Des pertes de rendement par rapport à 2015 de près de 32 % en blé tendre, 22 % en orge, 11 % en blé dur, 12 % en colza, 25 % en protéagineux, selon le ministère de l’Agriculture… Entre les inondations du printemps et la sécheresse estivale, la campagne 2016, pourtant prometteuse, a été catastrophique pour les productions (lire fiches productions). Les cultures ont gardé les pieds dans l’eau, parfois pendant plusieurs semaines. En prairie, les récoltes n’ont pas toujours pu être réalisées au bon moment à cause des pluies. Résultat, la qualité des stocks est souvent hétérogène, aussi bien en énergie qu’en protéines. Aujourd’hui, la quantité fait aussi défaut, car bon nombre d’éleveurs ont été contraints de distribuer du foin au pré en raison de la sécheresse estivale.
Exportations en chute libre
2016, une année à oublier donc… qui ne pourra pas vraiment l’être au vu des conséquences économiques désastreuses sur les exploitations, dans un contexte de prix particulièrement bas. Au contraire, elle marquera au fer rouge les mémoires des agriculteurs, mais aussi leurs partenaires amont et aval.
En blé tendre, cela faisait 30 ans que les résultats, en rendement et en qualité (PS très faibles) n’avaient pas été si mauvais. Cette collecte en berne a généré de lourdes conséquences. « À l’échelle de notre groupe, Axéréal, cette récolte, c’est 1 000 trains qui ne seront pas affrétés, et pas moins de 43 000 camions qui ne rouleront pas cette année », précise Philippe de Raynal, directeur général de la coopérative. Celle-ci s’est adaptée en réorganisant le temps de travail afin d’éviter le chômage partiel. À l’échelle de la filière, on compte 10 000 trains et 400 000 trajets de camions en moins. « C’est tout un écosystème qui est touché », ajoute-t-il.
FranceAgriMer s’attend à une chute globale de 50 % des exportations françaises de blé vers les pays tiers par rapport à 2015. « Le marché des céréales étant surabondant, c’est la première fois que la France sort du marché mondial sans que personne ne s’en rende compte », explique Philippe Mangin, président d’InVivo. En novembre, on note une baisse de près de la moitié des volumes expédiés vers le Maroc et de 40 % vers l’Afrique subsaharienne. Les importations françaises de blé tendre étaient même attendues à 700 000 tonnes, contre 400 000 t l’an passé.
Conséquence directe, notamment sur la logistique nécessaire à l’export : par exemple, la moitié des salariés de Sénalia, logisticien céréalier et agro-industriel du port de Rouen, connaît du chômage technique depuis début novembre.
Chômage partiel
Du côté des appros, le chômage partiel est malheureusement aussi d’actualité. « La baisse des revenus agricoles due aux mauvaises récoltes se répercute directement sur les commandes de fertilisants », constate Thierry Loyer, président de l’Unifa, l’Union des industriels de la fertilisation. Il observe notamment une baisse de 50 % des commandes d’amendements minéraux basiques, et de 30 % pour les engrais contenant du phosphore et du potassium. Avec des achats d’engrais en chute libre, certaines usines de fabrication d’engrais se sont carrément arrêtées. D’autres connaissent une activité partielle mettant au chômage technique une partie des salariés. Mais si les agriculteurs ont fait souvent l’impasse sur les apports de P et K, les achats d’azote devraient se maintenir, afin de ne pas pénaliser le rendement des cultures en place. Cultures qui ont d’ailleurs été semées en majorité avec des semences fermières, en tout cas pour les céréales. Le taux de semences fermières a ainsi grimpé, pour la première fois, jusqu’à 54 %, contre 52 % en 2015 et 45 % en 2014.
« C’est la combinaison de la baisse des prix des céréales et de la mauvaise récolte qui explique cette situation », assure Pierre Pagesse, président du Gnis (Groupement national interprofessionnel des semences et plants). Le taux de 2015 avait déjà été affecté par la baisse du prix des céréales.
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