Dossier Se réapproprier l’engraissement des chevreaux à la ferme
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Deux élevages partagent leurs motivations pour relancer l’engraissement de chevreaux sur site. Ils expliquent leurs conduites pour des débouchés en circuit court pour l’un, et en filière longue pour l’autre.
Laurent Balmelle, producteur fermier d’un troupeau de 100 chèvres saanens en Ardèche et président de Cap’Pradel
« À la reprise de la ferme familiale il y a une dizaine d’années, nous avons décidé avec mes deux associés, Sylvain Balmelle et Denis Dumain, de transformer tout le lait produit pour le valoriser en fromages en circuit court. Afin d’écrêter le pic de lactation au printemps - période à laquelle la demande est moins active -, nous avons choisi d’engraisser tous les mâles. Pour ce faire, une nurserie, accolée au bâtiment des chèvres, a été construite. Les chevreaux sont alimentés exclusivement au lait de leurs mères. Les premières naissances ont lieu début février. Les jeunes sont engraissés entre un mois et demi et trois mois pour un objectif de poids carcasse de 10 kg. La viande est valorisée auprès de quelques bouchers en carcasse entière à 9 €/kg ou en découpe sous vide en circuit de proximité à un prix moyen de 18 €/kg. »
Alain et Christine Delaunay, et leur fils Romain, éleveurs de trois cent vingt chèvres alpines en Charente
« Le lait de nos chèvres est collecté par Terra Lacta. En parallèle, nous vendons une centaine de chevrettes reproductrices et nous engraissons 200 à 250 mâles chaque année. Un bâtiment de 400 m² leur est dédié. Les mises bas sont désaisonnées à l’automne, permettant de bénéficier d’une demande plus dynamique avant les fêtes de Noël. Les chevreaux reçoivent le colostrum au biberon avant d’être allotés dans des parcs de vingt à cinquante jeunes au fil de leur croissance. Ils sont nourris à la poudre de lait et disposent de paille à volonté. Ils sont abattus entre trois semaines et un mois pour un prix moyen de 3,34 €/kg vif. Le produit généré par l’atelier couvre en totalité les charges inhérentes à l’engraissement des chevreaux et à 50 % l’alimentation distribuée aux chevrettes de reproduction. »
« Le projet ValCabri (1), initié par la Fnec et conduit par l’Idele, est né de la difficulté à valoriser les chevreaux et chevrettes non destinés à la reproduction, explique Franck Moreau, secrétaire général de la Fnec. Face à une perte de valeur continuelle et à une consommation nationale peu dynamique, les éleveurs se sont désintéressés de la production de viande caprine et de son devenir. »
Le projet ValCabri, mené de janvier 2019 à juin 2022, vise à contrebalancer ces orientations et à redynamiser l’engraissement des chevreaux à la ferme. « Les travaux se divisent en diverses actions techniques. Elles portent notamment sur le renouvellement de l’offre de viande de chevreau en phase avec les attentes des consommateurs, et le calcul de l’intérêt économique pour les éleveurs de valoriser cette production sur leur exploitation », note Marie Drouet, de l’Idele. Le projet vise aussi à comparer les performances zootechniques et les qualités de carcasses de chevreaux issus de trois croisements avec des races de type viande. Et, in fine, à optimiser des itinéraires techniques pour constituer des références.
