Nous l’avons vu, le biocontrôle amène une efficacité, et ce d’autant plus que des mesures pour atténuer la pression des maladies – résistances variétales, date de semis… – ont été prises. Toutefois, il y a bien souvent besoin de recourir à la lutte chimique. C’est pourquoi Arvalis teste les spécialités chaque année.
Faible impact du T1
En 2021, sur septoriose, avec un regroupement de quatre essais (Dordogne, Eure, Loir-et-Cher, Morbihan), l’institut n’a vu aucune modalité se distinguer significativement d’une impasse au T1. Ce dernier a été réalisé au stade 2 nœuds et suivi de 0,75 l d’Elatus Era (benzovendiflupyr + prothioconazole) en T2, à dernière feuille étalée. Le rendement brut s’est échelonné entre 91 à 93,8 q/ha, contre 91,1 q/ha pour le témoin. Et lorsque l’on déduit la protection fongicide, les écarts de rendements nets sont beaucoup plus faibles, avec au mieux 1,2 q/ha d’enjeu à ce stade. « Le soufre + phosphonate de potassium en T1 est très bon en rendement brut », complète Jérôme Thibierge, du pôle Maladies et méthodes de lutte chez Arvalis. L’association de soufre et de phosphonate, récemment homologué (lire l’encadré page 54), a sa place au T1 aussi bien que 0,5 l de Juventus (metconazole) + 3 kg de soufre.
Adepydin prometteur sur septoriose
Au T2, un panel de solutions a été testé sur septoriose (regroupement de deux essais dans le Loir-et-Cher et le Morbihan), avec un T1 jamais déclenché par Septolis. La référence du protocole 0,75 l d’Elatus Era ressort à 90,5 q/ha, alors que l’usage de 0,9 l de Kardix (bixafène + fluopyram + prothioconazole) s’affiche à 89,5 q/ha, avec des efficacités de, respectivement, 55 et 59 %. Les doses de Revystar XL (mefentrifluconazole + fluxapyroxad) à 0,9 l, 0,75 l et 0,6 l ont des efficacités supérieures et décroissantes. La dernière dose de Revystar XL, associée à Sesto 1,2 l (folpel), permet toutefois de remonter l’efficacité de 8 points. Et avec 2 l de phosphonate de potassium, elle remonte de 4 points. La nouveauté (lire l’encadré page 54) Zoom (mefentrifluconazole + fluxapyroxad) à 0,75 l obtient quant à elle une efficacité de 73 %, supérieure à la référence, mais dans la partie basse des références de Revystar XL.
Questar (fenpicoxamid) 1,1 l a été associé à différents partenaires, que sont 0,55 l d’Elatus Plus (benzovendiflupyr) et 0,55 l de Turret 90 (metconazole), ayant présenté des résultats intermédiaires. Quant à la spécialité codée F170BCS (bixafen + fluopyram) à 0,55 l, son efficacité a été dépendante des partenaires : 76 % avec 1,15 l de Questar et 62 % avec 0,55 l de Metcostar 90 (metconazole).
Le produit qui se distingue vraiment avec les meilleures efficacités (de 87 à 89 %) à 2 l, 1,6 l et 1,33 l est codé APN04. À base d’adepydin – ou pydiflumetofen – et de prothoconazole, il est en attente d’homologation (lire le tableau ci-dessous).
Elatus Era en tête sur rouilles
En 2020, les fongicides ont été testés sur rouille jaune au T2 dans le Cher. 0,75 l d’Elatus Era a obtenu une efficacité de 91 %. Revystar à 0,6 l + Sesto à 1,2 l et Zoom à 0,75 l ont, en revanche, été moins probants, avec 48 % et 46 %.
L’APN04 a conservé une bonne efficacité (83 %) à 2 l. Celle de FB170BCS à 0,55 l + Metcostar 90 à 0,55 l a été de 89 %, là où FB170BCS + 1,15 l de Questar n’a enregistré que 19 %. À la dose de 1,1 l, Questar a présenté une efficience dépendante des produits qui lui sont associés. Mais avec 0,55 l d’Elatus Plus ou 0,55 l de Turret 90,celle-ci a bondi à 87 %.
« Le phosphonate de potassium à 2 l, non homologué sur cette cible, a montré dans cet essai un résultat sur rouille jaune qui a fait progresser de 31 points l’efficacité et de 3,8 q/ha la performance de 0,6 l de Revystar », informe Arvalis.
