La demande à l’export a encore soutenu les cours du blé et de l’orge cette semaine avant un léger essoufflement depuis hier. Le maïs est comprimé par l’offre du centre de l’UE et le colza par des résultats meilleurs qu’attendu au Canada.
Australie Canada, Kazakhstan : des déboires importants en blé
Les prix du blé restent soutenus par une demande mondiale importante et la révision en baisse de l’offre. Le marché entérine en effet les mauvais rendements en blé du Kazakhstan et leur conséquence : le pays aura lui-même besoin d’importer plus de 1 million de tonnes de la part de son grand voisin, la Russie.
Plus au Sud, les inquiétudes gonflent de jour en jour en Australie et plusieurs opérateurs viennent de nouveau de réviser leur estimation en baisse pour une récolte qui pourrait passer sous le niveau — déjà très faible — de l’an dernier.
Ces éléments haussiers, sans oublier les dégradations qualitatives au Canada, ont entraîné une grosse vague d’achats qui a certainement contribué à l’entretien à la hausse des prix plus largement encore que les éléments concernant l’offre.
Une vague d’achats conséquents
Parmi les plus gros achats de blé, celui de l’Arabie lundi dernier pour 605 000 tonnes qui seront chargées en février-mars. L’Europe via les pays baltes, l’Allemagne ou la Pologne devrait fournir largement cet appel d’offres dont le prix s’est avéré supérieur de 25 $/t au prix du dernier achat effectué en septembre par ce pays.
L’Algérie vient d’acheter aussi 600 000 tonnes de blé et l’origine française sera sans doute la principale source, les blés français apparaissant moins chers que les blés argentins pour l’instant sur cette destination. La Turquie, de son côté, a acheté 190 000 tonnes de blé européen, l’origine européenne ayant été demandée par le TMO (l’office d’achat turque) au moment de l’appel d’offres. La Tunisie aussi a acheté du blé cette semaine (75 000 tonnes en origine optionnelle). L’activité est donc importante, sans compter sur les appels d’offres en cours du Bangladesh, de la Jordanie, des Philippines.
L’Iran vient d’annoncer un besoin d’importation de 3 millions de tonnes en raison de la dégradation de sa récolte en fin de cycle à cause des inondations. Tout le problème pour l’Iran est de pouvoir financer ses importations. Suite aux sanctions américaines, les compagnies importatrices ont de grandes difficultés pour le montage bancaire de leurs transactions et une fois cela bouclé, les compagnies exportatrices ont du mal à recevoir le paiement. Cela a entraîné récemment beaucoup d’attente dans les ports iraniens si bien qu’il convient toutefois de rester prudent sur les perspectives d’achat de ce pays.
Les blés russes tirent vers le haut, les blés français résistent
Face à cette demande importante, les exportateurs russes ont du mal à acheter face à des vendeurs à l’intérieur des terres qui ne sont pas pressés de vendre. En conséquence, les prix des blés mer Noire ont encore fortement grimpé cette semaine, le blé russe à 12,5 % de protéine se rapprochant de 210 $/t Fob, en hausse de 7 $/t sur la semaine.
Cela a tiré les autres origines vers le haut, les blés français notamment jusqu’au milieu de la semaine. Néanmoins, les chargements français n’ont pas été très importants ces derniers jours d’une part. D’autre part, à l’exception de l’Algérie, les achats cités ci-dessus concernent surtout des blés à plus de 12 % de protéine et vont donc se reporter surtout sur les blés du centre de l’UE, allemands ou baltes mais pas les blés français. Ainsi, après un pic à 180,75 €/t le 21 octobre l’échéance décembre d’Euronext a-t-elle abandonné 1 €/t jeudi et se positionne à 179,75 €/t à l’heure de rédiger cette chronique. Les blés rendu Rouen se retrouvent ainsi en légère baisse (-1 €/t) à 173,75 €/t (base juillet).
Les orges fourragères soutenues par des chargements vers l’Arabie
En orge, contrairement au cas du blé, les chargements ont été importants au cours de la dernière semaine, avec 51 000 tonnes d’orge fourragère partant pour l’Arabie et presque 40 000 tonnes d’orge de brasserie se dirigeant vers la Turquie, le Mexique et dans une moindre mesure vers les Pays Bas.
L’activité à l’export a soutenu les prix jusqu’à maintenant, poussant les orges fourragères françaises jusqu’à 194 $/t Fob Rouen, soit environ 172 €/t rendu Rouen en base juillet (+5 €/t par rapport à la semaine dernière).
Pas de nouvelle vente toutefois cette semaine et l’ampleur des disponibilités devrait vite venir stopper cette hausse.
Sur le segment brassicole, l’offre est importante en orge de printemps car, comme nous le mentionnions la semaine dernière, certains industriels acceptent d’utiliser des orges à faible taux de protéine. Cette offre élevée se reflète sur les prix des orges de printemps qui chutent de 3 €/t cette semaine (à 158,5 €/t F Creil base juillet) alors que les prix d’hiver gagnent 1 €/t à 162 €/t. Les orges d’hiver valent plus cher que les orges de printemps mais cela est dû à la faiblesse en protéine des orges de printemps.
