Les prix des céréales s’affaissent cette semaine mais c’est le contraire pour le colza, soutenu par les huiles.
Fléchissement des prix du blé
Après quatre semaines de hausse, le prix du blé a fléchi ces derniers jours, abandonnant 1 €/t, à 178,75 €/t rendu Rouen. À l’arrière de ce fléchissement, sans doute le fait que le blé français n’a pas été retenu par l’Égypte lors de son dernier achat au début de la semaine ; c’est la Russie qui l’a emporté seule, pour une vente de 235 000 tonnes. En revanche, l’Algérie a acheté 500 000 tonnes hier et le blé français a de bonnes chances de figurer parmi les origines qui serviront ce pays. Néanmoins, la concurrence argentine est forte et la France devra sûrement partager une part de ce gâteau. L’arrivée imminente des blés argentins sur le marché et la légère dégradation de la compétitivité française ont donc probablement suscité le petit décrochage des prix de cette semaine.
Pourtant, ce sont plutôt des nouvelles haussières qui ont, par ailleurs, marqué le marché au cours des derniers jours : la récolte australienne a été une nouvelle fois revue à la baisse par l’organisme officiel Abares aux alentours de 15 millions de tonnes. Au Canada, l’office de la statistique Statcan a publié aujourd’hui sa nouvelle estimation de la récolte de blé et celle-ci est plus basse que la précédente.
Les prix russes repartent en hausse
Enfin, faisant suite à la légère remontée de leur compétitivité, les blés russes ont vu se raviver la demande qui leur est adressée alors que leurs stocks de blé sont bas. La réponse ne s’est pas fait attendre : les prix russes sont repartis rapidement à la hausse, grimpant de 2 $/t cette semaine pour la qualité à 12,5 % de protéines, après une période de stabilité au cours des deux semaines qui avaient précédé. L’Iran, qui refait surface actuellement sur le marché mondial avec de forts besoins d’importation (environ 2 millions de tonnes), a déjà contracté une petite dizaine de bateaux de blé russe. Vu la complexité pour les opérateurs, d’obtenir des financements pour les ventes à ce pays, il est probable que la Russie soit le seul — ou l’un des seuls pays — qui servira l’Iran cette campagne.
L’Asie du Sud-Est n’est pas en reste : la Thaïlande vient d’acheter environ 60 000 tonnes de blé et l’Europe pourrait figurer parmi les origines possibles.
Finalement, les échanges mondiaux demeurent dynamiques et la demande reste forte sur le marché mondial. Même si l’intérêt des blés français connaît un petit accès de faiblesse, l’orientation générale du marché mondial reste à la hausse.
Les orges fourragères s’affaissent
Contrairement à la semaine dernière, le prix des orges fourragères a chuté de 2 €/t, à 162,25 €/t rendu Rouen. Cette baisse accompagne aussi celle des orges argentines dont la récolte s’approche et celles des orges russes dont les disponibilités sont encore très amples. Ces dernières sont moins chères que les françaises et la pression mondiale commence à peser sur les prix de l’Hexagone. La Turquie vient de lancer un appel d’offres pour 300 000 tonnes d’orge et ses besoins sont élevés. Néanmoins, le bilan mondial de l’orge reste très lourd.
Sur le segment brassicole, les prix ont légèrement grimpé de 1 €/t aussi bien pour les orges d’hiver, à 161 €/t Fob Creil, que pour les orges de printemps, à 162 €/t. À cause des difficultés concernant les semis d’hiver, les prix des orges d’hiver brassicoles pour la récolte de 2020 ont grimpé un peu plus fortement (+2 €/t, à 173 €/t).
Le maïs baisse aussi
Le maïs suit le mouvement général de baisse et abandonne 1 €/t Fob Rhin (à 166 €/t) et sur la façade atlantique (–1 €/t, à 164,75 €/t Fob Bordeaux). Malgré le retard persistant des opérations de récolte qui empêchent les flux français de démarrer comme c’était prévu vers l’Espagne, les prix sont affectés à la baisse par des importations qui restent fortes dans l’UE. Le flux en provenance du Brésil est en train d’être relayé par un flux de maïs ukrainien, qui est compétitif.
