Cette semaine a vu la mise en place effective de l’accord russo-ukrainien sur les exportations ukrainiennes. Le départ de plusieurs bateaux constitue un facteur plutôt baissier pour le marché des céréales à paille. À court terme, l’activité soutenue à l’exportation au départ de la France en blé et orge et la forte dégradation des perspectives de la récolte de maïs a soutenu les prix des céréales. Ceux du colza se sont affaissés en revanche à la suite du pétrole.

Début des flux maritimes ukrainiens

La reprise des flux au départ de l’Ukraine est en train de se matérialiser doucement : un premier bateau de maïs a bien quitté le port d’Odessa cette semaine et trois autres navires étaient prévus pour quitter les ports ukrainiens ce vendredi 5 août 2022. Par ailleurs, un bateau vide est attendu dans les ports ukrainiens, une fois qu’il aura été inspecté à Istanbul.

 

Ces premiers mouvements de bateaux semblent donc indiquer que l’accord de la fin de juillet entre la Russie et l’Ukraine (sous l’égide la Turquie et de l’ONU) commence à porter ses fruits et que certains opérateurs ont accepté d’emprunter cette voie maritime risquée. Cet élément constitue un facteur plutôt baissier pour l’ensemble du marché mondial ; il a fait chuter les prix américains et les prix russes de 5 $/t cette semaine, et les prix argentins de plus de 10 $/t. En France, les prix ont abandonné 2,5 €/t sur le rapproché à Rouen et 4,5 €/t à La Pallice.

Prix du blé en France soutenus par l’exportation

Malgré tout, la baisse française est restée modérée et ne concerne pas les cotations pour les mois d’automne : le prix rendu Rouen a gagné 14 €/t sur l’échéance d’octobre-décembre, soutenu par une activité importante sur le marché mondial.

 

Cette semaine, l’Algérie a acheté plus de 700 000 tonnes pour chargement de la fin de septembre à la fin d’octobre et le blé français devrait constituer l’origine principale (même si 60 000 tonnes ont été mentionnées en provenance de la Russie). L’Iran vient d’acheter entre 180 000 et 240 000 tonnes de blé pour chargement en septembre/octobre. La Tunisie, la Jordanie, la Japon, Taïwan, la Corée ont aussi acheté des volumes non négligeables cette semaine.

 

Cette activité internationale et le retour des craintes liées au temps sec aux États-Unis sont donc venus soutenir les prix en fin de semaine : le prix du soja a davantage réagi au temps sec, mais a entraîné le prix du blé en hausse à Chicago jeudi soir. En Argentine, des pluies sont arrivées dans le centre et le sud du pays récemment, ce qui s’annonce bénéfique, même si la situation reste inquiétante dans le nord du pays.

Révision en hausse de la récolte de blé française et record en Russie

En Russie en revanche, les estimations de production n’arrêtent pas de grimper : le pays va engranger une récolte record de plus de 90 millions de tonnes. Toutefois, la qualité apparaît moins bonne que l’an passé et l’on observe une grosse différence d’ores et déjà des prix en fonction du contenu protéique (les blés à 11,5 % de protéines valent actuellement 20 $/t que les blés à 12,5 % de protéines au départ de la Russie).

 

La part fourragère y sera aussi en nette hausse par rapport à l’an passé. Comme pour l’orge, cela vient souligner la pression que risque d’exercer la Russie sur l’ensemble du marché mondial cette année si elle parvient bien à exporter. En France, Agreste (le service de la statistique du ministère de l’Agriculture) vient de relever de presque 1 million de tonnes son estimation de la récolte de blé (à 33,9 millions de tonnes) pour prendre en compte les derniers rendements enregistrés.

Maïs : les prix baissent sur le rapproché mais restent élevés sur l’éloigné

Le maïs Fob Rhin a perdu 10 €/t cette semaine, à 305 €/t (base juillet, récolte de 2021) tandis que le maïs Fob Bordeaux perd 17 €/t, à 327 €/t (base juillet, récolte de 2021). Cette baisse sur le rapproché est principalement le résultat de l’accord signé entre l’Ukraine et la Russie sur la mise en place de corridors maritimes devant permettre la reprise des exportations ukrainiennes.

 

Un premier bateau chargé de 26 000 tonnes de maïs est notamment parti cette semaine à destination du Liban. D’autres devraient suivre mais la mise en place de cet accord est lente.

