Les prix du blé et du maïs gagnent quelques euros cette semaine à la faveur du retard des semis de printemps aux États-Unis. Loin d’inquiéter vraiment le marché, cette alerte est surtout l’occasion pour certains intervenants de réduire légèrement leurs positions vendeuses sur les marchés à terme. Le complexe oléagineux bénéficie également d’un rebond, principalement dû à la déclaration de Trump rassurant sur la poursuite des négociations commerciales avec la Chine et au retard pris sur les semis américains.
Sursaut du blé
Changement d’humeur cette semaine du côté des États-Unis : l’attention des opérateurs s’est portée sur les plaines de l’est et du centre où les conditions sont très humides et comportent des risques de dégradation qualitative et quantitative pour les blés d’hiver. L’attention s’est aussi portée sur le retard des semis de blé de printemps : ils sont réalisés à 45 % contre 54 % l’an passé à la même date et 67 % en moyenne sur les cinq dernières années. Mais surtout, ce sont les inquiétudes pour les semis de maïs, très en retard, qui ont poussé le blé vers le haut.
Ainsi les prix du blé ont rebondi à Chicago et sur les autres marchés à terme américains entraînant les prix Fob Gulf à leur suite : +5 $/t pour les blés de qualité moyenne SRW, à 201 $/t. Ce sursaut aux États-Unis s’est propagé au blé français qui a gagné 2 $/t Fob Rouen, à 193 $/t, ou 2 €/t, à 167,50 €/t rendu Rouen sur juillet. Mais il a laissé de marbre, ou presque, les origines de la zone de la mer Noire, à 186 $/t Fob pour le blé russe à 12,5 % de protéine.
Le sursaut des prix de la nouvelle récolte a permis à l’ancienne de regagner 1 €/t, à 175 €/t (base juillet). Cette dernière bénéficie aussi du soutien des chargements qui se poursuivent, vers l’Algérie notamment, et de la révision à la baisse du stock français de la fin de la campagne par FranceAgriMer cette semaine.
Des perspectives de production toujours bonnes
Du côté de la mer Noire, les perspectives ne font que s’améliorer pour les blés d’hiver et les semis de printemps progressent bien. Les prévisions de production augmentent donc et les analystes locaux voient maintenant la récolte russe dépasser le niveau de 80 millions de tonnes (Mt) et celle de l’Ukraine monter au record absolu de 30 Mt ! Les conditions climatiques sont parfaites, à l’exception de quelques poches russes (Volga notamment).
En Australie, le bureau de prévision météorologique a confirmé que la probabilité d’El Niño pendant les mois à venir n’était plus que de 50 % au lieu de 70 %. Cela reste plutôt de bon augure pour la récolte prochaine (décembre/janvier) même s’il n’a pas encore plu sur la région occidentale. En revanche, cela n’enlève rien à la tension australienne actuelle (effondrement de la récolte de 2018-2019) qui a poussé le pays à acheter un bateau de blé canadien pour lequel les autorités australiennes ont donné leur autorisation cette semaine.
Dans l’Union européenne, les nouvelles sont positives dans le centre et le sud de l’Allemagne, mais les pluies se font désirer dans l’Est. La fédération des coopératives allemandes a publié sa première estimation à 24,3 millions de tonnes, en hausse de 4 millions de tonnes rapport à l’an dernier.
Avec la baisse des prix, les achats s’accélèrent : l’Algérie a acheté 510 000 tonnes de blé cette semaine lors de son premier achat pour la campagne de 2019-2020, à un prix proche de 210 $/t à destination. Cela laisse supposer qu’une bonne part pourra être servie par des blés français. La Tunisie a acheté 50 000 tonnes à un prix de 200 $/t pour chargement entre le 5 et le 15 juillet. Vu le prix payé, cet achat sera certainement servi par des blés de la mer Noire. À noter enfin la suppression cette semaine par la Commission européenne des droits d’importation appliqués par l’Union européenne à l’éthanol américain.
L’orge reprend son souffle
La Tunisie a acheté de l’orge cette semaine pour un volume de 50 000 tonnes à des prix compris entre 193 et 195 $/t sous forme de deux chargements en origine optionnelle sur septembre-novembre, qui seront assurés par Glencore et COFCO. Les prix annoncés pour cet achat pourraient correspondre à de l’origine française mais l’orge ukrainienne est sur les rangs également.
En tout cas, les orges fourragères françaises se sont appréciées de 3 €/t cette semaine, à 156,75 €/t rendu Rouen sur juillet-août. Elles remontent ainsi juste au-dessus de 180 $/t en position Fob après avoir quelques jours tenté de descendre en dessous de ce niveau. Le marché de l’orge semble avoir trouvé son plancher. Les niveaux cotés actuellement apparaissent déjà bas alors que ni les stocks mondiaux, ni les stocks européens ne vont remonter beaucoup pendant la campagne 2019-2020 (productions en hausse mais demande animale en progression également).
Sur le créneau brassicole, les prix ont baissé au contraire, de 1 €/t pour les orges d’hiver à 171 €/t Fob Creil sur octobre et plus fortement (–4,5 €/t) pour celles de printemps à 184,5 €/t. Les pluies récentes ont été favorables aux cultures et cela pousse les prix vers le bas, dans un contexte où l’on attend une situation confortable en orge de printemps cette année, bien sûr à condition que le climat reste favorable.
Inquiétudes sur les semis américains de maïs
Sur le marché mondial, le maïs a bénéficié d’un sérieux coup de fouet au cours de cette semaine, en raison du retard que prennent les semis aux États-Unis à cause des excès d’humidité. Au début de la semaine, seulement 30 % des maïs étaient semés contre presque le double l’an dernier à la même date (59 %) et 66 % en moyenne des cinq dernières années.
