Toujours en mouvement, passant d’une activité à l'autre, Sébastien Péjou donne un peu le tournis à ses parents Yvonne et Michel, qui l’aident encore à la ferme de Meuzac (Haute-Vienne) et dont il a repris l'exploitation en 2016. Depuis son enfance, ce jeune homme de 34 ans aime parler la langue limousine en famille.
Adolescent, il décide de prendre des cours d’occitan pour savoir également le lire et l’écrire. Il passe l’option au bac en candidat libre et obtient 20/20 à l’épreuve de langue vivante régionale. « C’était étrange pour ma mère qui, petite, se faisait punir à l’école quand elle s’exprimait en occitan… »
Dans la foulée, avec une bande d’amis, il crée la Troupe Bat de l’Aile en 2006, dont les membres ont aujourd’hui de 16 à 68 ans. Ensemble, ils écrivent un spectacle tous les deux ans qu’ils jouent ensuite une quinzaine de fois. Repéré grâce à ces représentations, il est engagé à la radio RCF où il anime une émission en occitan pendant neuf ans.
Aujourd’hui, il travaille pour le Groupement des radios associatives libres (GRAL). Chaque mois, il écrit aussi un article en occitan dans le magazine municipal d’informations Vivre à Limoges. « C’est à cette langue que je dois ma double casquette de paysan-journaliste. »
« Au Moyen-Âge, les troubadours ont exporté la langue limousine dans l’Europe entière »
Le bon sens paysan
Avec la troupe, rien de passéiste. Les comédiens abordent en français et en occitan des sujets d’actualité de manière comique et décalée. Le Covid leur a inspiré de savoureuses vidéos visibles sur internet (1). Les spectacles sont construits autour de « gnorles », c’est-à-dire des histoires drôles dans lesquelles toute la richesse de cette langue pleine de nuances peut être exploitée. « Elles seraient moins hilarantes traduites en français. Le but est que les spectateurs voient que nous nous amusons dans la pratique de l’occitan. »
Chaque été, Sébastien participe au festival de l’école du Mont Gargan, groupe d’arts et traditions populaires. Il s’invite de manière impromptue avec son personnage récurrent du père Léonard (2), coiffé d’un chapeau de paille et chaussé de sabots. Il a inspiré son « mosur lo frisat » (monsieur le frisé) dans les pièces de sa troupe.
« C’est le vrai Limousin un peu bourru et critique, doté du bon sens paysan qui va s’étonner de situations qu’il estime absurdes. Ça m’amuse follement de jouer ce personnage qui s'autorise des choses que je ne me permettrais pas de faire dans la vie. Personne ne sait à l'avance ce qu’il va dire, sauf moi. »
C’est ainsi que le père Léonard a osé alpaguer le président du conseil départemental pour le forcer à parler occitan sur scène. Une manière pour Sébastien de se battre pour que l’enseignement de cette langue soit facilité à l’école. « Nous avons oublié qu’au Moyen-Âge, pendant deux siècles, les troubadours ont exporté la langue limousine dans l’Europe entière avec leur célébration de l’amour courtois », rappelle-t-il avec enthousiasme.
(2) NDLR : Sébastien a revêtu sa tenue du père Léonard pour notre photo.