Le blé abandonne la lutte cette semaine et l’orge chute à cause du coronavirus mais aussi de la pression de la zone de la mer Noire. Écroulement du colza sous le poids des huiles qui sont les plus touchées par les conséquences du virus.

 

Le blé ne peut plus résister

L’embellie de la semaine dernière fut de courte durée. Alors que les céréales, et le blé notamment, avaient relativement bien résisté à la lame de fond du coronavirus, les prix du blé ont lâché prise cette semaine.

 

Le blé rendu Rouen a ainsi perdu 6 €/t, à 183,5 €/t (base : juillet). En milieu de journée ce 28 février 2020, l’échéance de mars d’Euronext affichait aussi une baisse de 6 €/t, à 190,5 €/t.

 

Il est difficile actuellement de prévoir un gros impact de la maladie sur la demande mondiale de grains mais les opérateurs ont opté pour la prudence, emboîtant le pas aux marchés des autres matières premières et financiers, par aversion au risque.

 

Par ailleurs, la légère remontée de l’euro face au dollar a contribué aussi à la baisse des prix en euro.

 

Sur un plan plus « fondamental », les prévisions de pluies en Australie et les bonnes nouvelles concernant l’état des cultures d’hiver en Russie et Ukraine ont contribué au sentiment baissier.

 

L’IGC (Conseil international des céréales) est venu aussi ajouter son grain de sel en publiant une récolte mondiale de blé en hausse pour la récolte de 2020 à 769 millions de tonnes (contre 763 en 2019-2020). Nous partageons la prévision d’une hausse de la production mondiale pour la nouvelle campagne. Cela s’appuie sur de très belles performances attendues en Inde (faisant suite à une bonne mousson et une hausse du prix garanti par le gouvernement aux producteurs), mais aussi sur le retour à des conditions plus normales en Australie.

 

Pression baissière de la mer Noire pour l’été

La mer Noire, la Russie et le Kazakhstan surtout, devraient aussi contribuer à la croissance de la production mondiale et gommer ainsi la nette chute de production qui reste attendue en Europe.

 

Il est intéressant de noter que les prix de la nouvelle récolte en Europe et en mer Noire sont inférieurs à ceux de l’ancienne.

 

Le blé russe vaut 197 $/t Fob sur juillet, contre 217 $/t sur mars, et le blé français Fob Rouen se situe à 208 $/t sur juillet, contre 212 $/t sur mars. Cette hiérarchie des prix reflète justement l’anticipation d’une très bonne récolte dans la zone de la mer Noire cet été et la pression qu‘elle exercera au moment de la moisson. Dans cette situation, il semble peu probable que les prix de l’ancienne récolte rebondissent beaucoup désormais. Bien sûr, cette perspective pourrait changer en cas de graves problèmes climatiques.

 

Cette semaine, l’Argentine a fait parler d’elle en stoppant ses enregistrements d’exportations (autorisations nécessaires pour l’exportation) : cela concerne les céréales et le soja. Cette mesure semble provisoire, dans l’attente d’une hausse probable des taxes appliquées à l’exportation au départ de ce pays. Cela ne devrait pas influencer beaucoup le marché du blé car les autorisations d’exportation déjà octroyées sont élevées (proches du total prévu des exportations de la campagne). Malgré tout, cet épisode vient rappeler que la présence argentine sur le marché mondial du blé est fragile et de nouveau sujette à la fluctuation de mesures gouvernementales. Il s’agit d’un facteur plutôt porteur pour les blés des autres origines.

 

L’activité en blé est restée dynamique

L’Arabie a acheté 715 000 tonnes de blé lundi 24 février 2020 qui devraient provenir principalement du nord ou du centre de l’UE (taux de protéines supérieur à 12 %) ; pas d’indication pour l’instant de l’origine choisie pour le petit volume recherché à 11 % de protéines.

