« Cette campagne est marquée par l’eau, dans ses excès et dans son absence », indique Thomas Joly, responsable des programmes pour le maïs chez Arvalis, à l’occasion de la conférence annuelle de l’AGPM (Association générale des producteurs de maïs) le 21 octobre 2020. En 2019, les fortes précipitations ont retardé les récoltes du maïs et pénalisé les semis d’automne, entraînant des reports vers des cultures de printemps. Le maïs grain voit ainsi ses surfaces progresser de 10 % (+140 000 ha) sur un an en 2020, à 1,567 Mha.

De l’excès d’eau…

Après un automne et un printemps très humides, les semis du maïs ont débuté à la fin de mars, « dans des conditions parfois très sèches notamment dans l’Est, précise Thomas Joly. Les levées ont été hétérogènes et ont entraîné une perte de potentiel. » L’excès inverse a été observé en mai sur la moitié nord, avec de l’eau et des températures froides, « ce qui a limité les interventions de désherbage ».

 

Les corvidés se positionnent cette année en première place des ravageurs. « De nombreux dégâts ont été constatés, avec des semis détruits et plusieurs milliers d’hectares ressemés », précise le spécialiste. Peu de dégâts de taupins ont d’abord été signalés, dans les semis en sec, mais sont apparus ensuite, dans le Centre, le Sud-Ouest et le Rhône-Alpes. « Les conditions hivernales douces et le printemps chaud ont été favorables à la survie et aux émergences précoces de foreurs, notamment de pyrales et sésamies », explique Thomas Joly.

… à la sécheresse

« Le maïs a été mis à rude épreuve durant l’été », ajoute-t-il. À cause des mauvaises conditions d’implantation, le développement des racines n’a pas toujours été optimal pour le maïs, ce qui l’a pénalisé pendant la période sèche. « Le maïs est très fragile pendant la floraison et les semis plus tardifs n’ont pas eu d’eau pendant plus d’un mois. » Les parcelles non-irriguées ont été particulièrement impactées, et même avec l’irrigation, « la forte demande en eau a été à la frontière de ce que pouvaient apporter les irrigants », remarque Thomas Joly.

 

Il note des rendements en berne cette année pour le maïs grain, à l’image de 2019, à 89,4 q/ha, et une production prévue à 13,6 Mt. Les maïs irrigués remontent la moyenne. « En irrigué, les résultats sont corrects, voire très bons. En pluvial, les rendements sont mauvais dans l’ensemble », complète-t-il. Il compte par ailleurs 50 000 ha de transfert, c’est-à-dire de maïs grain récolté en fourrage. « Malgré des économies de séchage, la rentabilité n’est pas au rendez-vous. »

Des craintes de tensions sur les semences

Une hausse des surfaces est également observée en maïs semence, de 17 % sur un an, à 80 400 ha en 2020. « La sécheresse et la chaleur en juillet et août ont pénalisé les fécondations. Le résultat technique est à 90 % de l’objectif. L’Europe est aussi en dessous de l’objectif, ce qui risque d’entraîner des tensions sur la semence pour quelques variétés. »

 

23 000 ha de maïs doux ont été implantés en 2020 (soit +3 % par rapport à 2019). « Les semis plus tardifs ont souffert de la sécheresse. Près de 4 000 ha ont été couchés ou versés par les excès d’eau et de vent à la fin de septembre et au début d’octobre. Les conditions de récoltes sont difficiles. » Le résultat global est à 95 % de l’objectif.

Un marché dynamique, pour l’instant

« Depuis la mi-août, le maïs est sur une dynamique de hausse des prix, rapporte Arthur Boy, chargé de mission au service économique de l’AGPM. Des difficultés risquent cependant de persister en termes de chiffre d’affaires moyen, estimés en retrait de 1,2 % par rapport à la moyenne quinquennale pour les exploitations maïsicoles, les producteurs ayant eu des accidents à cause de la sécheresse. Cette campagne reste assez similaire à 2019. »

 

Avec les nouvelles estimations de production aux États-Unis, les perspectives s’avèrent « plus saines » au niveau mondial. « En début de campagne, les États-Unis prévoyaient une récolte importante, dans un contexte de Covid où les secteurs de l’industrie et de l’éthanol sont déprimés, précise Arthur Boy. De forts stocks de report étaient attendus. La Corn-Belt a cependant souffert de la sécheresse et une tempête a endommagé 3 Mha dans l’Iowa. Le potentiel de production américain a ainsi été revu à la baisse. » Si la demande domestique américaine reste terne, notamment en éthanol, la demande chinoise est bien présente.

 

« La Chine importe habituellement 4 Mt de maïs. Cette année, on s’attend à 15-20 Mt, importées des États-Unis », explique Arthur Boy. Des incertitudes sur l’ampleur de la demande chinoise demeurent cependant. Par ailleurs, un risque de volatilité des cours subsiste, lié à la reprise de l’épidémie de Covid. « Le phénomène la Niña s’installe de plus en Amérique du Sud, ce qui pourrait impacter les semis », explique l’expert.

 

L’Union européenne reste le premier importateur mondial de maïs, avec 20 Mt. « À l’heure de l’épidémie, cela pose la question de la souveraineté alimentaire », souligne Arthur Boy.