Les maïs du centre-est UE compriment les prix
Le marché européen du maïs se retrouve actuellement sous l’afflux de l’offre du centre et du sud-est de l’UE où les rendements sont excellents et les prix bas. La récolte ukrainienne arrive aussi sur le marché et s’annonce bonne même si le record de l’an passé ne sera pas atteint. Dans ce contexte où les maïs mer Noire viennent concurrencer ceux de l’ouest européen (où les rendements sont nettement moins brillants), le maïs français repart à la baisse cette semaine. La cotation Fob Rhin descend de 2 €/t à 165 €/t (base juillet) et celle du Fob Bordeaux abandonne 1,5 €/t à 164,75 €/t (base juillet).
Sur le marché mondial, la Corée serait revenue aux achats cette semaine, pour la première fois depuis que la grippe porcine a été annoncée dans ce pays. Par ailleurs, les maïs ukrainiens sont en train de gagner en compétitivité suscitant l’intérêt de la Chine et de plusieurs pays du pourtour méditerranéen. Cela se produit aux dépens des maïs sud-américains dont le prix a monté après des ventes très soutenues au cours des derniers mois. Cette activité d’une part et les incertitudes qui demeurent encore en ce qui concerne la taille de la récolte US d’autre part, devraient empêcher les prix de descendre beaucoup sur le marché mondial.
Le colza confirme son recul
Alors que la récolte se poursuit dans les prairies canadiennes et s’approche de la fin, les cours du colza en France accusent le coup suite à cet afflux de marchandises sur le marché. En effet, le prix du colza recule de 4 €/t à Rouen cette semaine, et même de 5 €/t en Fob Moselle. Les champs canadiens qui ne sont pas encore récoltés sont pour la plupart déjà en andains et prêts à être fauchés. Par ailleurs, les conditions météorologiques s’annoncent peu humides d’ici la fin du mois, ce qui pourrait permettre d’achever les moissons dans un temps relativement court. Les craintes de voir des champs bloqués sous la neige, et impossibles à récolter d’ici le printemps 2020, s’éloignent de plus en plus. Les retours de récoltes indiquent par ailleurs de bons voire très bons rendements dans les provinces de l’ouest canadien. Les disponibilités canadiennes exportables vers l’UE sont donc meilleures que prévu, ce qui pèse sur le prix des graines européennes. De bonnes conditions climatiques pour les plants de colza semés à l’été 2020, les pluies récentes ayant permis une nette amélioration de l’humidité des sols dans l’UE, ainsi que la fin des semis en Ukraine (en hausse par rapport à l’an passé) ont également contribué à un essoufflement des cours.
Enfin, le prix de l’huile de colza est en retrait cette semaine (-20 €/t à 810 €/t à Rotterdam), les industriels du secteur biodiesel étant plutôt bien couverts actuellement, les pertes sur la récolte de colza les ayant conduits à anticiper leurs achats de couverture pour l’hiver plus tôt que d’habitude.
A contrario, le prix du baril de pétrole est en hausse cette semaine, suite à une baisse des stocks de brut aux USA, ce qui soutient le cours de l’huile de palme. Cela a limité la baisse du prix du colza sur le marché français.
Semaine neutre pour le soja
Après quelques semaines mouvementées, le prix du soja se stabilise cette semaine sur le marché de Chicago (+0,5 $/t pour les échéances novembre 2019 et janvier 2020). Le cours a bénéficié d’un soutien via l’annonce d’exportations du soja US à un niveau plutôt élevé sur la semaine du 10 au 17 octobre (1,4 million de tonnes, contre moins de 1 million de tonnes la semaine précédente). À l’opposé, l’accélération des récoltes de soja dans le Midwest américain, associée à des prévisions météorologiques favorables à l’avancement des moissons sur les prochains jours a plutôt pesé sur les prix. Après un début de période de semis trop sec au Brésil, la situation semble s’être récemment améliorée, et le retard accusé jusque-là est rattrapé. Cela a aussi limité toute velléité de rebond des prix.
Le tourteau de soja voit son prix peu évoluer sur la semaine (-1 $/t) : il se stabilise à un niveau d’environ 15 $/t supérieur à son prix d’avant l’annonce d’un accord commercial imminent entre la Chine et les USA. Cet accord entérinerait des flux de soja plus soutenus vers la Chine, ce qui laisserait moins de disponibilité pour la trituration de soja et la production de tourteau aux US – ce qui soutient le prix du tourteau.
En France, en revanche, le cours du tourteau reprend 6 €/t cette semaine à Montoir, effaçant la chute conjoncturelle de la semaine dernière. Ce recul était lié à l’absence d’acheteurs sur le marché européen, la plupart d’entre eux participant à la Bourse Européenne des Céréales.
Le prix du pois fourrager rebondit à la suite du tourteau de soja : il augmente de 3 €/t en départ Marne.
Cours reconduits pour le tournesol
Peu de mouvement sur le marché du tournesol. La récolte est presque terminée en mer Noire, et les rendements s’avèrent encore une fois très bons cette année. Ces bons résultats empêchent tout rebond du prix du tournesol, comprimé par une abondance de disponibilités. Une bonne demande en huile de tournesol sur le marché mondial évite toutefois une chute des prix. Les cours à Saint-Nazaire sont inchangés (à 325 €/t) et en Mer Noire (330 $/t Fob).
À suivre : négociations commerciales US-Chine, Brexit, récolte de maïs en Ukraine et aux USA, achats de l’Iran en blé, récolte de soja aux USA, compétition blé/maïs en alimentation animale, récoltes de canola en Australie et au Canada, et de tournesol en mer Noire, conditions de culture pour le colza d’hiver (Europe et Mer noire)