 

La Tunisie a acheté 125 000 tonnes de blé tendre et l’on estime que l’origine sera surtout du blé de la mer Noire vu le prix pratiqué.

 

La Corée et la Jordanie ont été actives aussi cette semaine : elles ont acheté 165 et 60 000 tonnes respectivement mais ces achats portent déjà sur la prochaine campagne (livraison en juillet-septembre).

 

Les pays d’Asie du Sud-Est réagissent à la baisse récente avec les Philippines qui viennent de lancer un appel d’offres pour 390 000 tonnes et l’Indonésie qui était à la recherche de blé français cette semaine mais sans concrétisation particulière pour le moment.

 

La Jordanie, la Syrie, l’Éthiopie et le Bangladesh ont aussi des appels d’offres en cours.

 

L’orge « dévisse »

Comme pour le blé, les prix de l’orge se sont nettement affaissés cette semaine, perdant 7,5 €/t rendu Rouen, à 154,5 €/t (base : juillet). En dollar, les orges françaises se rapprochent du niveau de 180 $/t Fob Rouen, à parité maintenant avec les orges de la mer Noire qui ont fortement baissé cette semaine (–10,5 $/t, à 181 $/t). La concurrence entre les deux régions exportatrices est rude et la dégringolade des blés russes risque de pousser encore plus bas les prix européens dans les jours qui viennent.

 

Le marché des orges est resté actif cette semaine : pour la seconde semaine consécutive, la Tunisie a acheté 75 000 tonnes d’orges pour chargement en avril. La semaine dernière, il nous apparaissait plausible que l’origine choisie soit européenne mais vu la chute des prix de la zone de la mer Noire depuis, les origines européennes ou de la mer Noire sont au coude à coude pour ce second round.

 

La Jordanie vient, elle aussi, de boucler un achat (60 000 tonnes) mais cet achat porte désormais sur la nouvelle campagne (chargement en juillet). Comme pour le blé, les orges de la nouvelle récolte valent moins cher que celles de l’ancienne (–5 $/t environ).

 

Sur le créneau brassicole, les prix n’ont pas bougé en ancienne récolte (la prime entre les valeurs brassicoles et les valeurs fourragères s’accroissant donc légèrement avec la chute des prix fourragers). En revanche, les orges de brasserie de la récolte de 2020 ont perdu 0,5 €/t en printemps (à 175 €/t Fob Creil, base juillet) et 1 €/t pour les variétés d’hiver (à 171 €/t).

 

La chute des valeurs fourragères et le maintien d’une perspective très lourde pour les orges brassicoles (printemps surtout) en 2020-21 ont contribué à cette évolution malgré le retard que prennent les semis de printemps à cause des pluies.

 

Le maïs reste bas

Le maïs n’a pas pu échapper à la tendance de baisse généralisée cette semaine mais sa chute a été plus modérée que celle du blé (et de l’orge). Les prix Fob Rhin ont abandonné 2,5 €/t, à 168 €/t (base juillet), et les prix Fob Atlantique n’ont perdu que 0,5 €/t, à 166 €/t.

 

La très bonne perspective de récolte en Argentine continue de peser sur les prix : sur le marché mondial, les valeurs se sont affaissées de 1 $/t pour les maïs ukrainiens et de 4 $/t pour les maïs argentins ou US. L’arrêt momentané de l’octroi des licences d’exportation en Argentine ralentit le marché et pèse encore plus sur les prix intérieurs dans ce pays.

 

La situation est lourde pour le maïs mondial avec des stocks de fin de campagne qui vont, certes, chuter aux USA mais grimper en Ukraine et en Amérique du Sud. Désormais, les perspectives de semis aux USA vont donner le ton : tout laisse prévoir une remontée importante des surfaces après les déboires de l’an passé, ce qui va continuer de peser sur le prix du maïs.