 

Les prix restent bien plus fermes sur la récolte de 2022 avec 328 €/t pour le Fob Rhin (base juillet) et à 337 €/t pour le Fob Bordeaux. Les perspectives de récolte pour la récolte de 2022 en France et plus largement en Europe s’amoindrissent de semaine en semaine et pourraient atteindre des niveaux très bas à cause d’un été trop sec et trop chaud. Cette situation laisse envisager une situation potentiellement très tendue pour le maïs en Europe pour la campagne à venir.

 

Les conditions de croissance du maïs ne sont également pas idéales aux États-Unis, laissant craindre une situation tendue outre Atlantique. Cela n’a pas empêché les prix du maïs américain de baisser sur le rapproché, notamment à la suite de l’accord sur les exportations ukrainiennes.

 

Enfin, les exportations depuis l’Argentine et le Brésil semblent accélérer au début d’août après un mois de juillet un peu timide. Ces maïs sud-américains sont nécessaires pour le marché mondial dans le contexte actuel. Néanmoins, la demande mondiale semble bel et bien affectée par les prix élevés du maïs (malgré la récente baisse) avec une activité relativement calme cette semaine sur la scène internationale.

Le cours de l’orge soutenu par l’exportation

En cette période de récolte dans l’hémisphère Nord, les moissons d’orge en France enregistrent une avance significative par rapport à l’année dernière. La récolte des variétés d’hiver était terminée en date du 18 juillet et celle des variétés de printemps a nettement progressé sur les deux dernières semaines (99 % récoltés au 1er août, selon les données de FranceAgriMer).

 

Selon les données d’Agreste publiées ce vendredi 5 août, la récolte d’orge française se situe à 11,4 millions de tonnes, un niveau quasi stable par rapport à celui de 2021, la hausse des surfaces cultivées ayant été compensée par une chute des rendements. Agreste a cependant revu son estimation en hausse de 210 000 tonnes depuis le mois dernier.

 

Malgré cette révision en hausse des disponibilités, le prix de l’orge a augmenté cette semaine sur le marché français (+8 €/t, à 295 €/t rendu Rouen) en raison d’une bonne attractivité en alimentation animale et à la suite de chargements importants vers l’Iran (95 000 tonnes), l’Arabie (60 000 tonnes) et la Chine (66 000 tonnes) au départ des ports de Rouen, La Pallice et Dunkerque.

 

Malgré ces chargements importants, les exportations de la France vers les pays tiers sont en retard par rapport à celles de l’an passé à la même date, du fait de moindres volumes exportés vers la Chine. Par ailleurs, la légère remontée de l’euro face au dollar observée cette semaine ne joue pas en faveur des orges françaises et européennes qui sont moins compétitives sur le marché international face aux orges russes : ces dernières sont désormais moins de chères de 5 à 10 $/t.

 

Les orges russes voient en effet leur prix comprimé par une récolte record (21 millions de tonnes) et la reprise possible d’exportations au départ de l’Ukraine. L’ampleur de l’offre russe sera un élément clef pour le bilan mondial de l’orge cette année : si la Russie parvient bien à exporter (quelques incertitudes subsistent à cause de la guerre), elle devrait pourvoir envoyer environ 2 millions de tonnes d’orge de plus que l’an dernier sur le marché mondial. Ainsi il n’est pas certain que le champ reste libre longtemps vers le Moyen-Orient pour les orges françaises comme ce fut le cas en juillet et au début d’août.

 

Sur le créneau brassicole, les prix français ont légèrement remonté aussi à la suite des cotations fourragères (+4 €/t pour les orges d’hiver et 1 €/t pour les orges de printemps).

Hausse des cours du soja à la fin de la semaine

La forte hausse du cours du soja jeudi 4 août a compensé les trois séances consécutives de baisse au début de la semaine. Sur le marché à terme de Chicago, le prix sur le rapproché a grappillé 2 $/t pour s’afficher à 593 $/t. Le contrat à échéance de novembre a perdu en revanche 8 $/t (521 $/t). En effet, les craintes de faible demande à l’exportation dans un contexte de ralentissement économique mondial ont fait pression sur les prix du soja au début de la semaine.

