Cécile Coulon : « Le village où j’ai grandi ne vit que parce qu’il est constitué en grande partie de fermes ». (Photo : Rosanne Aries/GFA)
L’un des dix romans les plus vendus de la rentrée littéraire se déroule dans une ferme. Dans « Une bête au paradis », Cécile Coulon raconte l’histoire de femmes prêtes à tout pour garder leur terre.
« Si ce livre permet à des gens qui ne connaissent pas trop le monde agricole de s’y intéresser, j’aurai réussi quelque chose », commence Cécile Coulon.
Une ferme en Corrèze
À 29 ans, l’autrice à la langue aussi vive que la plume, réussit ce tour de force de s’inscrire parmi les dix romanciers français les plus lus de la rentrée littéraire. Et c’est en s’inspirant d’une ferme de son enfance qu’elle est parvenue à relever le défi. « Cette histoire n’est pas réelle. En revanche, ce qui a déclenché son écriture est un lieu que je connaissais. »
Durant ses vacances scolaires, la Clermontoise se rendait chez sa grande tante, à la ferme du Châtaignier, à Saint-Mexant, à quelques kilomètres de la ville de Tulle, en Corrèze. « Sans comprendre la difficulté du métier, j’adorais aller là-bas avec ma grand-mère. » Elle en a fait un roman. « Je n’ai ni la force mentale, ni la force physique des paysans, explique celle qui pratique le marathon. Mais j’ai eu envie de raconter ce qui se passait quand cette force était mise à mal. »
« Seuls les paysans peuvent dire ce que c’est qu’être paysan »
« Je ne suis pas fille d’agriculteur, poursuit-elle. Et je ne peux pas dire que je connais ce monde dans son entièreté, ce serait un mensonge. Il n’a jamais été question pour moi d’ailleurs d’être la porte-parole des paysans en France. Les seules personnes qui peuvent dire ce que c’est qu’être paysan, ce sont les paysans eux-mêmes. »
« En revanche, j’ai grandi avec ce qu’on appelle le bon sens paysan, puisque mes grands-parents étaient eux-mêmes issus de ce monde, que mes parents sont dans le monde agricole, sans être eux-mêmes agriculteurs, mais ils ont étudié dans une école d’agronomie. Par ailleurs, à Clermont-Ferrand aujourd’hui, j’ai habité jusqu’à mes 18 ans dans un petit village d’Auvergne [NDLR, Saint-Saturnin] qui ne vit que parce qu’il est constitué en grande partie de fermes. »
Un roman sur la ruralité, l’amour et la vengeance
Dans « Une bête au Paradis », Émilienne qui élève des cochons et des poules, vit avec ses deux petits-enfants, Blanche et Gabriel, dont les parents sont décédés dans un accident de voiture. Les deux femmes, attachées à leur terre, vont se montrer prêtes à tout pour la défendre. « Être fort dans cette famille n’est pas une option », note l’écrivaine.
Cécile Coulon aborde dans son roman, les thèmes de la transmission, de l’héritage, des convoitises autour de la terre, mais aussi, plus insolite, du corps et du désir féminin. « J’ai voulu parler de la question du corps des femmes dans l’agriculture, dont on ne parle jamais. J’ai ressenti une urgence absolue à écrire sur ce que ces corps devenaient, soumis à ce monde beau mais rude, aux animaux comme aux tâches les plus difficiles. »
Dans les années 1970-1980
L’époque à laquelle se déroule l’histoire n’est jamais mentionnée. Un seul détail : l’école des enfants est mixte. Ce qui, au regard de la ferme, familiale et rudimentaire, par ailleurs, peut laisser penser que le roman se déroule probablement dans les années 1970-1980.
Dans le livre, l’image du monde agricole apparaît parfois d’Epinal, mais l’écriture de la romancière qui oscille entre douceur et férocité, ainsi que son récit, en tension de bout en bout, porte le lecteur tout au long de l’histoire.
Cécile Coulon a remporté en septembre 2019, le prix littéraire « Le Monde ».
Rosanne Aries
Cécile Coulon, Une bête au paradis, les éditions Iconoclaste, 352 pages, 18 euros.