Les prix des céréales sur le marché physique sont soutenus par des chargements importants qui attendaient la nouvelle récolte pour partir. L’euro est aussi un facteur de soutien mais les perspectives de reprise des exportations en mer Noire sont au contraire un facteur baissier à terme. Un impact baissier du pétrole et des huiles végétales est également observé sur le prix des graines oléagineuses.

Soutien de court terme sur le marché physique français pour le blé

Comme attendu la semaine dernière, le décalage pour les prix entre le marché physique et Euronext a bien conduit à une remontée des prix physiques cette semaine. Rendu Rouen, le blé français regagne 4,5 €/t sur les mois d’été (à 4,5 €/t) et même 10,5 €/t sur les mois d’hiver à 339,75 €/t. Rendu La Pallice, la cotation pour juillet-septembre se situe à 355,75 €/t, en hausse de 7 €/t sur la semaine.

 

Cette dynamique des prix intérieurs à la France se reflète à l’activité importante à l’exportation en ce début de campagne, vers l’Afrique du Nord (Maroc et Algérie) surtout. Beaucoup de bateaux étaient en attente et l’activité s’accélère avec l’arrivée de la récolte, réalisée pour moitié au début de la semaine.

 

L’autre élément de soutien revient à la grande faiblesse de l’euro face au dollar, l’euro ne valant plus qu’un dollar aujourd’hui. Cela favorise la compétitivité des céréales françaises et européennes au passage en dollar sur le marché international.

 

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Les prix ont également été soutenus par les révisions apportées aux estimations de la récolte européenne. Celle-ci ne sera pas catastrophique du tout. Néanmoins, la conjonction de surfaces assez basses en France (encore revues à la baisse par le ministère de l’Agriculture cette semaine) et de rendements amoindris par la sécheresse en France et, beaucoup plus dramatiquement, en Espagne nous conduit à estimer la récolte de blé tendre de l’Union européenne à 27 à 123,3 millions de tonnes. Cette estimation est ainsi en baisse de 6,6 millions de tonnes par rapport à l’an dernier et inférieure de plus de un million de tonnes à l’estimation du mois dernier.

 

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Par ailleurs, les conditions restent sèches et les inquiétudes montent en Argentine. Au Canada, les perspectives sont bien meilleures que l’an passé mais des pluies sont attendues pour que le potentiel se réalise.

Des éléments baissiers à l’œuvre sur le marché mondial

Avec une bonne demande à l’exportation et une récolte très moyenne, l’Union européenne ne devrait pourtant pas finir la saison 2022-2023 avec de trop fables stocks car sa demande animale reste prévue en forte réduction à cause de la mauvaise rentabilité du secteur animal, et d’un manque de compétitivité du blé face à l’orge et au maïs.

 

A l’échelle mondiale, ce sont plutôt des facteurs baissiers qui ont marqué la semaine. La récole russe n’en finit pas d’être revue à la hausse, à plus de 90 millions de tonnes désormais par certains analystes russes. En outre, les négociations se poursuivent entre l’ONU, la Russie, l’Ukraine et la Turquie concernant la question de corridors protégés pour l’exportation de grains ukrainiens.

 

Même s’il reste difficile d’imaginer une issue positive à cause de la poursuite des bombardements russes sur l’Ukraine, suscitant de grosses inquiétudes sur la sécurité du transport intérieur en Ukraine, les protagonistes semblent être ressortis des réunions de cette semaine avec une note d’espoir.

 

Le ministre ukrainien en charge des infrastructures du pays a lui-même reconnu qu’un « pas avait été franchi ». D’autre part, les États-Unis ont rappelé qu’il n’y a pas de sanctions sur les exportations de grains et fertilisants russes et que des solutions d’assurance, ou de réassurance pour le transport au départ de la Russie, pouvaient être trouvées.

 

Le fait que ses marchandises puissent aussi sortir sans entrave constitue une des réclamations de la Russie. Dans un contexte où la Russie se dirige vers un très gros disponible exportable, plus de 40 millions de tonnes, tous les propos laissant penser qu’elle pourra effectivement envoyer ces volumes vers le marché mondial apparaissent plutôt baissiers (parallèlement à la probabilité qui semble augmenter d’une mise en route des exportations ukrainiennes via la mer Noire).

 

Cette situation fait chuter les prix sur Euronext en fin de semaine. Ces derniers se retrouvent en net retrait de plus de 15 €/t par rapport à la clôture de vendredi dernier à près de 340 €/t en milieu de journée aujourd’hui pour l’échéance septembre. La plupart des origines mondiales affichent aussi une baisse cette semaine pour les mêmes raisons (-20 $/t pour les blés argentins, -10 $/t pour les blés américains HRW par exemple).

Les exportations soutiennent les prix français de l’orge

L’orge fourragère est soumise au même contraste que le blé tendre. Ses prix ont nettement augmenté à Rouen cette semaine (plus que ceux du blé), gagnant près de 20 €/t à 313 €/t pour la période estivale. La hausse a été moins marquée pour les contrats portant sur la période octobre-décembre, avec + 6,5 €/t seulement, à 305 €/t.