 

Malgré le temps chaud et sec, les notations des cultures de soja jugées « bon à excellent » se sont améliorées de un point par rapport à la semaine précédente, à 60, ce qui a pris le marché par surprise. Par ailleurs, des inquiétudes planaient sur le marché au début de la semaine, quant à une éventuelle baisse des achats chinois de soja américain, à la suite des tensions diplomatiques entre la Chine et les États-Unis.

 

Toutefois, les cours du soja sont repartis à la hausse jeudi en raison de rumeurs de ventes à la Chine et du retour de conditions climatiques préoccupantes. En effet, selon les prévisions météorologiques, les cultures de soja seraient confrontées à des conditions sèches au cours du mois d’août, alors qu’elles sont à l’approche de la floraison. Le mois d’août est une période de développement déterminante pour cette culture.

Le tourteau de soja repart en forte hausse aux États-Unis

Le prix du tourteau de soja a flambé aux États-Unis à la fin de la semaine. Sur le marché à terme de Chicago, le cours sur le rapproché a bondi de 26,5 $/t sur la semaine pour s’établir à 566 $/t. Les prix américains ont été soutenus par une forte demande à l’exportation, notamment vers les pays du Sud-Est asiatique, ainsi que par des conditions climatiques sèches aux États-Unis.

 

En revanche, le prix français du tourteau de soja a reculé de 16 €/t (559 €/t) à Montoir, dans le sillage du tourteau argentin qui s’affiche en baisse de 7 $/t sur la semaine).

 

Les prix du pois ont eux aussi perdu du terrain (–20 €/t en une semaine, départ Marne) à 370 €/t. Le recul des prix du tourteau a pesé sur le cours du pois fourrager.

Les cours du colza chutent

Les prix du colza ont cédé du terrain sur la semaine, sous la pression du pétrole. Sur le marché d’Euronext, le colza a perdu 41,5 €/t sur l’échéance de novembre (à 648,5 €/t). Les prix ont suivi le même mouvement sur le marché physique, en cédant 44 €/t (à 641 €/t) à Rouen et de 45 €/t en Fob Moselle (à 649 €/t).

 

La nette chute de cours du colza est à mettre sur le compte du repli (–14 % en une semaine) du pétrole. La perspective d’une baisse de la demande dans un contexte de ralentissement économique mondial est l’une des principales raisons du repli de l’or noir. À cela s’ajoute la décision de l’Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole) et de ses alliés d’augmenter légèrement la production de pétrole en septembre.

Le tournesol en légère hausse

Le prix du tournesol pour la qualité standard gagne 5 €/t depuis la semaine dernière, à 625 €/t à Saint-Nazaire, et le tournesol oléique gagne 25 €/t, à 725 €/t. Les craintes liées à l’impact du déficit hydrique sur le volume de la nouvelle récolte en Europe ont soutenu les prix.

 

Le tournesol ukrainien n’a pas vu son prix évoluer cette semaine. Il reste valorisé à 505 $/t, rendu aux frontières de l’Ouest. Selon l’association des entreprises de production et de transformation des huiles végétales (Ukroilprom), les stocks ukrainiens de tournesol de 2021-2022 devraient atteindre 3 millions de tonnes, dont environ 50 % sont situés dans les territoires occupés et dans les régions d’hostilités actives.

 

La perte d’accès aux ports en eau profonde (d’où partent les navires Panamax) a causé de grands dommages au segment ukrainien des oléagineux, en particulier pour le commerce de l’huile et des tourteaux. Avant la guerre, l’Ukraine exportait 98 % de tourteaux de tournesol et d’huile de tournesol via la mer Noire. La mise en place du corridor d’exportation devrait permettre d’exporter de volumes plus importants de tourteaux et d’huile de tournesol via la voie maritime.

 

Toutefois, les coûts de logistique et de transport restent des défis majeurs. Actuellement, il existe très peu de possibilités d’exporter des tourteaux et de l’huile de tournesol dans des conteneurs vers les destinations traditionnelles telles que la Chine et l’Inde, en raison du manque de conteneurs en Ukraine.

À suivre : poursuite de la mise en œuvre de l’accord russo-ukrainien, gestion par la Russie de sa très grosse récolte de céréales, météo en Europe (maïs et tournesol), en Amérique du Nord et du Sud (maïs, soja), économie mondiale et son impact sur la demande en matières premières agricoles.