Avec le vaccin anti-Covid, l’horizon semble s’éclaircir. Et il était temps, tant les polémiques ont brouillé les messages et paralysé l’action publique. Lors de la grippe espagnole, il y a cent ans, les débats tournaient autour de la censure. C’est la raison pour laquelle la grippe, apparue aux États-Unis, fut qualifiée d’espagnole : c’est l’Espagne qui fut la première à en parler. Mais il n’y avait pas de débat médical.
Lors de l’épidémie de choléra de 1832, les commentateurs de l’époque savaient gré aux médecins d’avoir « attendu que la maladie se fut apaisée pour mettre à jour leurs débats ». Ce fut tout le contraire avec la Covid-19. La science domina le débat public pour le meilleur et pour le pire. Le milieu médical s’est fracturé autour de la chloroquine et de son défenseur vedette. Le port des masques, le confinement, tout fut discuté à l’infini dans un tohu-bohu médiatique. Car les chaînes d’information en continu vivent des polémiques. La controverse les nourrit.
En psychologie, on connaît l’importance communicative du doute. Dans le film 12 hommes en colère (Sydnet Lumet, 1957), un jury doit décider de la culpabilité d’un supposé meurtrier. Alors que l’unanimité se dessine, un juré exprime un doute. Il ne dit pas que l’accusé est innocent, il dit juste qu’il n’est peut-être pas coupable. Le doute d’un seul suffit à ébranler la cohésion du groupe. De nos jours, la polémique a un effet paralysant direct. Comment décider et agir lorsque tout est remis en question ?
La voix contestataire, amplifiée par sa résonnance médiatique, a toujours plus d’écho que la voix officielle, suspecte. Les agriculteurs connaissent cela. Nitrates, glyphosate..., les traces de pesticides peuvent être des milliers de fois inférieures aux seuils auxquels un effet biologique est avéré, rien n’y fait. La puissance des mots médiatisés casse l’action. L’État, déjà alourdi par son embonpoint technocratique, semble paralysé par la crainte de la controverse sur les écrans. L’écran-échafaud veut des inquisiteurs et des accusés. Les agriculteurs connaissent trop bien cela.
par Nicolas-Jean Bréhon