Dans une étude publiée le 21 juillet 2022, l’Iteipmai, l’institut technique des plantes aromatiques, médicinales et à parfum, et FranceAgriMer se sont intéressés à l’évaluation des impacts technico-économiques de la disparition des herbicides sur la filière PPAM (plantes aromatiques, médicinales et à parfum).

 

Pour ce faire, cette étude s’est basée sur une enquête auprès des acteurs de la filière, notamment sur leur maîtrise des adventices responsables de la présence de molécules toxiques dans les productions de PPAM, à savoir celles qui synthétisent des alcaloïdes pyrrolizidiniques (AP) ou des alcaloïdes tropaniques (AT).

Molécules toxiques

Aujourd’hui, la présence d’AP, ou dans une moindre mesure d’AT, est associée à la présence d’adventices sur les parcelles. En effet, celles-ci émettent des alcaloïdes, molécules toxiques pour l’homme et certains animaux, qui sont ensuite captés par les plantes et en particulier les PPAM.

 

Depuis plusieurs années, des études scientifiques ont mis en évidence « un risque pour la santé humaine lors de la contamination de produits alimentaires ». Ainsi, des limites maximales ont été définies par la Commission européenne concernant onze catégories de produits végétaux (plantes à infusion, thés, herbes séchées, feuilles fraiches de bourrache…).

 

Cette nouvelle réglementation pousse donc la filière à être plus vigilante face aux AP. Si le risque est plutôt bien maîtrisé, la disparition de l’utilisation des herbicides remettrait en cause la pérennité des exploitations.

Le levier du désherbage

En effet, la présence d’AP est souvent considérée comme la conséquence d’une co-récolte des adventices à AP. Le désherbage donc est un levier majeur de maîtrise des cultures.

 

Qu’il soit manuel, mécanique ou chimique il est indispensable pour prévenir l’apparition des adventices et par conséquent la contamination des PPAM tout au long de la chaine de production.

 

L’étude de l’Iteipmai et FranceAgriMer souligne que le transfert des AP au PPAM se fait principalement par le sol, que la plante adventice soit vivante ou en décomposition.

 

C’est pourquoi, il est important de sortir les adventices hors de la parcelle lors du désherbage pour « éviter une décomposition in situ libérant les AP sur ou dans le sol ce qui pourrait donc augmenter les chances de contamination de la culture en place ».

Des conséquences économiques et techniques à la disparition des herbicides

Selon l’étude présentée par FranceAgriMer, l’interdiction totale des herbicides remettrait en cause la pérennité de presque la moitié (48,4 %) des surfaces.

 

L’étude estime le coût du désherbage manuel en cours de culture jusqu’à 6 000 €/ha/an, auquel s’ajoute parfois un désherbage juste avant récolte estimé entre 100 et 2 250 €/ha/an.

 

Pour les acteurs de la filière, les principales inquiétudes, par ordre d’importance, sont :

  • L’augmentation des coûts de production pour le désherbage ;
  • La disparition des entreprises qui ne pourront pas faire face aux hausses des coûts de production (investissements matériels trop important ou main-d’œuvre supplémentaire trop chère) ;
  • La disparition dans la production française des cultures plus contraignantes à désherber ;
  • La concurrence des pays avec une main-d’œuvre moins chère (Europe de l’Est) ;
  • Une distorsion de marché pour la vente à l’international, avec un avantage pour les pays sans réglementation qui n’auront pas de contraintes à la production et à la vente.

 

Selon les producteurs, une vingtaine d’espèces pourraient ainsi ne plus être cultivées en France comme le thym, la menthe poivrée, l’origan ou la ciboulette. Même constat pour les industriels qui pourraient refuser d’acheter une vingtaine d’espèces (thym, menthe poivrée, verveine citronnelle, origan, pavot de Californie, bourrache, matricaire…).

 

Pour les producteurs, les pertes déclarées pour non-vente de lots contaminés peuvent aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires. Les plus petites entreprises ne pensent pas pouvoir changer leurs pratiques aux vues des coûts associés. Pour les autres, de nombreuses solutions sont envisagées en fonction de la taille de l’entreprise et de sa capacité à investir.

Quels impacts pour les exploitations ?

Ainsi, selon les résultats de cette étude, les plus impactées par cette réglementation seront les entreprises à petite ou moyenne surface (entre 6 et 25 ha) et les très grandes surfaces (de 100 à 1 200 ha), les deux avec un début de mécanisation de toute opération (désherbage, récolte).

 

Les premières n’ont pas réellement la capacité pour réaliser de gros investissements en machines de désherbage ou pour une augmentation de la main-d’œuvre. « Le coût est déjà assez soutenu par rapport à la main-d’œuvre pour désherbage, qui est, de plus, difficile à trouver ».

 

Les deuxièmes sont habituées à utiliser des herbicides, en plus du désherbage mécanique et manuel, et devront donc adapter leurs pratiques aux nouveaux besoins pour limiter les adventices.

 

Pour eux, le coût de main-d’œuvre, souvent d’origine étrangère, est déjà très important en raison de leurs grandes surfaces. « En cas de disparition totale des herbicides, l’abandon de certaines cultures et l’adaptation des pratiques au désherbage mécanique provoquera de grandes difficultés économiques ».

 

Pour les cueilleurs et les producteurs à petite échelle, « beaucoup de producteurs se sentent peu concernées ». Le fait que les étapes de désherbage, de récolte et de tri soient effectuées manuellement leurs permettent d’assurer la qualité de la production. Ce type de système en vente directe semble ainsi limiter le risque de contamination par co-récolte.

 

En conventionnel, le passage d’une gestion chimique du désherbage à une gestion mécanique paraît difficile. « Les coûts de main-d’œuvre ne sont pas entièrement internalisés et [les pratiques] sans chimie ne sont pas encore consolidés ».

 

Enfin, en agriculture biologique, le désherbage reste toujours « un point problématique central ». Si la gestion mécanique et manuelle du désherbage est déjà internalisée dans le coût de production, l’absence de plantes à AP quasi-totale dans la parcelle peut entraîner une augmentation importante de la main-d’œuvre.