 

Comme pour le blé, le prix de l’orge en euro est soutenu par la faiblesse de l’euro face au dollar et le prix de l’orge française est soutenu par des chargements qui se sont nettement accélérés cette semaine avec des bateaux en cours d’expédition vers la Chine (235 000 tonnes) et l’Arabie (55 000 tonnes).

 

Ces évolutions contrastent avec la baisse affichée cette semaine par les prix australiens et russes, plus sensibles aux négociations concernant la reprise des possibilités d’exportations de l’Ukraine. Par ailleurs, l’orge reste chère face au maïs en Asie et au Moyen-Orient et cela risque d’affecter à la baisse la demande mondiale d’orge.

 

Sur le créneau brassicole, c’est encore le statu quo pour les prix. Avec la remontée de cette semaine pour les prix fourragers et la grande tension qui se dessine de nouveau pour le bilan brassicole européen, on peut s’attendre à des primes (différence de prix entre prix brassicole et fourrager) qui resteront très élevées.

Nette hausse pour le maïs

Le maïs confirme en cette fin de semaine la hausse amorcée la semaine précédente. Le Fob Bordeaux récolte 2021 a gagné 24 €/t, à 319 €/t (base juillet) par rapport à la semaine précédente. En récolte 2022, le maïs Fob Rhin a même progressé de 36 €/t, à 332 €/t (base juillet).

 

En Europe, l’actualité du maïs est marquée par des conditions de croissance qui se dégradent ces temps-ci, plus particulièrement en Europe centrale et du Sud-Est mais aussi en Italie, en France et en Allemagne. Ainsi, les perspectives de récolte de maïs en Europe s’amenuisent à cause du temps chaud et du manque de pluie. Or, le bilan de maïs de l’Union européenne est, parmi les bilans de céréales, le plus exposé aux difficultés d’exportations de l’Ukraine. La tension sur le marché européen du maïs s’annonce donc importante dans les mois à venir.

 

Néanmoins, les négociations entre l’Ukraine et la Russie ont repris pour relancer les exportations de l’Ukraine. Si un accord semble proche d’être trouvé, celui-ci reste à confirmer et à quantifier, en termes de volumes impliqués. Le passé récent a montré que les négociations n’ont jamais abouti jusqu’à présent.

 

L’actualité a été plus baissière sur le reste de la scène internationale. Les prix des maïs américains et sud-américains marquent un retrait sur la semaine. D’une part, la récolte brésilienne avance bien et offre des volumes importants pour les échanges mondiaux. D’autre part, l’USDA a publié cette semaine des prévisions de stocks de maïs un peu plus importants que prévu aux États-Unis. Néanmoins, les prix américains repartent en hausse modérée en cette fin de semaine, hausse alimentée par l’installation de conditions chaudes et sèches sur la Corn Belt.

 

La publication hier d’une croissance chinoise de seulement +0,4 % pour le second trimestre 2022 ravive cependant les craintes de récession économique chez le géant asiatique, et donc les craintes d’une baisse de la demande en céréales.

La chute du pétrole et l’arrivée des récoltes pèsent sur les cours du colza

Les prix du colza ont marqué un nouveau recul depuis la semaine dernière. Ils cèdent 22 $/t en Fob Moselle et rendu Rouen à respectivement 668 €/ et 660 €/t. Le marché du colza est sous la pression de plusieurs facteurs baissiers depuis quelques semaines.

 

D’abord, le démarrage des moissons en France et en Europe et les bonnes perspectives de récoltes chez les principaux producteurs pèsent sur les cours. En effet, nous tablons sur une augmentation de la production européenne de près de 8 % à 18,3 millions de tonnes (dans l’Union européenne à 27) grâce à une remontée de la surface semée.

 

Autre élément baissier, le cours du pétrole s’est rétracté et s’approche des niveaux observés avant la guerre en Ukraine (-3 % sur la semaine, à 95,78 $/baril). Les indices d’inflation alarmants et le risque d’une récession de l’économie mondiale renforcent également les craintes d’un ralentissement de la demande du secteur énergétique.

 

Par ailleurs, la Commission Européenne a revu en baisse jeudi ses prévisions de croissance dans la zone euro pour 2022 et 2023, à respectivement 2,6 % et 1,4 %, contre 2,7 % et 2,3 % prévus initialement. La dégringolade du pétrole entraine dans son sillage le marché des huiles végétales. L’huile de colza largement utilisée dans la production de biodiesel en Europe a vu son prix reculer de près de 100 $/t depuis la semaine dernière (à Rotterdam).

 

De même, les prix de l’huile de palme ont continué de reculer. Ces derniers sont particulièrement affectés par les lourds stocks accumulés en Indonésie. Des mesures assouplissant les exportations d’huile de palme sont par ailleurs mises en place pour écouler ce surplus.