 

Pression accentuée sur le marché des huiles

Les prix mondiaux des huiles végétales ont continué de subir l’impact de la crise sanitaire liée au coronavirus. Bien que le développement de l’épidémie semble reculer en Chine, il continue de se propager dans les autres pays du monde.

 

Il est difficile de mesurer l’impact de cette crise sur l’économie mondiale, mais les opérateurs anticipent déjà un ralentissement des flux internationaux en raison des restrictions sanitaires et donc de la demande alimentaire.

 

En conséquence de ces incertitudes, le baril de pétrole a vu son prix reculer de 12 % sur la semaine, à 47,1 $, son plus bas niveau depuis janvier 2019.

 

D’autre part, le prix de l’huile de palme reste pénalisé par une demande à l’exportation en dessous des attentes en raison de la tension en cours entre ce pays et l’Inde. Ainsi, le cours de l’huile de palme malaisienne recule de d’environ 6 % depuis la semaine dernière, tirant dans son sillage les autres huiles végétales.

 

Le colza français en nette baisse

Cette forte baisse du prix des huiles végétales a entraîné une nette contraction des marges de trituration depuis quelques semaines et cela vient lourdement peser sur les prix des graines de colza. Ces derniers reculent d’environ 14 €/t, à 383 €/t à Rouen, à 390 €/t en Fob Moselle et à 387 €/t sur Euronext.

 

Au Canada, le prix du canola cède 12 $/t à 334 $/t dans le sillage des huiles végétales et de l’or noir.

 

Une baisse du prix du soja tempérée

Le soja à Chicago affiche une baisse proche de 2 $/t cette semaine. Les marchés se sont inquiétés de la multiplication des cas de coronavirus en dehors de Chine qui fait planer l’ombre d’un ralentissement économique au niveau mondial.

 

Toutefois, après avoir fortement chuté au début de la semaine, les prix se sont partiellement relevés ensuite en réponse à la suspension temporaire des registres d’exportations en Argentine. Cette mesure vise en effet à éviter une vague de ventes par les agriculteurs qui chercheraient à échapper à la nouvelle augmentation des droits à l’exportation (portés à 33 % pour le soja).

 

Sur le marché mondial, l’incertitude règne encore concernant les achats massifs de marchandise US promis par la Chine, les commandes étant jusqu’alors plutôt rares depuis janvier.

 

Le gouvernement chinois s’est pourtant voulu rassurant en rappelant qu’il tiendrait ses engagements une fois la crise sanitaire sous contrôle. Les entreprises importatrices en Chine qui en feront la demande pourront prochainement bénéficier d’exonérations de taxes.

 

En attendant, les stocks US demeurent largement excédentaires. La situation est similaire au Brésil et en Argentine où nous avons revu en hausse nos prévisions de récolte.

 

Les tourteaux de soja, quant à eux, ont été soutenus par le dynamisme de la demande et la crainte d’un ralentissement des exportations en Argentine qui est le principal exportateur mondial ; les prix des tourteaux ont donc grimpé légèrement, sur le marché à terme de Chicago et dans l’UE (+1 €/t, à 341 €/t à Montoir).

 

Enfin, le prix du pois fourrager cède encore 2 €/t cette semaine, faute de compétitivité dans les rations industrielles.

 

Le tournesol aussi en chute

Le marché de tournesol a également été affecté par la crise sanitaire mondiale. À Saint-Nazaire, le prix du tournesol français cède 12,5 €/t, à 345 €/t, depuis la semaine dernière.

 

En mer Noire, le prix Fob moyen perd à son tour 10 $/t, à 380 $/t, bien que les exportations restent assez dynamiques notamment au départ de la Russie (où des volumes records d’huile de graine ont été exportés à ce stade de la campagne).

 

À suivre : compétitivité UE/mer Noire en blé et orge, conditions des cultures d’hiver et avancée des semis de printemps dans l’hémisphère Nord, propagation du coronavirus, marges de trituration, autorisations d’exportation en Argentine