Aimé Vuillaume et Alain Labeille (vétérinaire-biologiste ; vétérinaire-praticien)
L’assemblée générale du Cifog, le 23 juin 2017, observe que la filière foie gras ne pourra pas supporter une 3
e
vague
de grippe aviaire. Ce qui est surprenant, c’est de constater que la représentation interprofessionnelle et la DGAL se félicitent des résultats obtenus par l’abattage des foyers assorti d’un long vide sanitaire dans 17 départements, pour la 1
re
vague H5N1, et pour la 2
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vague H5N8, l’abattage préventif en zones de protection et de surveillance suivi d’un vide sanitaire jusqu’au 28 mai 2017.
Pourtant, le 1er épisode s’est soldé par un échec avec l’apparition de 4 nouveaux foyers un mois plus tard en Dordogne et en Aveyron. De plus, le 28 novembre 2016, le virus H5N8 hautement pathogène se manifestait en France, véhiculé par des oiseaux sauvages. Des mortalités ont été constatées chez les canards. Cette 2e vague a donné lieu à un abattage drastique de 4 millions de palmipèdes ; une perte considérable pour toute la filière. Les couvoirs du Sud-Ouest qui avait échappé à la 1re vague d’influenza aviaire ont été décimés, et avec eux un patrimoine génétique inestimable s’en est allé.
Actuellement, la pénurie de canetons rend très difficile le repeuplement en cours. D’autres effets se feront vraisemblablement sentir lors des prochaines migrations avec la réapparition probable de nouveaux virus auxquels les canetons, venus de l’extérieur et moins résistants aux agents pathogènes locaux, seront confrontés.
Même si les avis officiels affirment que la politique sanitaire menée contre les virus H5N8 « nouveaux » a été couronnée de succès en employant de violentes mesures d’abattage, Sylvie Van Der Werf, de l’Institut Pasteur, corrige cela en précisant que les deux types de virus H5N8 qui ont touché la France sont des descendants du virus H5N1 qui s’était propagé en Europe en 2005-2006 après avoir séjourné longtemps en Asie du Sud-Est. Sa dispersion a été le fait des oiseaux sauvages et des mouvements humains. Les virus de l’influenza aviaire évoluent et se transforment par des mutations et des réassortiments, créant parfois de nouveaux agents circulant lors des migrations. En conséquence, il faut établir une surveillance internationale pour suivre la circulation des virus grippaux et bâtir une stratégie d’action la plus efficace possible. Ces abattages répétés, à l’évidence, ne sont pas la solution.
Bien que le risque pour l’homme reste faible en France, l’Anses a alerté les professionnels de la filière, le 23 novembre dernier, de la menace potentielle du sérotype H7N9 qui circule en Chine depuis 2013, avec un risque zoonotique puisqu’il a été à l’origine de 1 486 cas humains et d’une mortalité de 30 %. D’ores et déjà, l’Anses clame que « nous devons nous attendre à de nouvelles épizooties de virus connus ou non dès l’automne ». En conséquence, le DGAL promet de nouveaux règlements pour détecter et abattre encore plus rapidement les palmipèdes afin de maîtriser la 3e vague d’influenza aviaire qui menace. Force est de constater que les mesures sanitaires ont tué plus de canards que l’influenza aviaire. Est-il raisonnable de poursuivre une éradication utopique ?
Tous les maillons de cette filière, essentiellement sa composante artisanale, depuis l’accouvage jusqu’à la transformation en passant par les transports, ont été soumis à rude épreuve au cours de ces deux derniers épisodes de grippe aviaire. Devant les nouvelles difficultés qui se profilent, espérons que la politique sanitaire mise en œuvre utilisera tous les moyens scientifiques et techniques disponibles pour lutter efficacement contre les virus de la grippe aviaire, en ayant conscience que ces virus existent et circulent depuis « la nuit des temps » et qu’il faudra vivre avec eux, bon gré mal gré, en envisageant une coopération internationale.