 

Notons que la forte dépréciation de l’Euro face au dollar a limité la contraction des prix du colza. Les deux monnaies sont maintenant presque à parité pour la première fois depuis la mise en circulation de l’euro en 2002. Cela renforce la compétitivité des origines européennes sur le marché mondial.

 

Enfin, dernier élément baissier, le prix du canola canadien a cédé 12 $/t à 641 $/t à Winnipeg dans un contexte de bonnes conditions de culture.

Marché mitigé pour la graine de soja

Le prix du soja américain a augmenté de + 6,5 $/t à 592 $/t sur le rapproché mais marque une diminution sur le contrat de novembre (-9 $/t). La hausse des prix sur le spot s’explique par le temps sec et chaud attendu les prochains jours.

 

Des achats techniques ont également soutenu les cours. Ces derniers avaient en effet suffisamment diminué pour réattirer l’intérêt des acheteurs. Sur l’échéance novembre, contrat le plus négocié en ce moment, la baisse du prix s’explique en partie par la publication du rapport WASDE par l’USDA ce mardi. Ce rapport indique des stocks de fin de campagne et une production de soja sur la campagne 2022-2023 plus élevés que prévu aux États-Unis.

 

En outre, les opérateurs du marché surveillent l’évolution de la demande chinoise. En Chine, les importations de soja ont diminué de 14,7 % en juin par rapport au mois précédent. Les prix élevés conjugué aux marges de trituration négatives n’incitent pas les opérateurs chinois à revenir aux achats. Par ailleurs, le ralentissement de l’économie chinoise et la résurgence du Covid laissent présager une demande plutôt atone sur les prochains mois.

Net rebond du cours du tourteau de soja

Le tourteau de soja américain a vu son prix progresser nettement sur le rapproché, de + 30 $/t à 548 $/t, alors qu’il gagne 12 $/t sur l’échéance décembre.

 

Selon des opérateurs du marché, la demande intérieure en tourteau de soja est assez dynamique. Le tourteau américain reste assez attractif face aux céréales ce qui devrait soutenir sa consommation. La baisse des prix de l’huile de soja a poussé les triturateurs à augmenter les prix du tourteau afin de maintenir des marges de trituration rentables.

 

Autre élément haussier, le prix du porc en Chine poursuit sa hausse. Il se place à son plus haut niveau depuis un an. Selon le ministère chinois de l’agriculture, fin mai, le cheptel de truies a légèrement progressé de 0,4 % en un mois. Il reste tout de même 4,7 % inférieur à son niveau de l’an dernier.

 

En France, le prix du tourteau de soja à Montoir a suivi la tendance des autres origines mondiales et gagne 5 €/t à 549 €/t.

Légère diminution pour le prix du tournesol

Le prix du tournesol français a de nouveau reculé depuis la semaine dernière (-5 €/t à 615 €/t en qualité standard). En effet, les bonnes perspectives des récoltes ainsi que l’arrivage massif des tournesols ukrainiens à travers les frontières Est de l’Union européenne continuent de peser sur les prix européens.

 

Les exportations de l’Ukraine ont atteint des records sur les mois de mai et juin avec respectivement 380 000 et 550 000 tonnes de ventes mensuelles, dont une grande partie destinée aux pays est-européens (Bulgarie, Roumanie et Hongrie notamment). Dans ces pays, des stocks importants sont en train de s’accumuler et la situation s’est nettement alourdi à la fin de la campagne 2021-2022. Pour la nouvelle campagne, le marché européen du tournesol pourrait être bien confortable. Une situation lourde est même envisageable si les achats de tournesol ukrainien restent dynamiques.

 

Par ailleurs, le ministère ukrainien des infrastructures a indiqué que quelques navires avaient déjà emprunté le canal de Bystre depuis sa réouverture en début de semaine. La réouverture de ce canal, reliant le Danube à la mer Noire permettra de rétablir l’activité de navigation dans la région et pourrait soulager la logistique durement éprouvée dans et autour du canal de Sulina.

 

Sur le plan politique, les pourparlers entre l’Ukraine, la Russie et la Turquie au sujet de la mise en place de corridors humanitaires afin de permettre l’exportation de grains ukrainiens via les voies maritimes suscitent l’optimisme dans le marché. D’autre rencontres sont prévues la semaine prochaine et pourraient apporter de la nouveauté sur le sujet. Il est toutefois important de rester prudent quant à la concrétisation de tout accord étant donné que sur le terrain, la Russie continue ses attaques militaires contre l’Ukraine au moment même des discussions.

A suivre : accord pour les exportations en mer Noire, compétitivité de l’orge dans l’Union européenne face au maïs et au blé, prix du pétrole, parité euro/dollar, climat en Amérique du Nord (maïs, canola, soja), météo en Europe (maïs, tournesol, soja), situation sanitaire mondiale, politique d’exportation de l’huile de palme de l’Indonésie, montée ou non en puissance des exportations de l’Ukraine.