Agriculteur à Villiers-en-Désœuvre, dans l’Eure (Normandie), Pierre Gégu a planté, il y a dix ans, plus de 300 arbres dans une parcelle de 7 ha de grandes cultures. Peu développé à l’époque sur le territoire, ce système d’agroforesterie intraparcellaire a été mis en place pour répondre à plusieurs objectifs : agronomie, paysage, biodiversité, diversification…, « le tout dans une volonté de porter un projet de long terme et transgénérationnel », relate Pierre Gégu.
Les trois essences principales (cormier, robinier et noyer commun) ont été choisies car elles poussent bien sur le territoire et sont attractives pour la faune sauvage. « L’aspect sol a aussi été considéré pour la faisabilité du projet car la parcelle présente un calcaire fissuré dès 30 cm : nous avons réalisé des fosses pédologiques sous une haie existante et constaté que ses racines descendaient au-delà de 70 cm, alors que celles des cultures restaient dans la zone des 30 cm », explique l’agriculteur. Le contexte pédoclimatique est important : ainsi, lorsque Pierre Gégu décida d’ajouter quelques peupliers au système en place en 2016, il opta pour des cultivars résistants à la sécheresse.
Cultures non impactées
En 11 cycles végétatifs, l’agriculteur n’a pas observé d’impact sur les cultures (conduites sans produits phytosanitaires depuis les plantations et en bio depuis 2018) mais une répartition différente du rendement selon les cultures en place. La bande enherbée, située de part et d’autre des lignes d’arbres, ne pose pas de problème particulier grâce à la fétuque élevée qui la compose, une espèce couvrante et non invasive.
« J’ai conscience de l’impact carbone du labour en termes de consommation de carburant, mais la présence des arbres, avec leurs racines et feuilles, et la restitution des résidus de culture compensent cet effet négatif, estime Pierre Gégu. Cela a été calculé après ces dix ans en mesurant la biomasse produite », ajoute-t-il. L’agriculteur se félicite aussi d’un faible taux de mortalité des arbres, certainement atteint grâce à de bonnes pratiques de gestion dès la plantation (choix de jeunes plants pour faciliter leur développement racinaire en profondeur et gaines de protection).
L’exploitation se fera d’ici cinq à dix ans pour les robiniers et dans plusieurs décennies pour les cormiers et noyers. Concernant les peupliers, plus de dix ans seraient nécessaires, tout en évitant une trop forte concurrence sur les cormiers et noyers. L’agriculteur envisage un nouvel aménagement (haies, bandes herbacées ou fleuries et peut-être mares) sur environ 60 ha. « Avec mon conseiller, nous y réfléchissons encore car l’îlot est isolé, donc moins intéressant pour créer une continuité écologique. Mon fils a lui aussi intégré ce projet potentiel car il va bientôt s’installer », précise Pierre Gégu. C. Salmon
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