Récolte de fourrages
Absorber le coup de pousse
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Dès qu'une petite fenêtre de beau temps pointe, les exploitants sèment les cultures de printemps déjà très en retard et, dans le même temps, récoltent l'herbe, qui a dépassé le stade optimal depuis longtemps...
Dès qu'une petite fenêtre de beau temps pointe, les exploitants sèment les cultures de printemps déjà très en retard et, dans le même temps, récoltent l'herbe, qui a dépassé le stade optimal depuis longtemps...
Avec un temps maussade depuis plusieurs mois, les chantiers de récolte sont à la traîne dans nombre de régions mais une petite partie du retard a été rattrapée.
Dans le Centre. « L'urgence est de récolter les parcelles prévues en fauche précoce », indique Pascale Pelletier, de la station expérimentale Arvalis de Jeu-les-Bois, dans l'Indre. Le retard est de trois semaines à un mois. Le problème est que toutes les parcelles ne sont pas accessibles tellement elles sont humides. Certains troupeaux ont d'ailleurs retrouvé le chemin de la stabulation faute de portance suffisante. Mais il faudra que les parcelles de pâturage abandonnées en cours d'exploitation soient nettoyées pour favoriser la repousse.
30 unités d'azote par ha pour doper la repousse
« Pour booster le regain, on peut apporter 30 à 40 unités d'azote par hectare », précise Matthieu Couffignal, de la ferme expérimentale de Jeu-les-Bois. Avec l'humidité, cette fertilisation est cette année pertinente. Sur certaines exploitations, les inquiétudes sont plus marquées pour le maïs. Les semis n'ont pas toujours été possibles. Ceux qui ont été effectués ont parfois souffert du froid ou des inondations et il faut envisager un resemis. Reste à savoir quelle espèce choisir car aucune ne pourra remplacer complètement le maïs. « En matière de dérobées, pour reconstituer les stocks, il faut préférer les espèces qui s'implantent et qui poussent vite, comme le ray-grass italien associé au trèfle incarnat », précise Matthieu Couffignal.
Dans le Nord. « Les rendements des ensilages sont au rendez-vous », remarque Quentin de Wilde, de la chambre d'agriculture. Pour la qualité, en revanche, il faudra faire des analyses. Le stade de récolte optimal est bien souvent dépassé.
En Bourgogne. « Les pâtures sont encore gorgées d'eau, indique Bertrand Dury, de la chambre d'agriculture de Saône-et-Loire. Beaucoup de parcelles étaient impraticables jusqu'au 10 juin. Il faut que le sol se ressuie pour envisager une récolte de foin. Certains troupeaux ont été rentrés. Ils ont puisé dans les stocks de sécurité. « Le volume récolté devrait être toutefois correct », ajoute-t-il.
Dans l'Ouest. « En Bretagne, la pousse de l'herbe est toujours inférieure à la moyenne de ces dernières années », note Sabine Battegay, d'Arvalis. Les croissances sont inférieures de 15 à 20 % à cause des faibles températures. En Normandie, la pousse est plus linéaire que d'habitude, il n'y a pas d'explosion aussi marquée que les autres années. Cela a facilité la gestion. Les récoltes ont été effectuées dans les temps, la qualité semble être au rendez-vous, même si certains sont déçus par les quantités. « L'enjeu dans les semaines à venir consistera à maîtriser les épis », explique Sabine Battegay. Il faudra faucher les refus pour favoriser des repousses de qualité.
Dans les Pays de la Loire. « Ceux qui ont effectué des fauches précoces vont profiter de belles repousses, explique Patrice Pierre, de la chambre d'agriculture de la Mayenne. Mais il a fallu être très opportuniste car les fenêtres d'intervention étaient courtes. Pour le foin récolté début juin, il faudra rester vigilant pour laisser les balles au moins trois semaines dehors car l'humidité est beaucoup plus importante que d'habitude. Quant aux refus, lorsqu'ils sont modestes, ils peuvent être consommés au champ par les animaux après avoir été fauchés et préfanés au sol.
Dans le Rhône-Alpes. « La plupart des ensilages sont terminés, explique Mickaël Coquard, responsable régional pour le pâturage. La qualité risque d'être médiocre compte tenu du contexte humide, avec des ray-grass marqués par la rouille. » Côté maïs, la plupart ont été semés la semaine dernière en choisissant des variétés plus précoces que prévu.
