L’année 2018 est dans la droite lignée de ses prédécesseurs. Pression sociétale oblige, certains retraits de produits phytosanitaires semblent parfois arbitraires, ou ne laissent pas toujours le temps de trouver des alternatives. Si en matière de phytos, on pense d’emblée au glyphosate, au 1er septembre dernier, c’est le retrait définitif des néonicotinoïdes qui est entré en vigueur. Il s’agit d’une des mesures phares de la loi biodiversité de 2016, impactant des cultures, au rang desquels les céréales, la betterave ou encore le maïs, sur lequel on n’a désormais plus de solutions pour lutter contre les mouches.
Une tendance lourde
Certes, au niveau européen, trois molécules de cette famille (imidaclopride, clothianidine et thiaméthoxame) sont également interdites depuis le 19 décembre, excepté pour les usages sous serre. Mais en France, cinq substances sont concernées, et pour tous les usages (décret du 1er août 2018). Il s’agit de l’acétamipride, de la clothianidine, de l’imidaclopride, du thiaclopride et du thiaméthoxame.
« Nous demandons son annulation car il est contraire au droit européen, rappelle Eugenia Pommaret, directrice générale de l’UIPP (1), au sujet du décret. Un État membre ne peut pas décider du retrait d’une autorisation de mise sur le marché d’une substance active », mesure qui doit être prise au niveau communautaire. La demande de l’UIPP sera jugée par le Conseil d’État d’ici à quelques mois.
Aller toujours plus loin
Le gouvernement, qui souhaite aller toujours plus loin, a même prévu l’interdiction prochaine de deux autres substances actives au mode d’action « identique » : le sulfoxaflor et le flupyradifurone. Si pour les néonicotinoïdes, les États membres obtiennent des dérogations pour une période limitée et un problème donné, la France, quant à elle, a décrété qu’elle n’en donnerait pas, et ne respecte pas à ce titre le règlement européen.
Pourtant, dans l’Hexagone, la loi indiquait que des dérogations à l’interdiction pouvaient être accordées, et ce d’autant plus que les rapports de l’Anses ont mis en avant des impasses. Toutefois, à ce jour, aucune n’a été concédée. À noter qu’il semble que le ministère de l’Agriculture donne de moins en moins de dérogations 120 jours, et particulièrement pour les grandes cultures et les produits conventionnels.
Mais la liste des interdictions ou restrictions d’utilisation est potentiellement bien plus large, et peut évidemment se justifier par des impacts potentiels sur l’environnement ou la santé. Dernièrement, le métam-sodium a ainsi été retiré sans délai de grâce. Notamment lié à des intoxications dues à l’emploi de la substance dans de mauvaises conditions, ce retrait laisse les producteurs sans réelles solutions. Autre exemple, les nouvelles conditions d’emploi du prosulfocarbe, un herbicide utilisé sur céréales, dans le but de respecter les limites maximales de résidus (LMR) sur les cultures avoisinantes (les pommes, le cresson…).
Les SDHI, fongicides employés sur céréales, ont de leur côté été mis en cause en avril. Selon un collectif de scientifiques, ils pourraient être responsables de différentes pathologies. Cependant, l’Anses, qui a mis en place un groupe de travail, a rappelé que « les SDHI ont fait l’objet d’une évaluation de leur toxicité pour les mammifères (dont génotoxicité et cancérogénicité), ainsi que des risques potentiels que présentent leurs usages ».
Le cuivre en sursis
Comme tous les types d’agricultures utilisent des pesticides, le cuivre a lui aussi fait l’objet d’âpres discussions puisqu’il peut être néfaste sur les communautés microbiennes et la faune des sols. Il vient finalement d’obtenir une réautorisation pour sept ans au niveau européen, à la dose de 4 kg/ha/an, mais il faudra d’ici là lui trouver un remplaçant.
Dans ce contexte, la version « II + » du plan Ecophyto va voir le jour avec pour principal axe une agriculture moins dépendante aux pesticides. Néanmoins, selon l’UIPP, le plan était censé répondre à la directive européenne qui demandait « seulement » une réduction des risques et des impacts. Par ailleurs, la commission Pest, du Parlement européen, propose de renforcer la confiance dans la procédure européenne d’autorisation, mais également « de ne plus tolérer les substances actives synthétiques ».
Face à ces attaques, la FNSEA a fêté le 14 novembre les un an de son contrat de solutions. En partenariat avec 40 partenaires (organisations agricoles et de recherche), il porte sur l’ensemble des leviers qui réduiront l’utilisation et l’impact des produits phytosanitaires (agronomie, biotechnologies, agriculture numérique, robotique et agroéquipement, biocontrôle…).
Bayer absorbe Monsanto
Près de deux ans après l’annonce de ses fiançailles avec Monsanto, l’allemand Bayer a commencé en juin 2018 l’intégration du géant américain. Il a fallu attendre le feu vert des autorités de la concurrence, notamment celles des États-Unis en mai et de la Commission européenne en mars, pour parachever ce « mariage du siècle ». L’entreprise gardera son nom et supprimera la marque Monsanto. Les marques des produits vendus, elles, ne changeront pas.
Afin d’absorber Monsanto, Bayer a dû se séparer de nombreuses activités et actifs comme, par exemple, l’activité mondiale de glufosinate-ammonium (herbicide non sélectif Liberty link, concurrent du glyphosate), certaines activités semences (recherche et sélection sur le colza, plate-forme de recherche et développement sur le blé hybride, semences potagères), une plate-forme sur l’agriculture numérique… BASF a saisi cette opportunité pour racheter au total 7,6 milliards d’euros d’actifs de Bayer.