Le soja sort d’une longue phase de baisse
Les prix de la graine de soja étaient orientés à la baisse sur le marché mondial au cours des dernières semaines. En effet, le retour des pluies au Brésil a permis de combler le retard des semis dans le Mato Grosso et le Paraná. Les perspectives météorologiques préservent pour le moment le potentiel de récolte record à l’échelle du pays. Par ailleurs, les producteurs argentins sont au taquet pour vendre leur récolte à venir, face au risque d’un changement éventuel de la politique d’exportation lorsque le nouveau gouvernement va prendre ses fonctions, le 10 décembre prochain.
Enfin, les relations sino-américaines étaient restées enlisées ces dernières semaines, l’administration américaine ayant officialisé son soutien aux manifestants de Hong Kong actuellement en conflit avec le gouvernement chinois. L’issue du différend commercial entre les deux puissances demeure toujours incertaine. Néanmoins, les développements des derniers jours suscitent un peu d’espoir parmi les opérateurs à la suite des déclarations du ministre chinois du Commerce qui a annoncé que les discussions se poursuivaient bien malgré les embûches. Il n’en n’a pas fallu plus pour le soja remonte à Chicago ces derniers jours de 2 $/t (à 326 $/t) et que cela pousse aussi les tourteaux de soja en hausse de 8 $/t sur ce même marché US, à 333 $/t. En Amérique du Sud, la tendance est à la hausse aussi pour les tourteaux car les disponibilités en graines s’épuisent au Brésil et la production de tourteau est inférieure à la demande sur la fin de l’année 2019.
En France malgré tout, les tourteaux ne reflètent pas encore cette remontée des valeurs mondiales : ils ont continué de baisser cette semaine et perdent 4 €/t, à 326 €/t à Montoir en raison de bonnes marges pour les triturateurs qui encouragent une forte production sortant des usines. Cela empêche aussi le prix des pois de remonter, stable, à 202 €/t départ Marne.
Le colza rebondit
Avec une hausse des prix mondiaux des huiles végétales et une demande dynamique en huile de colza sur l’hiver dans l’UE (pour le secteur du biodiesel), les cours du colza progressent encore. Ils sont poussés aussi par des conditions climatiques qui ne sont pas idéales pour le développement des cultures de colza dans l’UE pour la moisson de 2020 (temps trop humide à l’ouest de l’UE et trop sec à l’est). Le colza français gagne ainsi 4 €/t, à 392 €/t rendu Rouen et 400 €/t Fob Moselle. Les prix français sont soutenus aussi par l’évolution des prix mondiaux : le canola canadien s’apprécie de 2 $/t cette semaine, poussé par les huiles végétales. La forte demande en huiles du marché asiatique est le principal moteur de la hausse. C’est l’huile de palme qui voit ses cours progresser le plus : l’écart de prix de l’huile de palme avec les huiles concurrentes s’est ainsi fortement resserré, ce qui a redonné de l’attractivité à ces dernières, dont l’huile de colza. À cela s’est ajouté une demande dynamique en huile de colza sur décembre/mars pour la production de biodiesel.
Par ailleurs, les importations de colza dans l’UE sont plutôt plus basses que prévu en raison d’une moindre attractivité du colza dans les lignes de trituration au profit du soja. Toutefois, avec un besoin en huile de colza qui demeure soutenu dans l’UE par les besoins de l’industrie du biodiesel, la consommation industrielle de colza ne diminue pas autant que les importations. Cela conduit à fragiliser un peu plus le bilan de colza de l’UE.
Le cours du tournesol demeure soutenu, stable par rapport à la semaine dernière, à 345 €/t rendu Saint-Nazaire. La bonne demande en huile de tournesol, toujours bien placée par rapport à ses concurrentes, continue de soutenir la graine.
À suivre : fin des semis de blé en France, compétitivité des orges et des blés français, récolte de maïs en Europe, relations diplomatiques sino-américaines, demande en huiles végétales, politique d’export en Argentine