L’Anses, Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments, a publié le 28 novembre 2019 un état des lieux « inédit » de l’utilisation en France de variétés de colza et tournesol rendues tolérantes aux herbicides (VRTH) par « sélection variétale traditionnelle ou par mutagenèse aléatoire ». Ces variétés ne sont « pas soumises à une évaluation des risques avant leur mise sur le marché et, à ce jour, il n’existe aucun suivi obligatoire de ces semences ».
Cet avis fait suite à la saisine de l’Agence en mars 2015 par le ministère de l’Écologie. « Il s’inscrit dans un contexte plus large de débat sur l’utilisation des biotechnologies en agriculture et d’un arrêt sur les organismes issus de mutagenèse de la Cour de justice de l’Union européenne susceptible d’avoir des répercussions sur le cadre réglementaire », souligne l’Anses.
Risques de développement de résistances
Après analyse des pratiques culturales, l’Anses identifie « des risques de développement de résistances des adventices aux herbicides et in fine d’augmentation de l’utilisation d’herbicides par rapport à des cultures classiques. » Des risques déjà mis en avant dans le rapport d’expertise collective Inra-CNRS de 2011.
Les parcelles enquêtées cumulent en effet trois facteurs de risque, selon l’Anses :
- La pratique de rotations culturales courtes ;
- L’application d’herbicides de la même famille des inhibiteurs de l’ALS (acétolactate synthase), pour les oléagineux et les céréales pour le désherbage ;
- L’utilisation d’herbicides sur parcelles VRTH qui restent similaires aux parcelles sans VRTH.
L’Anses souligne toutefois « qu’aucun effet n’a pu être observé à ce jour à partir des données étudiées ».
Absence de traçabilité
L’Agence pointe également l’absence de traçabilité de l’utilisation de ces semences faisant obstacle à l’évaluation de leurs impacts sur les plans agronomique et sanitaire, « Par exemple, il n’existe pas de liste provenant des catalogues officiels français ou européen des variétés permettant d’identifier de manière fiable et officielle les variétés VRTH cultivables en France », relatent les auteurs du rapport.
Surveiller les effets indésirables
L’Anses ajoute que « les limites relatives à la quantité et à la qualité des données collectées ne permettent pas de statuer sur les effets indésirables potentiels et de conduire une évaluation des risques. Mais elle recommande de mettre en place un dispositif de suivi afin de surveiller les éventuels effets indésirables liés aux VRTH. L’objectif de ce dispositif est d’améliorer les connaissances sur les pratiques culturales associées et d’augmenter la surveillance des résidus des substances herbicides associées aux VRTH.
190 000 ha concernés
Selon l’Anses, en France, sont principalement utilisées depuis une dizaine d’années, les variétés de tournesol et de colza auxquelles a été conférée une tolérance aux herbicides de la famille des inhibiteurs de l’ALS. Les surfaces cultivées avec des VRTH oléagineuses représentaient en 2017, 27 % des surfaces de tournesol, soit environ 160 000 ha, et 2 % des surfaces de colza, soit environ 30 000 ha.
Toutefois « ces surfaces de tournesol et de colza VRTH auraient atteint un palier depuis 2017 », remarque-t-elle. Pour rappel, un plan national d’accompagnement de la mise sur le marché des VRTH a été mis en place en 2012 par les industriels et les professionnels agricoles.
Le rapport rappelle aussi le « clivage entre opposants à l’usage des VRTH, qui soulignent le risque d’utilisation accrue d’herbicides et l’absence de transparence et de traçabilité de l’utilisation de ces variétés, et partisans des VRTH, qui les considèrent comme une solution agronomique permettant de désherber en fonction des adventices présentes dans les parcelles et de pratiquer ainsi un emploi raisonné des herbicides chimiques ».
« Points habituels de vigilance », selon Marre des Faucheurs
Le collectif « Marre des faucheurs », partisan des VRTH, a justement réagi à l’avis de l’Anses dans un communiqué paru le 28 novembre. Il fait remarquer que le rapport de l’Anses « indique expressément qu’il n’y a aucun effet indésirable observé d’après les données de surveillance disponibles ».
Concernant les points de vigilance quant à l’utilisation des solutions VRTH mis en avant par l’Anses, Marre des Faucheurs constate « qu’il s’agit de points habituels de vigilance liés à l’utilisation de produits phytosanitaires ou des médicaments ». Et de rappeler que « le risque d’apparition de résistance n’est pas spécifique à la culture de VRTH ».
La Confédération paysanne dénonce «l’opacité» sur les impacts
De son côté, la Confédération paysanne et sept autres signataires d’un communiqué estiment que cet avis de l’Anses « n’est pas de nature à éclairer les décideurs », le Conseil d’État n’ayant toujours pas rendu sa réponse. « Cet avis confirme que l’opacité est toujours de mise quant aux impacts des herbicides sur la santé et l’environnement, aux contaminations génétiques et aux modes d’obtention de ces variétés », jugent les opposants aux VRTH qui demandent « la suspension immédiate de l’autorisation de culture de toutes les VRTH ».
« Baisse du recours aux produits phytos » selon BASF
Dans un communiqué paru le 2 décembre, BASF se réjouit qu’il n’y ait pas de « remise en cause » des VRTH. La firme qui commercialise l’herbicide Imazamox utilisé sur les VRTH estime que « la restitution de l’Anses montre en réalité l’échec de la stratégie de la Confédération Paysanne visant à faire interdire les cultures ».
BASF prend note « de la poursuite de la gestion durable du mode d’action « inhibiteurs de l’ALS ». Toutefois, ce raisonnement n’est en rien spécifique au système de production VRTH, mais doit se faire à l’échelle de la rotation culturale, y compris sur les cultures non VRTH. »
Et de répondre : « Contrairement à ce qu’avance la Confédération paysanne sans preuve, les observations relevées sur le terrain et transmises à l’Anses montrent que les VRTH permettent de baisser le recours à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques ». BASF précise enfin qu’il « n’y a pas de formaldéhyde dans les formulations utilisées par les agriculteurs », contrairement à ce qu’avance la Confédération paysanne.
Pour ou contre, mais les VRTH augmentent bel et bien la dépendance aux pesticides, sans parler
de la dangerosité .
Difficile de croire que c'est une solution d'avenir !!!