Sur rouille brune, deux essais (Drôme, Gers) ont été pris en compte. La référence à 0,75 l d’Elatus Era se classe au premier rang, avec une efficacité proche de 98 % et un rendement de 88,2 q/ha. Les essais n’ont pas montré de différence d’un point de vue statistique. On note toutefois un retrait de 10 points pour 0,75 l de Kardix par rapport à la référence, et qui est amélioré de 5 points par l’ajout de 0,14 l de Twist 500 SC (trifloxystrobine). La nouveauté Univoq (fenpicoxamid) à 1,2 l, associée à 0,4 l d’Amistar (azoxystrobine), a atteint 96 % d’efficacité, 94 % avec 0,9 l de Zoom, et 93 % avec 2 l d’APN04.
L’efficacité sur fusarioses dégradée
Alors que les seuils réglementaires concernant les mycotoxines sont en cours de discussion dans l’optique de les abaisser, on observe depuis quelques années une dégradation de l’efficacité des fongicides sur F. graminearum et Microdochium (lire l’encadré ci-dessus).
Les essais de 2021 d’Arvalis (Dordogne, Haute-Garonne, Haut-Rhin, Essonne) n’ont pas montré d’écarts statistiques significatifs entre les solutions testées. Ils ont cependant permis de classer les matières actives.
En termes de notation des symptômes de fusarioses sur épis, le metconazole dans la modalité 0,5 l de Curbatur (prothioconazole) + 0,5 l de Caramba Star (metconazole) s’affiche au même niveau que le mefentrifluconazole dans 0,5 l de Curbatur + 0,5 l d’Amplitude (mefentrifluconazole). La fluxastrobine dans 1,4 l de Fandango S (prothoconazole + fluoxastrobine) affiche des résultas supérieurs. Enfin, 0,6 l de Wasan (bromuconazole) + 0,4 l de Joao (prothioconazole) enregistre la meilleure efficacité (41 %).
Quant à Microdochium sur les feuilles, on classe par ordre croissant d’efficacité : le méfentrifluconazole, le metconazole, le bromuconazole et la fluxastrobine.
Concernant Microdochium sur épis, le classement de la moins bonne à la meilleure solution donne : metconazole, méfentrifluconazole, fluxastrobine et bromuconazole. « Aucune solution du marché n’a permis de dépasser 27 % d’efficacité sur Microdochium de l’épi », précise Arvalis.
En revanche, l’APN04 se place dans le haut des références pour contrôler Fusarium, comme Microdochium.
Un T1 seulement lorsqu’il est nécessaire
Pour la construction de son programme, et afin de préserver l’efficacité des solutions et ralentir l’évolution des souches résistantes, il est d’une manière générale préconisé d’alterner les modes d’action. Il ne faudra ainsi pas plus d’une strobilurine et d’un SDHI par campagne. Il est, par ailleurs, conseillé d’éviter d’employer deux fois la même substance active, notamment au sein de la famille des triazoles. Dans ce cadre, rappelle Arvalis, il est intéressant d’utiliser dans les programmes de nouveaux modes d’actions, tel que la fenpicoxamid.
Sur le T0 (stade épi 1 cm), qui concerne essentiellement la rouille jaune dans les régions de bordure maritime, les triazoles, éventuellement complétés par une strobilurine, ont tout leur intérêt.
Nous l’avons vu cette année encore, l’impasse au T1 (1 à 2 nœuds) était possible dans nombre de situations. Un passage reste toutefois recommandé lorsque le risque sur rouille jaune est avéré, et que la note de résistance variétale à cette maladie est inférieure à 7. Sans présence de rouille jaune, ou avec une variété présentant une note de résistance supérieure à 7, un T1 sera conseillé si la septoriose est précocement observée, et pour une tolérance variétale à cette maladie inférieure à 6,5.
Les triazoles associés à un produit de contact (soufre, folpel) sont alors conseillés. En revanche, en présence de piétin verse, Arvalis estime que l’association de métrafénone et de cyprodinil demeure la mieux adaptée.
L’institut rappelle que l’emploi d’un SDHI se justifie au T2 (dernière feuille étalée à gonflement). Pour ce traitement, les triazoles peuvent être associés aux SDHI, aux picolinamides (fenpicoxamid) et/ou aux strobilurines.
Quant au T3 (début floraison), il est préconisé d’opter pour un triazole (prothioconazole, tébuconazole, metconazole, bromuconazole) éventuellement associé ou à Fadango S. L’azoxystrobine sera évitée en cas d’objectif prioritaire de qualité sanitaire.
« Nous assistons à des retraits de matières actives, y compris des molécules candidates à la substitution, qui risquent de ne pas être renouvelées », complète Jérome Thibierge (lire le tableau page 53). Les solutions vis-à-vis de la fusariose pourraient se restreindre, avec la perte de matières actives dans les années ou mois à venir. C’est notamment le cas du tébuconazole, qui arrive en fin d’approbation et ne sera probablement pas soutenu. « Sa disparition risque de changer le paysage de façon substantielle. Il s’agissait d’une substance très employée », conclut le spécialiste.