«Préserver la ressource en roches phosphatées nécessite d’améliorer le recyclage du phosphore, assure Thomas Nesme, professeur d’agronomie à Bordeaux science agro. Il peut et doit être accru, principalement par une meilleure connexion des cultures et des élevages. La ségrégation des systèmes entraîne des excédents dans les régions d’élevage et des déficits dans celles de culture, qu’il faut combler par l’utilisation d’engrais minéraux. » En France, par exemple, les sols bretons sont souvent excédentaires.
Intérêt pour la struvite
« Plus secondairement, le recyclage du phosphore passera par les effluents urbains, via la production d’engrais de seconde génération », estime-t-il. Actuellement, la majorité du phosphore de ces effluents est destinée à l’incinération. L’expert explique : « Leur profil sanitaire est souvent discutable et le traitement coûteux économiquement et énergétiquement. C’est sans doute pour cela que le recyclage vers les sols agricoles n’est pas si facile. »
Un produit attire l’attention, la struvite, obtenue par précipitation. Le process est naturellement observé dans les canalisations d’épuration, mais peut être industrialisé en ajoutant du magnésium et de l’ammoniac. En France, un premier site de production a été installé à Sausheim, en Alsace. « La composition finale de la struvite est intéressante car assez proche d’un engrais minéral et son équivalence engrais est proche de 1 dans une large gamme de sols et de pH », souligne Thomas Nesme. Le produit est d’autant plus intéressant d’un point de vue agronomique qu’il est exempt en cadmium. En revanche, il coûte cher (trois fois plus que les engrais classiques) et la réglementation n’est pas encore adaptée.
Opportunité européenne
Toutefois, un nouveau règlement européen sur les matières fertilisantes a été adopté le 5 juin 2019 et sera appliqué à partir du 16 juillet 2022. « Il introduit une vraie évolution culturelle par rapport au précédent, explique Jean-Philippe Bernard, de la chambre d’agriculture de la Charente-Maritime. Il s’inscrit dans une logique d’économie circulaire pour favoriser l’usage des produits issus du recyclage, en particulier les effluents d’élevage. L’objectif est de diminuer la dépendance de l’Union européenne vis-à-vis de ressources non renouvelables et situées en dehors des États membres : pétrole pour ce qui est des engrais azotés, et phosphates d’extraction. Il contient un élément qui est important dans le contexte actuel : la fin du statut de déchet pour tout composant d’un fertilisant européen. »