Les prix des céréales et des oléagineux s’affaissent cette semaine, à la suite de prises de bénéfices après les fortes progressions récentes. Les améliorations climatiques, la propagation du coronavirus et le ralentissement des achats chinois ont joué également un rôle dans cette baisse des cours.

 

Météo et Covid-19 influent sur les cours du blé

On a observé une belle vague de ventes sur le marché mondial des grains cette semaine, en blé notamment. Cette dynamique a été déclenchée par des améliorations climatiques dans plusieurs régions du monde puis renforcée ensuite par la nouvelle vague du coronavirus qui pousse au confinement ou à des réductions d’activité, en Europe particulièrement, depuis quelques semaines.

 

Des pluies non négligeables sont arrivées dans le sud de la Russie, dans la région de Kranosdar notamment où elles ont fait beaucoup de bien aux blés déjà semés. Un peu plus au Nord, la situation est moins tranchée et les cultures ne sont pas tirées d’affaire. Néanmoins, ces pluies et les semis records qui ont été effectués par les fermiers russes sont venus détendre le marché et pousser vers le bas les prix russes et ukrainiens qui ont abandonné 2 $/t par rapport à la semaine dernière.

 

La récolte de 2021 de la mer Noire est loin d’être assurée pour autant car beaucoup de parcelles vont entrer dans l’hiver — les températures baissent déjà dans le sud de la Russie — avec des blés très peu développés sur lesquels il sera impossible de délivrer un pronostic avant mars-avril. Il a plu aussi sur les plaines du sud des États-Unis (USA) et en Argentine, où l’appréciation des dégâts de la récolte qui débute s’est stabilisée.

 

En France, les semis de blé ont bien progressé grâce, au contraire, à des conditions moins humides qu’au début d’octobre. Selon Céré’Obs de FranceAgriMer, 66 % des semis étaient réalisés au 26 octobre 2020, soit une progression de plus de 20 points par rapport à la semaine précédente, un niveau en ligne avec la moyenne des cinq dernières années.

 

Une activité encore importante en blé

La météo et le coronavirus ont donc stoppé la progression des prix et fait naître une baisse, bien marquée pour les blés US SRW (–10 $/t) et les blés français (–9 $/t) à 243 $/t Fob Rouen, soit 206 €/t rendu Rouen en base juillet (–4 €/t). La chute de l’euro face au dollar est venue renforcer la baisse des prix européens exprimés en dollar. L’arrivée imminente des récoltes australienne et argentine (6 % des surfaces sont récoltées dans ce pays) commence aussi à peser et la réduction attendue de la demande industrielle (éthanol, meunerie) risque aussi de venir renforcer le trait.

 

Les prix repartaient toutefois à la hausse sur Euronext hier et aujourd’hui, vendredi 30 octobre 2020, (205,75 €/t en milieu d’après-midi) par rapport à un plus bas de 204 €/t en clôture le 28 octobre ; ils repartaient aussi à la hausse sur Chicago ce vendredi 30 octobre 2020 près quatre jours de baisse, tirés par des ventes US hebdomadaires supérieures aux attentes.

 

Les blés français et européens apparaissent encore assez bon marché par rapport aux blés de la mer Noire (le blé français vaut 10 $/t de moins que le blé russe en position Fob), soutenu par des ventes importantes. Le Gasc égyptien a acheté 165 000 tonnes de blé russe vendredi dernier et la Jordanie vient de boucler 120 000 tonnes de blé d’origine non spécifiée. Le Pakistan et la Syrie sont « au marché » avec des appels d’offres respectifs de 320 et de 200 000 tonnes et la Russie sera encore probablement un des principaux fournisseurs.

 

Les prix des orges en berne

Les orges fourragères n’ont pas résisté à la baisse généralisée cette semaine et abandonnent 7 €/t rendu Rouen (à 185 €/t en base juillet). Comme pour le blé, la chute de l’euro face au dollar renforce la baisse et conduit les orges françaises à lâcher 11 $/t sur le marché mondial (à 224 $/t Fob Rouen). Elles demeurent cependant plus chères que les orges de la mer Noire qui ont baissé elles aussi mais moins fortement (–7 $/t). L’Iran vient d’acheter 260 000 tonnes d’orge cette semaine et la Jordanie 60 000 tonnes en origine optionnelle juste avant de relancer un appel d’offres pour 120 000 tonnes qui se clôturera le 3 novembre 2020. La demande mondiale en orge fourragère demeure donc soutenue.

 

Les prix des orges brassicoles ont aussi perdu du terrain, à 188 €/t (–6 €/t) et 190 €/t Fob Creil (–5 €/t) en base juillet pour les orges d’hiver et de printemps (base juillet). Les orges brassicoles suivent le mouvement général des grains cette semaine (cf. ci-dessus) mais affichent une sensibilité particulière au retour des mesures de confinement et à la nouvelle chute que cela devrait entraîner pour la consommation de bière et l’activité de maltage.

Maïs mondial en baisse…

Net retour de bâton cette semaine sur le marché mondial du maïs : les prix chutent de 17 $/t Fob Gulf aux USA, de 13 $/t au Brésil où l’arrivée des pluies a permis l’avancée des semis. Comme pour le blé, la météo favorable aux semis dans l’hémisphère Sud et la progression de la seconde vague de Covid, fait chuter les prix faisant suite à de larges prises de profits après les pics atteints la semaine dernière.

