Restructuration
La grande distribution cherche son salut

L’annonce par Casino de la cession des murs de 26 de ses hyper- et supermarchés met en lumière l’obligation pour la grande distribution d’investir pour rendre plus rentables ses points de vente, dans un contexte de bouleversement de la consommation.
Le groupe stéphanois va vendre les murs de treize « Géant Casino », trois « Hyper Casino » et dix « supermarchés Casino », principalement situés en province dans des « zones historiques du groupe ». L’argent récolté permet d’atteindre le 1,5 milliard d’euros du plan de cession d’actifs non-stratégiques, fixé en juin 2018 afin de désendetter le groupe.
Sortir de l’ornière
Les six hypermarchés, dont la vente pour un peu plus de 100 millions à des adhérents Leclerc a été annoncée samedi, comptaient « parmi les moins performants ». Pour Vincent Gusdorf, de l’agence Moody’s, « vendre des hypermarchés en perte va légèrement améliorer la profitabilité », mais « la structure actionnariale de Casino reste fragile ».
Toute la grande distribution veut réorganiser son parc de magasins pour sortir de l’ornière au moment où les Français ont tendance à bouder les grandes surfaces. Selon une enquête de l’Obsoco, Observatoire société et consommation, sur les dix-sept formats de magasins alimentaires présents en France, « le commerce de précision » s’affirme face à la distribution de masse.
Les formats segmentants marquent des points
Les hypermarchés et supermarchés restent certes les plus fréquemment et massivement fréquentés par les Français, mais « la dynamique de fréquentation est clairement orientée en faveur de formats commerciaux les plus segmentants » : marchés, petits producteurs, artisans, magasins bio…
Ce sont ces formats-là qui bénéficient des meilleures appréciations des 3 624 personnes interrogées pour cette étude, précise le cofondateur de l’Obsoco, Philippe Moati : « La fuite de la clientèle des hypermarchés s’explique parce que ces grandes surfaces ne sont pas aussi pertinentes en termes de valeur ni d’offre. »
« Avancer masqué »
« Les enseignes doivent changer et aller vers de nouveaux formats, insiste Philippe Moati, quitte à avancer masqués, comme Casino avec Naturalia », une enseigne bio qui appartient à Monoprix, elle-même filiale du groupe Casino.
Pour lui, « l’idée selon laquelle toute l’offre doit être présente sous un seul toit est limitée : il ne s’agit plus d’aller vers une extension du choix pour le client, mais vers une pertinence qui répond à ses attentes particulières ».
La concurrence désormais en ligne
« Tous les distributeurs s’interrogent face à la pression concurrentielle et à celle du commerce en ligne : ont-ils trop de magasins ? » souligne pour sa part Yves Marin, consultant au sein du cabinet Bartle.
Faut-il plus de magasins différents ? Faut-il revoir leur couverture géographique ? Telles sont les questions qui viennent après ce constat sur le nombre de magasins : la France compte environ 2 000 hypermarchés et 10 000 supermarchés.
Auchan change de raisonnement
Auchan a ainsi revu « son organisation par bassins géographiques », explique Yves Marin : au lieu de raisonner en types de formats (supermarché/hypermarché/proximité), le groupe nordiste a choisi de raisonner en zone de population.
Cette adaptation est mieux réussie par le commerce associatif : « quand les temps sont tendus, c’est le commerce intégré qui a du mal, au contraire du commerce associatif (Leclerc, Système U, Intermarché) », plus souple de par sa structure, dit Yves Marin.
Cessions en vue
L’exemple de Casino est quelque peu à part, précise-t-il, car le groupe « n’a jamais développé sa branche hypermarché », pour se concentrer sur le numérique, avec Cdiscount, et la proximité, avec Monoprix et Franprix.
La tendance est à la cession de ces formats inadaptés aux nouvelles tendances de consommation : Carrefour, qui poursuit sa politique de réduction de ses surfaces de vente pour les rendre plus rentables, a ainsi transféré cinq hypermarchés en location-gérance après avoir cédé ses magasins ex-Dia.