À l’occasion d’une conférence de presse organisée le 16 février 2021, la Fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles (FRSEA) de la Bretagne a fait le point sur la validité des méthodes utilisées pour rechercher le glyphosate dans les urines humaines (test Élisa et méthode par chromatographie) en sollicitant l’expertise d’un scientifique.
En effet, faisant suite aux campagnes de tests réalisées par plusieurs ONG et collectifs de citoyens en France, des agriculteurs du Morbihan et du Finistère avaient décidé de réaliser des tests selon la méthode par chromatographie et/ou selon la méthode Élisa. Dans l’Indre-et-Loire aussi, un groupe d’agriculteurs, de journalistes et d’élus avaient réalisé des tests croisés dans différents laboratoires en mobilisant les deux méthodes.
D’une manière générale, les résultats montrent de forte disparité selon la méthode utilisée et toujours plus de positivité pour le test Élisa. La chromatographie ne détectait pas ou bien à des concentrations très faibles le glyphosate. Ces résultats interrogent donc les agriculteurs mais aussi une partie de la communauté scientifique.
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Un défaut de spécificité pour le test Élisa
Selon Joël Guillemain, pharmacien toxicologue, la méthode par chromatographie fait référence. En effet, il s’agit d’une technique sensible et spécifique, ce qui veut dire qu’elle retrouve bien et spécifiquement la substance recherchée, ici le glyphosate. Elle présente l’inconvénient d’être plus complexe à mettre en œuvre et d’être, en général, plus chère.
À l’inverse, les tests Élisa se basent sur la recherche d’anticorps, dont la spécificité est moins garantie. « On peut ainsi lui reprocher de réagir à d’autres substances que celle recherchée », souligne le scientifique. Ainsi, de nombreux laboratoires, dont Abraxis lui-même (le concepteur du test Élisa) recommandent de confirmer un test positif Élisa par une autre méthode plus spécifique, notamment celle par chromatographie.
Des seuils de détection différents entre l’eau et l’urine
De plus et selon Joël Guillemain, les écarts de positivité entre les tests réalisés par les collectifs et ceux des agriculteurs peuvent s’expliquer par une déviation de leur interprétation.
En effet, Abraxis avait initialement mis au point son test Élisa pour l’eau et l’a par la suite validé pour l’urine, avec cependant quelques points de vigilance et, en tout état de cause, dans « un objectif de recherche et non de diagnostic ». Par ailleurs, les seuils de détection pour l’eau et pour l’urine ne sont pas les mêmes, celui de l’eau étant bien plus faible (0,075 μg/l contre 0,6 μg/l pour l’urine filtrée). Ainsi, plus le seuil de détection est bas, plus la probabilité de retrouver des tests positifs est élevée. Le scientifique soulève le problème de l’utilisation du seuil de détection de l’eau « alors que les analyses sont réalisées sur l’urine, un non-sens absolu », souligne-t-il.
L’expert s’interroge enfin sur la validité du protocole utilisé par le laboratoire allemand Biocheck (prestataire unique des ONG). Pour valider la corrélation entre la méthode Élisa et la méthode par chromatographie, ce laboratoire s’est reposé sur une étude qui interroge le spécialiste, notamment un échantillon d’urine trop faible et dont les critères de sélection ne sont pas clairement expliqués.
L’importance de passer à l’action
En définitive, sur les 52 études analysées par l’expert, 31 reposaient sur de la chromatographie dont seulement une avec des détections de glyphosate. Les 21 autres études ont été réalisées avec la méthode Élisa : 19 d’entre elles présentaient des détections, dont 17 à 100 %. « Cela démontre la surévaluation d’Élisa et confirme les résultats des tests croisés des agriculteurs », indique Joël Guillemain.
Selon les représentants de la FRSEA, c’est une information importante à relayer, dans la perspective du renouvellement de la molécule en 2022. Dans un contexte de changement climatique, l’amélioration du bilan carbone pourrait être un argument supplémentaire à faire valoir auprès des pouvoirs publics.
Le glyphosate est-il dangereux ?
Selon Joël Guillemain, comme tout produit chimique, c’est la notion de risque qu’il faut prendre en compte, à savoir évaluer la dangerosité et la probabilité d’être exposé. Ce risque va varier selon les pratiques, dont le respect des précautions d’utilisation.
En France, une étude sur un échantillon représentatif de femmes enceintes utilisatrices et non utilisatrices de glyphosate avaient montré un taux de positivité de 43 % pour les premières et de 0,3 % pour les deuxièmes, avec, dans tous les cas, des concentrations maximales de 0,7 μg/l (méthode par chromatographie). Des taux et des concentrations faibles, selon le scientifique qui rappelle une donnée de l’Anses : 1 μg/l correspond à 1 % de la dose journalière admissible.
Le scientifique estime que le glyphosate n’est pas le produit le plus dangereux mais « c’est un totem et les études toxicologiques (nombreuses) amènent à des divergences de points de vue selon les établissements, notamment sur les risques cancérologiques ».