Dans le Limousin. Mi-mai, des pluies de 50 à 60 mm ont, dans certains secteurs, posé de gros problèmes de portance. Ceux qui ont continué de faire tourner les animaux sur les parcelles les plus argileuses ont matraqué les sols et gaspillé l'herbe. « Sur ces parcelles bien ressuyées, un passage de herse permettrait de niveler le sol, explique Hervé Feugère, de la chambre d'agriculture de la Creuse. Et un petit apport de 30 unités d'azote maximum relancera la production. »
Sur les prairies temporaires qui peuvent rentrer dans la rotation, il est envisageable de les regarnir avec un semis de colza à la volée. Cela permettra une pâture estivale avant un semis de céréales à l'automne.
« Globalement, ceux qui s'en sortent le mieux sont ceux qui sont sortis tôt, c'est-à-dire aux alentours de 300 °C de somme de températures », conclut Hervé Feugère.
Une pluviométrie record au pied des Pyrénées
« Depuis le 15 janvier, il est tombé autant de pluie que dans une année moyenne, assure Jean-Luc Soudais, de la chambre d'agriculture de Haute-Garonne. Les sols sont gorgés d'eau. La pâture est difficile. L'herbe, lorsqu'elle est coupée, ne sèche pas. Nous sommes parfois contraints de récolter en enrubannage.
Certaines parcelles ont été sacrifiées pour parquer les animaux. Cela coûte en stocks. Autre point noir : la récolte des céréales immatures est très en retard. Avec la pluie et le vent, des parcelles ont tendance à verser et la végétation risque de pourrir. Beaucoup d'exploitants n'ont pu semer ni les maïs ni les sorghos. Il va être trop tard pour le maïs. Ils seront contraints d'en acheter dans la plaine.
Pour les sorghos, mieux vaudra se tourner vers des variétés ensilage grain si une petite fenêtre de beau temps pointe. Ils sont plus riches en matière sèche que les BMR, qui restent feuillus plus longtemps à l'automne et qui sont donc plus exposés au gel. » Les types fourragers peuvent fournir 7 à 8 t de matière sèche en deux mois et demi, même si leur valeur alimentaire est limitée.
« Après les fortes pluies, de nombreux ajustements de pâturage se sont imposés pour tous les lots » (Pascal Kardacz, ferme expérimentale Arvalis de Saint-Hilaire-en-Woëvre, dans la Meuse)
« Le mois de mai a été exécrable pour le pâturage. Nous avons dû rentrer les animaux pendant treize jours en stabulation pour protéger les sols. » Ils sont ressortis au pâturage depuis le 3 juin seulement. Bilan : sur cette ferme qui, année après année cherche à chiffrer l'intérêt d'une sortie précoce à l'herbe (voir vidéo), le pâturage a exigé cette fois de nombreux ajustements.
La mise à l'herbe a été tardive pour les deux lots de quatorze vaches suitées puisqu'elle n'avait pas pu se faire avant le 16 avril. Le point commun des deux lots, c'est leur conduite en pâturage tournant avec quatre parcelles par lot au printemps, une surface de 42 ares/UGB qui double en été après les fauches. Le premier lot dispose d'une parcelle de déprimage mais à cause des conditions de portance, les animaux ont bien du mal à suivre la pousse.
« Nous sommes en excès d'herbe, explique Pascal Kardacz. Du coup, la qualité baisse. Les graminées arrivent à épiaison et il faudra faucher les refus après le passage des vaches. » La sortie des paddocks s'effectue un peu plus précocement que d'habitude, c'est-à-dire lorsque l'herbe atteint 6,5 à 7 cm au lieu des 6 cm conseillés. « Nous avons court-circuité une parcelle initialement prévue pour le pâturage pour la récolter en foin. » Ce stock supplémentaire viendra compenser la consommation des lots pendant les treize jours de stabulation non prévus.
Les quantités récoltées sont correctes. Pour le deuxième lot, la situation est beaucoup plus tendue. La quantité d'herbe disponible est limitée, elle est en revanche de bonne qualité. Un apport exceptionnel de 33 unités d'azote par hectare sur un paddock pâturé juste avant la mi-mai a été réalisé pour accélérer la repousse.
La fauche d'une autre parcelle a été anticipée et la quantité récoltée est satisfaisante.« Une grande partie des élevages en Lorraine ont dû rentrer les animaux ou sacrifier une parcelle, témoigne Arnaud Deville, de la chambre d'agriculture de la Meuse.
Pour remettre en état les parcelles qui ont le plus souffert, Pascal Kardacz conseille d'attendre la mi-juillet. « Il sera alors temps de faire un état des lieux, explique-t-il, et de prendre la décision de resemer. Les prairies ont une grande capacité de récupération . »