En charge du dossier depuis mars 2019, le Conseil national de l’alimentation (CNA) (1) dévoile ses premières recommandations pour la mise en place d’une expérimentation d’un étiquetage du mode d’élevage.
Deux scénarios sont présentés dans l’avis : un premier limité à l’étiquetage de certains modes d’élevage sur les segments de qualité (SIQO) et un autre élargi « à tous les modes d’élevage informant ainsi sur tous les produits d’une même catégorie ». Dans le cadre de ces travaux, les activités de transport et d’abattage sont exclues malgré les contestations de certaines associations de protection animale.
« Les conditions de vie des animaux et les pratiques qui y sont associées constituent une composante essentielle de l’information attendue par les citoyens et les consommateurs sur les modes d’élevage, rapporte l’avis. Le défi réside dans le fait de concevoir un système d’étiquetage des modes d’élevage que les consommateurs puissent facilement s’approprier dans ce contexte global de saturation et qui leur permette de garder leur libre arbitre dans le choix des produits. »
La filière bovine candidate à l’expérimentation
Pour le premier scénario, le champ d’expérimentation ne concerne que la production sous SIQO. Comme support d’étude, « la filière bovine se porte volontaire pour une expérimentation de l’étiquetage du mode d’élevage sur la production sous label rouge (LR) et bio de viande bovine ». Ainsi, « le CNA recommande de conduire une expérimentation, en conditions réelles d’achat, sur l’impact de l’information fournie au consommateur sur les nouvelles garanties apportées par les conditions communes LR “gros bovins” ainsi que sur les garanties apportées par le règlement AB “gros bovins”. » Une expérimentation à court terme, au cours de 2020, pourrait être envisagée.
Les informations seraient accessibles par voie dématérialisée, via un code QR générique apposé sur l’emballage. Un système que la Confédération paysanne ne juge pas « suffisamment universel et représentatif ».
La FNSEA, la Coopération agricole, l’Ania (Association nationale des industries agroalimentaires), Inaporc, Anvol, le Cniel (Centre national interprofessionnel de l’économie laitière) et le CNPO (Comité national pour la promotion de l’œuf) se disent favorables à ce scénario, « cohérent avec les plans de filière ». Pour les représentants de la restauration collective, « cette modalité d’expérimentation pourrait permettre de mieux prendre en compte les critères des modes d’élevage de ces productions. » En revanche, les associations de consommateurs, vétérinaires et ONG ne sont pas satisfaites du périmètre restreint, ne prenant pas en compte la filière conventionnelle.
Inclure tous les modes d’élevage
Pour le second scénario, l’idée est de conduire une expérimentation, dans des conditions réelles d’achat, sur tous les modes d’élevage. Pour ce faire, deux options sont envisagées :
- Construire un référentiel basé sur différents critères (hébergement, alimentation des animaux, bien-être animal, impacts environnementaux, répartition de la valeur) ;
- Construire une grille de lecture des référentiels existants, des labels au conventionnel, à l’instar de l’Association Étiquette Bien-être animal, créée en février 2019.
Si Welfarm considère que cette deuxième option répond aux objectifs visés par l’expérimentation, la FNSEA, la Coopération agricole, l’Ania, Inaporc, Anvol, le Cniel et le CNPO s’y opposent. Selon eux, ce scénario introduit « une distorsion de concurrence entre produits français et importés » et « un risque de hiérarchisation entre les modes d’élevage étiquetés ». Cette proposition présente également un risque pour les productions sous SIQO, « qui seront probablement concurrencées par des productions avec un étiquetage “mode d’élevage” équivalent », sans apporter les « garanties spécifiques aux différents SIQO concernés ».
Pour la Confédération paysanne, d’autres critères mériteraient d’être pris en considération comme la taille et la structure des fermes, la densité et le nombre d’animaux présents sur la ferme ou encore les modes de commercialisation.
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Un travail de concertation laborieux
Cette réflexion, qui a pour objectif d’éclairer les ministères, réunit à la fois des représentants des associations de la protection animale, de la protection de l’environnement, de l’Ordre et des syndicats vétérinaires et des différentes filières pouvant être concernées par un étiquetage du mode d’élevage.
« Le travail de concertation conduit par le groupe du CNA a permis de dégager deux scénarios qui reflètent les positions des différentes parties prenantes […] », explique Jean-Luc Angot, vice-président du groupe de concertation. L’adoption de l’avis (25 voix pour, 13 voix contre et 10 absentions) met toutefois en lumière les difficultés à parvenir à un consensus.
« À présent, la balle est dans le camp des ministères chargés de l’Environnement, de la Santé, de la Consommation et de l’Agriculture à l’origine de la saisine. À eux de prendre les décisions, quitte à confier un nouveau mandat au CNA pour la mise en œuvre plus aboutie d’un des scénarios », complète Jean-Luc Angot.
(1) Instance consultative indépendante, placée auprès des ministres chargés de l’environnement, de la santé, de la consommation et de l’agriculture. C’est un outil d’aide à la décision publique.