Il est toujours possible de se passer d’un site internet ou d’une page Facebook. Mais taper le nom de son exploitation ou son nom dans un moteur de recherche peut amener à des déconvenues. « Même si vous ne communiquez pas, il arrive que d’autres le fassent pour vous », note la communicante et agricultrice, Nadège Bellot des Minières. Alors autant se donner les moyens de maîtriser, dans la mesure du possible, ce volet qui souvent rebute. Les agences de communication contactées pour cette enquête sont en effet unanimes : l’outil le plus plébiscité par les agriculteurs désireux de se rendre visibles est le flyer, viennent ensuite les autres supports tels l’affiche et le panneau signalétique, puis le site internet. Les réseaux sociaux fermant la marche. « Ils font peur », constatent les experts. Le retour de bâton est parfois redouté tout comme leur caractère chronophage. Mais ne pas y être présent, « c’est s’exposer au risque de se couper d’une partie de sa clientèle », reprend Nadège Bellot des Minières, qui conseille de se former à ces réseaux ou de confier leur animation, au moins dans un premier temps.
Du téléphone à la vente en ligne
La création d’un site internet ne suscite pas autant de défiance. L’outil est au contraire plébiscité pour son « professionnalisme ». Étienne Maury, éleveur et transformateur de viande bio à Bergerac, en Dordogne, ne pouvait concevoir de se lancer à la ferme, aux côtés de ses parents, sans un site de vente en ligne. « C’est l’avenir de l’agriculture française. Nous savons produire de la qualité, il faut apprendre à la promouvoir et à la vendre. C’était aussi la solution pour que je m’installe. Pour mon père, qui vendait le même nombre de vaches chaque mois par téléphone, ça a été une petite révolution », reconnaît le producteur atypique de 30 ans qui, avant sa formation de boucher, a mené des études de commerce.
Pourtant les débuts n’ont pas donné les résultats escomptés. « En 2014, j’ai fait appel à une agence pour monter notre premier site. Mais le référencement a été négligé. C’était comme d’avoir un beau magasin au milieu du désert. Notre notoriété était la même qu’avant le lancement du site », explique Étienne Maury. Jusqu’au jour où il fait appel à André Belliot, consultant en marketing digital et fondateur de la plateforme Manger français. Le site de Nature viande, la marque de la famille Maury, a alors été entièrement revu.
Une affluence record
« En deux mois, nous avons triplé nos ventes. Nous n’avions jamais connu cette affluence. André ne m’a rien imposé. Ce furent de longs échanges entre nous et, à la fin, c’est moi qui validais. Je n’ai pas le sentiment que la communication m’échappe. » Régulièrement mis à jour, son site de vente en ligne lui coûte 49 euros par mois plus 7 % de son chiffre d’affaires. « C’est plus motivant que quelqu’un qui vous prend une grosse somme d’argent puis vous laisse tomber. » André Belliot forme également les Maury à l’animation des réseaux sociaux pour une reprise en main progressive de toutes les manettes. « Mon père a, depuis, bien compris l’intérêt de cette collaboration, surtout quand nous livrons un client et qu’il nous raconte l’histoire du dernier veau de la ferme, lu sur internet. »
Google My business
L’outil est simple à utiliser, intuitif et très bien expliqué par Google. Il permet de gérer sa présentation sur la maps Google et d’apparaître ainsi dans les résultats de recherches locales. Pour s’y rendre il suffit de taper « Google My Business » dans le moteur de recherche, puis de se laisser guider.
La présentation de la ferme et du mode de culture ou de production (avec des mots-clés) est essentielle. C’est à travers ce texte que la confiance du visiteur, voire de l’acheteur potentiel peut se faire. Il ne faut pas hésiter à intégrer dans cette présentation les femmes et les hommes qui y travaillent.
L’expert
« Trois conseils pour être bien référencé »
André Belliot, consultant en marketing digital
« 1. Lister les mots-clés. Prenez le temps de réfléchir à cette question : quels mots-clés vos futurs clients vont-ils saisir dans le moteur de recherche de Google ? Pensez à être précis. Si vous vendez de l’agneau de sisteron bio, les attentes tourneront autour de : acheter agneau de sisteron bio ; achat d’agneau de sisteron bio ; agneau de sisteron direct producteurs ; agneau en ligne, etc.
2. Miser sur l’abondance. Rédigez pour votre site des textes avec ces mots-clés. Plus il y en aura et plus Google en retiendra. Votre viande est bio ? Écrivez sur le label de votre exploitation. Vous êtes à Sisteron ? Écrivez sur la ville.
3. Créer votre notoriété. Plus un site internet est ancien, plus il remonte dans les classements. Le processus peut s’accélérer avec des liens provenant d’autres sites qui pointent vers le vôtre. Contactez par exemple hôtels, chambres d’hôtes, gîtes, restaurants de votre région pour leur proposer un article (que vous rédigerez). La visite de votre exploitation peut être un plus pour leur site et c’est un nouveau lien en votre faveur. »
« Dès que je me suis lancée, j’ai voulu un site internet »
Laure Figeureu-Bidaud, productrice de framboises dans l’Eure
« Que fait-on quand on veut en savoir plus sur une entreprise ? Nous regardons sur le web. Le site internet était un prérequis au lancement de mon activité. Aujourd’hui, la majorité de mes clients, professionnels et particuliers, disent : “J’ai regardé votre site et ce que vous faites me plaît.” Ce dernier, à travers lequel je reçois toujours beaucoup de candidatures, m’aide par ailleurs à recruter une vingtaine de saisonniers chaque année. Mon compte Facebook y contribue aussi et plus largement la stratégie mise en place par l’agence de communication Communicante (lire en p. 58) sur laquelle je m’appuie depuis le départ.
Je me suis installée en 2015, avec mon père, au sein de la ferme familiale jusqu’ici spécialisée en grandes cultures. J’y ai lancé la production de framboises sur 3 hectares (ce qui équivaut à 10 km de linéaire). Mon mari nous a rejoints depuis pour développer l’élevage laitier. On peut dire que nous sommes très occupés… C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité déléguer le volet communication à l’agence, de la même manière que l’on confie sa comptabilité à un expert. Après avoir travaillé plusieurs années à l’extérieur, notamment au sein du service développement d’un groupe coopératif, en lien avec le marketing, je mesurais aussi les compétences qui me manquaient. Je savais à peu près ce que je voulais sans savoir tout à fait comment m’y prendre.
Nous avons commencé par établir une stratégie de communication. De là, a découlé le nom de mon exploitation, une identité graphique, un logo, puis différents outils, dont le site internet. Cela a pris près de deux ans. Comme je débutais mon activité, je souhaitais aussi m’appuyer sur un document de prospection à remettre aux professionnels. Au départ, je les voyais le poser dans un coin. Mais souvent, le soir même, ils me rappelaient en me disant avoir apprécié le professionnalisme de la plaquette. Pour eux, c’était du sérieux.
Tout mon volume d’affaires avec les professionnels a été acquis, au démarrage, à partir de ce document de prospection. Puis nous avons communiqué auprès des médias. À chaque intervention ou article, un nouveau prospect m’appelait.
Des collègues me disent qu’il est difficile d’évaluer les retombées en communication. Je les mesure au nombre d’appels de clients potentiels. Ensuite, l’affaire se fait ou pas, mais ça, ça ne dépend plus de la communication. »