 

Par ailleurs, même si la Chine a laissé entendre qu’elle procéderait probablement à de nouveaux achats, force est de constater qu’elle est peu présente sur le marché ces derniers temps alors que les grandes sociétés d’importation chinoises ont déjà couvert leurs besoins jusqu’au début de 2021. Cela suscite donc une accalmie pour les prix.

 

… maïs français soutenu

La chute des prix est cependant modérée en Ukraine (–6 $/t) en raison des résultats très décevants de la récolte qui est maintenant estimée entre 30 et 33 millions de tonnes au lieu des plus de 35 millions de tonnes il y a encore quelques semaines.

 

Il est intéressant de constater aussi que cette accalmie laisse quasi de marbre les prix français Fob Rhin, qui lâchent 1 €/t seulement cette semaine, à 197 €/t (base juillet). Cela est dû à la forte attractivité des maïs français sur le nord de l’UE (et sur le sud, par camion notamment) en raison de prix élevés au départ de l’Ukraine et du Sud-Est européen. La récolte de maïs s’approche de la fin en France, avec près de 90 % de surfaces qui étaient récoltées lundi dernier, selon FranceAgriMer, et une production d’à peine 14 millions de tonnes (maïs humide compris) beaucoup moins élevée que le potentiel des semis ne le laissait prévoir.

 

La crainte de récession fait chuter le cours du soja

Les marchés affichent un recul cette semaine sous l’effet de la reprise virulente de l’épidémie de Covid-19, qui entraîne presque partout en Europe la remise en place de nombreuses mesures de confinement, restrictions de circulation, ou couvre-feu. Cette dernière fait craindre une récession et une moindre demande mondiale à court et moyen termes.

 

Sur le marché de Chicago, les prix du soja sont par ailleurs affectés par l’imminence du vote pour l’élection présidentielle des États-Unis. L’incertitude des résultats entraîne une attitude prudente des opérateurs, et ralentit l’activité de certains d’entre eux. Ainsi, le cours du soja sur le CBoT (marché de Chicago) a reculé de 8 $/t sur le rapproché entre le 22 et le 29 octobre. Pour l’échéance de mars 2021, le recul est encore plus marqué (–12 $/t sur la semaine) en raison du retour des pluies dans des zones de production clef du Brésil. Cela a permis aux semis de progresser. Les surfaces semées atteignaient 23 % des intentions le 22 octobre, et auraient encore avancé depuis.

 

Malgré ce repli des prix cette semaine, les cours du soja sont restés plutôt élevés. Les exportations de soja des USA sont toujours soutenues, avec 14,2 millions de tonnes déjà expédiées au 22 octobre 2020, contre 7,8 seulement l’an passé à la même date. Par ailleurs, les ventes sont toujours relativement dynamiques, s’élevant à 32,85 millions de tonnes, soit presque 3 fois le volume contracté l’an dernier à la même date. La moitié des ventes de soja US ont la Chine pour destination.

 

Au Brésil, la situation reste par ailleurs très tendue. Le 16 octobre dernier, le gouvernement avait temporairement supprimé la taxe d’importation appliquée au soja provenant des pays en dehors du Mercosur. Des premiers achats de soja US par des opérateurs brésiliens auraient eu lieu récemment. Le marché local est en effet en déficit en raison des exportations records vers la Chine sur les derniers mois, et d’une trituration dynamique, soutenue par les besoins croissants en huile du secteur biodiesel brésilien.

 

Le colza également affecté par le reflux de la pandémie

Le prix du colza en France chute lui aussi cette semaine, affecté par les mesures sanitaires prises en France, en Allemagne et dans de nombreux autres pays touchés par l’épidémie de Covid-19. Des restrictions de circulation pourraient limiter la consommation de carburants, et par ricochet de biodiesel. Le prix du colza perd ainsi 12 €/t sur le marché physique (rendu Rouen et Fob Moselle). L’échéance de novembre sur Euronext cède même 15 €/t cette semaine. Le prix du pétrole s’est, quant à lui, effondré de 11 %, tombant à 36 $/t à New York.

 

La récolte canadienne de canola touche à sa fin, et les rendements s’avèrent assez proches de l’an passé. Ils sont un peu en retrait dans le Saskatchewan, meilleurs dans l’Alberta, et quasi stables par rapport à l’an passé dans le Manitoba.

 

En Australie, le début de la moisson approche. L’est de l’Australie a bénéficié de précipitations favorables pour le remplissage des graines, mais l’Ouest a subi une sécheresse ces dernières semaines. La récolte australienne pourrait toutefois rebondir de presque 1 million de tonnes par rapport à l’an passé.

 

Dans l’Union européenne, les conditions de développement du colza sont plutôt bonnes.

 

Le tournesol épargné par la baisse des cours

La demande en huile de tournesol des pays émergents, et notamment de l’Inde et de la Chine, reste très forte. Alors que le prix des autres oléagineux baisse, celui des graines de tournesol se maintient. Les prix sont stables à Saint-Nazaire (à 410 €/t pour la qualité oléique) ainsi qu’en mer Noire (à 500 $/t Fob).

 

Les récoltes très décevantes en Ukraine et Russie, ainsi que les besoins élevés des pays asiatiques, continuent de soutenir les prix.

 

 

À suivre : arrivée des récoltes de céréales de l’hémisphère Sud, conjoncture sanitaire et économique européenne et mondiale, comportement chinois, conditions climatiques au Brésil et en Argentine (soja et maïs), et dans l’UE et en mer Noire (blé, colza).