"Depuis 2012, le tri et la valorisation des biodéchets via des filières adaptées, de compostage ou de méthanisation essentiellement, sont obligatoires pour les entreprises qui génèrent des quantités importantes, telles que les industries agroalimentaires et celles de la distribution (GMS), explique François Doussin, le président du Syprea. La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (loi Agec), oblige les professionnels produisant plus de 5 tonnes par an de biodéchets à les trier et à les valoriser, depuis le 1er janvier 2023. Cette obligation sera étendue à l’ensemble des professionnels et des particuliers au 31 décembre 2023."

Enlever de la tension sur les marchés

"Les biodéchets issus des GMS et de la restauration représentent environ 2 millions de tonnes par an, dont la moitié est collectée aujourd'hui, observe-t-il. À cela s’ajoutent les déchets de l’industrie agroalimentaire pour 3 millions de tonnes. Le marché des particuliers qui va s'ouvrir en 2024 représente 6,26 millions de tonnes par an : 5 millions de tonnes de déchets alimentaires et 1,26 million de tonnes de déchets des espaces verts. La valorisation de l’ensemble des déchets organiques (boues de station d'épuration, biodéchets et déchets verts) permettrait de produire 70 000 à 95 000 tonnes d'azote par an (et autant en phosphore), issus du compost ou de la méthanisation via le digestat."

"Environ 5 000 exploitations agricoles, soit 350 000 hectares pourraient bénéficier de ces amendements dont la valeur agronomique est reconnue : apports d'éléments fertilisants, meilleure structure et portance du sol, vie biologique du sol favorisée... On ne pourra pas remplacer tous les engrais minéraux, mais le recours à la fertilisation organique, même si cela représente peu, retire de la tension sur un marché sous pression. Depuis la guerre en Ukraine, le coût des engrais azoté a triplé."

Bonus fiscal

"Nous souhaitons également inciter les agriculteurs à utiliser des fertilisants issus du recyclage organique à travers des leviers économiques et réglementaires, poursuit François Doussin. Un dispositif de bonus fiscal, avec une TVA réduite, permettrait de favoriser l'utilisation de ces matières. Un pourcentage minimal d'éléments fertilisants (azote, phosphore, potassium) d'origine renouvelable dans la part de fertilisation apportée chaque année pourrait également être fixé dans les cahiers des charges de certains labels et normes. Les tarifs d'achat d'injection du biométhane dans les réseaux de gaz devraient aussi être revus à la hausse pour favoriser l'orientation des flux vers la méthanisation."

À chacun de trier

"Pour pérenniser la filière des biodéchets (collecte et traitement), il est nécessaire d’avoir une coordination entre les différents acteurs : producteurs, opérateurs et agriculteurs, estime le président du Syprea. Et même si le tri à la source des biodéchets va devenir obligatoire pour tous, personne ne viendra vérifier les poubelles. Il faut communiquer sur le sens de cette action en faisant preuve de beaucoup de pédagogie pour que chacun fasse l'acte de tri. Il faut expliquer que les biodéchets permettent de produire des fertilisants pour nourrir les sols et aussi de l’énergie. Cette valorisation permettra aussi peut-être de reconnecter les territoires urbains et ruraux entre eux."

(1) La Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement représente l'ensemble de la filière des déchets.