Bactéries naturelles
La science appliquée est surprenante. Elle peut créer une passerelle entre un champ de tournesol et un laboratoire du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). J’ai déposé un brevet, il y a une dizaine d’années, sur des bactéries naturelles qui dégradent par photosynthèse un produit issu de l’industrie nucléaire. Or, la structure moléculaire de ce produit est proche de celle de certains pesticides comme le glyphosate. Ce travail, rendu public, intéresse les établissements Barre, à Clairac dans le Lot-et-Garonne. Ils développent des stations phytosanitaires complètes.
Des essais dans notre laboratoire de Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône, montrent que fongicides, insecticides et herbicides sont dégradés à 90 % par ces bactéries photosynthétiques. Nous en produisons 10 litres pour ensemencer les bacs de traitement sur une exploitation agricole qui utilise plusieurs pesticides. Le procédé fait ses preuves sur 140 produits. En apportant une caution scientifique à un équipement professionnel créé pour réduire la pollution des effluents agricoles, je découvre une réalité inquiétante. Quand le rinçage des pulvérisateurs se fait toujours au même endroit, directement sur le sol, liquides et phytos percolent, et atteignent la nappe phréatique où ils se concentrent.
Systèmes simples
Le rinçage des outils sur les parcelles coûte en gasoil, en temps. Les systèmes de dépollution existants nécessitent un entretien régulier, et les résidus accumulés pendant plusieurs années contiennent de hautes teneurs en cuivre. Face aux réticences des professionnels à s’équiper, des systèmes simples et peu coûteux restent à inventer.
Life, l’instrument financier pour l’environnement de l’Union européenne, finance entre 2012 et 2016 notre projet Life-Phytobarre (1). Nous évaluons l’efficacité du traitement biologique et accompagnons la mise en place de nouveaux usages pour les agriculteurs. À la station d’expérimentation arboricole de La Pugère, dans les Bouches-du-Rhône, et dans trois exploitations du Vaucluse et des Alpes-de-Haute-Provence, nous implantons des démonstrateurs grandeur nature. Soit, quatre bassins en cascade mis au point par les établissements Barre, couplés à une station de lavage. Dans l’eau, les populations de bactéries roses et rouges se développent en fonction des matières phytopharmaceutiques utilisées en arboriculture, maraîchage, viticulture, grandes cultures, etc.
Une eau dépolluée
La charge polluante diminue progressivement par biodégradation et l’évaporation de l’eau réduit les volumes d’effluents. En fin de saison, sans intervention humaine et sans rejet dans l’environnement, l’eau est dépolluée. Le futur agrément du ministère de l’Environnement permettra de multiplier ces équipements attendus par des professionnels et des communautés de communes désireux de respecter la loi (2) : protéger l’eau bue par tous, préserver la terre premier outil de travail des agriculteurs ou encore redorer leur image dans la société.
Propos recueillis par Alexie Valois