant les huiles végétales, le pétrole et surtout le canola canadien. Au niveau européen, la demande pour la trituration reste motivée par des bonnes marges industrielles malgré les faibles disponibilités. Selon Fediol, l’association européenne de l’industrie des huiles végétales et des tourteaux, la trituration de colza dans l’UE au mois de janvier est estimée à un record historique de 1,7 million de tonnes.
Ainsi, les prix du colza étaient en progression de 12 €/t à 464 €/t rendu Rouen et de 13,5 €/t à 467,5 €/t en Fob Moselle. Sur le marché à terme Euronext, le colza français augmente de 13,3 €/t à 460 €/t.
Du côté du canola, les prix à Winnipeg se sont envolés en une semaine (de 37 $/t à 593 $/t). Cela s’explique par des fondamentaux tendus sur le marché canadien. Alors que l’offre se réduit, la demande pour la trituration demeure dynamique grâce à des prix d’huiles très rémunérateurs compensant le coût élevé de la graine. En outre, selon la Commission Canadienne des Grains, les exportations de canola s’élèvent à 6,42 millions de tonnes entre début juillet et le 14 février, en hausse annuelle de 30 %.
Les cours des huiles végétales dopés par les faibles disponibilités et le rebond du pétrole
Les prix des huiles végétales ont continué de progresser depuis la semaine dernière. Face à une tension inédite sur le marché mondial de la graine et de l’huile de tournesol, le cours de l’huile de tournesol à Rotterdam atteint les 1410 $/t, un plus haut niveau depuis 10 ans. Le cours de l’huile de palme était également en hausse, soutenu par des exportations dynamiques sur le mois de février.
Le prix de l’huile de colza a augmenté de 78 $/t à 1281 $/t dans le sillage de la graine de soja et des huiles concurrentes.
L’ensemble des huiles végétales a été en outre soutenu par le rebond du cours du pétrole, en hausse hebdomadaire de 6,4 % à 60,52 $/baril. La vague de froid et de neige que traverse les États-Unis perturbe l’approvisionnement dans le pays et suscite une demande additionnelle en énergie pour le chauffage, alors même que certains gazoducs ont été endommagés par le gel. Le prix de l’or noir continue également d’être soutenu par l’accélération des campagnes de vaccination dans le monde et par l’espoir d’une reprise économique plus rapide que prévu.
Le tournesol soutenu par ses fondamentaux
Le prix du tournesol français était en hausse de 10 €/t à 545 €/t sur une semaine à Saint Nazaire dans le sillage de l’huile. Il est maintenant très proche du record historique de 550 €/t atteint en 2012. Le prix Fob mer Noire augmente également de 10 $/t à 705 $/t. Alors que la récolte européenne et mondiale de tournesol a été très décevante, la demande se montre très dynamique, soutenue notamment par des marges de trituration rémunératrices. Les prix élevés de l’huile et du tourteau compensent largement les prix exorbitant de la graine. Cette situation crée une forte tension sur le marché et devrait entraîner une nette baisse des stocks de fin de campagne.
Le soja US repart à la hausse
À Chicago, le soja a gagné du terrain depuis la semaine dernière (+2,8 $/t à 505 $/t). Cette hausse s’explique surtout par la publication par la National Oilseed Processors Association (NOPA) du chiffre de trituration du mois de janvier. Ce dernier était au-dessus des attentes du marché et s’élève à 184,65 millions de boisseaux. Ce volume représente un second record historique de trituration mensuelle et résulte d’une bonne demande en huile et en tourteau de soja.
En outre, le cours du soja US continue de bénéficier du retard pris dans les moissons au Brésil. Au 12 février 2021, les farmers brésiliens ont récolté seulement 9,1 % de la surface de soja contre 21,4 % à la même date en 2020. Cela pourrait impliquer un élargissement de la fenêtre d’exportation états-unienne de soja avant l’arrivée en masse des récoltes sud-américaines.
La hausse du soja US a été néanmoins tempérée par les chiffres d’exportations de soja pour la semaine se terminant le 11 février. Selon l’USDA, un peu moins de 810 000 tonnes de fève ont été chargées, un chiffre en baisse de 57 % par rapport à la semaine précédente et en dessous des attentes des opérateurs.
Le tourteau de soja et le pois en hausse dans le sillage des céréales
À Montoir, le tourteau de soja a entamé une correction à la hausse (+ 7 €/t à 457 €/t) après le fort recul enregistré la semaine dernière. Il a été notamment soutenu par la hausse des prix des céréales fourragères tout comme le pois fourrager qui gagne 4 €/t à 278 €/t.
En revanche, le tourteau de soja US a marqué une baisse de 3 $/t à 470 $/t dans le sillage des produits sud-américains.
À suivre : effet des bases températures sur les blés d’hiver aux États-Unis et en Russie, semis de printemps en Russie, effet de la taxe russe sur les prix des céréales, demande chinoise en orge, climat en Europe, en mer Noire et au Canada (colza), avancée de la récolte brésilienne (soja), climat en Amérique latine (soja), demande mondiale en huiles, situation sanitaire et économique mondiale