La situation se rapproche de celle de 2013 mais le retard avait été rattrapé en quasiment une semaine. Les travaux s’étaient accélérés à la mi-mai avec 71 % des semis réalisés au 19 mai. Cette année-là, les agriculteurs américains avaient donc semé plus de 16 Mha en une seule semaine ! Il semble difficile de reproduire cette année une telle performance étant donné l’humidité des sols, notamment dans l’est de la Corn Belt.
C’est pour cette raison que nous tablons sur une surface cultivée inférieure à celle estimée par le ministère américain de l’Agriculture, l’USDA, et que nous tenons compte aussi de pertes de rendement possibles à cause des retards d’implantation. Toutefois, même avec ces hypothèses, la production de maïs aux États-Unis pourrait rester supérieure à celle de l’an dernier : 373 millions de tonnes contre 367 en 2018.
Le retard est donc inquiétant mais pas dramatique. Il a conduit en hausse les prix à Chicago et les maïs américains gagnent 5 $/t, à 177 $/t Fob Gulf. Il a tiré dans son sillage les valeurs sud-américaines et ukrainiennes et fait légèrement grimper les maïs français : +2 €/t sur la façade atlantique, à 169,75 €/t Fob Bordeaux) en nouvelle récolte. Ce mouvement haussier devrait cesser rapidement si les semis parviennent à avancer aux États-Unis dans un contexte lourd pour le marché mondial, marqué actuellement par un afflux massif de maïs argentins et une demande en berne à cause de la peste porcine africaine en Asie.
L’ancienne récolte a vu, au contraire, ses prix s’affaisser de nouveau de 2 €/t, à 156 €/t Fob Bordeaux (base juillet), sous la pression des stocks du centre de l’Europe et du manque d’attractivité des maïs français.
Le soja américain rebondit
Alors que les négociations piétinaient, entraînant une nouvelle escalade dans les droits de douane entre États-Unis et Chine, le soja a chuté à la fin de la semaine dernière. La chute s’est poursuivie jusqu’au lundi 13 mai, pour quasi atteindre les niveaux les plus bas depuis la crise financière de 2008.
Toutefois, dès mardi, les cours du soja rebondissaient sous l’effet de la publication de la progression des semis américain de soja par l’USDA. Les semis sont effectués pour environ 10 % des surfaces pour le moment, contre 30 % en moyenne quinquennale. Ce retard, dû aux fortes précipitations des dernières semaines, laisse envisager une révision en baisse de la surface par rapport aux intentions, d’autant plus que les prévisions météorologiques annoncent de nouvelles pluies sur les jours à venir.
L’annonce du président Trump indiquant que les négociations se poursuivaient sereinement malgré la récente hausse des taxes de douane a rassuré les marchés et a contribué aussi au rebond des cours du soja. Cette semaine, le soja a ainsi progressé de 14 $/t sur le rapproché, mais de 4 $/t sur l’échéance de novembre 2019. Ainsi sur deux semaines, les prix de l’ancienne récolte ont augmenté de 3,5 $/t mais ceux de la nouvelle ont baissé de 7 $/t. Cela traduit le fait que les opérateurs tablent désormais sur une résolution assez lointaine du conflit sino-américain, ce qui va peser sur la demande de soja américain sur la campagne de 2019-2020.
Le tourteau de soja a rebondi à la suite de la hausse de cours de la fève et voit son prix remonter de 18 $/t à Chicago et de 8 €/t à Montoir. En Argentine, les fèves de la nouvelle récolte ont un faible taux de protéines, ce qui a récemment forcé les triturateurs à ralentir le rythme de transformation, afin d’améliorer le processus d’extraction des tourteaux. Cela a aussi contribué à soutenir les prix des tourteaux dans l’Union européenne.
Le prix du pois fourrager augmente légèrement à la suite du tourteau : +1 €/t départ Eure-et-Loir.
Le colza s’apprécie légèrement
À la suite du soja, les prix du colza remontent légèrement cette semaine, avec des petites hausses de 1 €/t en rendu Rouen, de 2 €/t en Fob Moselle et de 2 €/t sur l’échéance d’août d’Euronext. Toutefois, les prix de la nouvelle campagne baissent de 4 €/t cette semaine, à 355 €/t rendu Rouen sur juillet-aout, malgré les conditions climatiques assez peu favorables aux cultures sur les dernières semaines, que ce soit en France ou en Allemagne (forte amplitude de température, temps trop sec, attaque d’insectes).
Les mouvements de prix des deux dernières semaines ont abouti à une baisse du prix du soja américain rendu Union européenne sur la nouvelle campagne, et à une hausse du prix du tourteau, ce qui a considérablement amélioré les marges de trituration du soja, maintenant plus rémunératrices que celle du colza. Ce dernier a donc perdu de la demande industrielle potentielle sur la nouvelle campagne, au profit du soja, ce qui a pesé sur les prix du colza 2019.
Le tournesol de la mer Noire à la baisse
Alors qu’en France les prix du tournesol se maintiennent, que ce soit en ancienne ou en nouvelle campagne, les prix au départ de la zone de la mer Noire ont chuté de 10 $/t. En effet, les prix élevés des dernières semaines ont découragé les acheteurs : les marges de trituration du tournesol ukrainien étaient quasi nulles la semaine dernière. Mais cela a provoqué un regain de mise en vente par les agriculteurs détenant encore des stocks. Par ailleurs, un temps favorable a permis une accélération des semis de tournesol en Ukraine, qui n’accusent maintenant qu’un retard modéré par rapport à l’an passé.
À suivre : poursuite de semis de printemps aux États-Unis, conditions climatiques partout dans le monde, notamment pour les blés et orges de l’Europe et de la zone de la mer Noire, conflits commerciaux, développement de la peste porcine africaine.