Les cours des céréales poursuivent leur envolée alors que le complexe oléagineux s’apaise un peu avec l’avancée des récoltes de soja et de tournesol.
Encore plus haut en blé
Le blé a maintenu son orientation haussière cette semaine malgré quelques oscillations. Rendu Rouen, les prix ont gagné 6 €/t, à 279,25 €/t (base juillet), soit 287 €/t Fob en prix complet (332 $/t Fob). Les prix du blé français sont très proches désormais de leur record de mars 2008 (293 €/t Fob) bien qu’ils en restent encore éloignés en dollar (454 $/t Fob Rouen alors). Le billet vert était beaucoup plus faible face à l’euro qu’actuellement.
Sur Euronext, l’échéance de décembre a atteint 286,75 €/t mercredi, le niveau le plus élevé sur une échéance rapprochée depuis le 10 mars 2008. Les blés américains ont aussi vu leur prix progresser cette semaine (+10 $/t environ) à cause de la tension mondiale mais aussi de conditions très humides dans l’est du Midwest suscitant des craintes pour l’ampleur des semis d’hiver.
L’écart se creuse un peu plus encore entre les blés européens et américains, d’une part, et les concurrents de la mer Noire dont le prix est resté stable. Le blé français vaut maintenant 14 $/t de plus que le blé russe à 12,5 % de protéines. Les blés français ont donc perdu en compétitivité par rapport à leurs concurrents mais ils restent portés par les chargements à l’exportation et par l’ensemble de la tension mondiale.
Les nouveaux achats et appels d’offres de cette semaine sont venus renforcer les prix au point que le Pakistan n’a, pour la seconde fois consécutive, rien acheté dans le cadre de son appel d’offres pour 90 000 tonnes. Il a relancé pour la troisième fois un appel d’offres pour ce même volume.
La Tunisie a acheté 50 000 tonnes de blé meunier cette semaine et l’Égypte 360 000 tonnes en provenance de la Russie, de l’Ukraine et de la Roumanie. L’Arabie Saoudite, quant à elle, a lancé un appel d’offres pour 655 000 tonnes qui ne portera pas sur le blé français vu l’exigence qualitative (12,5 % de protéines).
La hausse des prix a continué cette semaine en orge
Le prix rendu Rouen de l’orge fourragère a poursuivi sa hausse cette semaine à 254 €/t (+7 € par rapport à la semaine dernière), soit 260 €/t (301,75 $/t) Fob (+7 $ par rapport à la semaine dernière). Il est dans le sillage des prix du blé et dans un contexte de forte demande du Proche-Orient et du Maghreb.
Les prix français se rapprochent ainsi du record d’octobre 2007 (268 €/t Fob Rouen). Comme le blé, ils restent toutefois loin du record en dollar de cette période (388 $/t Fob Rouen le 1er octobre 2007).
Les achats turcs exceptionnels tirent les prix mondiaux vers le haut. Le TMO (acheteur officiel turc) a acheté mardi 235 000 tonnes d’orge fourragère. Cela porte ses achats cumulés depuis le début de la campagne à plus de 2 millions de tonnes, contre seulement 65 000 tonnes l’année dernière à même date et 0,5 million de tonnes sur l’ensemble de la campagne de 2020-21. Pourquoi ? Parce que la récolte turque de 2021 est catastrophique.
La Jordanie a également acheté hier 60 000 tonnes d’orges australiennes à 333 $/t Caf (coût, assurance, fret compris). Cela porte les achats jordaniens à 420 000 tonnes, au plus haut sur cette période depuis 2013. La Tunisie a, en ce qui la concerne, clôturé son appel d’offres vendredi dernier avec l’achat de 50 000 tonnes d’orges fourragères sur les 100 000 tonnes prévues. Les prix mondiaux élevés l’ont contraint à revoir ses achats à la baisse.
Du côté de la Chine en revanche, la situation se calme un peu. Les ports français chargent beaucoup moins qu’il y a quelques semaines pour cette destination : seulement 250 000 tonnes en octobre à ce jour contre 450 000 tonnes en moyenne sur les trois premiers mois de la campagne. Le ralentissement de la demande chinoise est désormais acté, face à des prix de la viande de porc peu encourageants. La Chine reste néanmoins un acteur encore très important du marché mondial de l’orge.
Les prix des orges brassicoles ont, de leur côté, gagné 10 €/t dans un contexte extrêmement tendu : la production brassicole chute à l’échelle de l’Union européenne alors que la demande des pays tiers se maintient (Chine entre autres) et que les utilisations intérieures à l’Union européenne remontent après l’épidémie de Covid.
Les prix du maïs sont soutenus
Aux États-Unis, les prix du maïs ont gagné presque 10 $/t cette semaine, soutenus par un record de production hebdomadaire d’éthanol alors que les stocks du biocarburant sont assez bas. Les retards de récolte dans le Midwest contribuent aussi à la hausse ainsi que le prix du blé.
En Europe, la récolte avance lentement. Certains producteurs, dans le sud-est de l’Union européenne notamment, essaient d’attendre le plus possible pour que le taux d’humidité des grains descende naturellement (le prix élevé de l’énergie les incitant en ce sens).
En France, 54 % de la récolte étaient réalisés au 25 octobre. Les travaux ont bien avancé pendant la semaine, mais restent très en retrait par rapport aux 87 % récoltés l’an passé à la même date. Dans ce contexte, les prix du maïs Fob Rhin ont gagné 5 €/t cette semaine à 250 €/t et ceux du maïs Fob Bordeaux sont restés stables à 247 €/t (base juillet).
Le soja se redresse encore un peu
Tout en demeurant beaucoup plus bas que les hauts niveaux atteints en juin, les prix du soja sur le marché de Chicago ont de nouveau augmenté cette semaine (+5 $/t) sur le rapproché. Ils retrouvent les valeurs du début d’octobre malgré la progression de la récolte : 74 % de la récolte américaine réalisés au 24 octobre.
Les prix sont soutenus par une forte demande aux États-Unis, que ce soit pour la trituration sur le marché intérieur ou à l’exportation. Des rumeurs continuent de circuler dans le marché selon lesquelles la Chine aurait acheté cette semaine plusieurs bateaux de soja américains pour chargement en novembre ou décembre. Par ailleurs, le déficit hydrique se fait encore sentir en Argentine, malgré un retour des pluies (qui devra se poursuivre pour que les semis se déroulent correctement).
Le soja bénéficie aussi du soutien exercé par le maïs et le blé qui ont encore grimpé cette semaine. Toutes ces matières restent fortement influencées par la montée des prix du pétrole et l’attrait qu’elles représentent pour la production de biodiesel et de bioéthanol.
La progression du prix de la graine cette semaine a été limitée par la chute du prix de l’huile de soja, dans le sillage de celle de palme. L’Asie est marquée actuellement par des inquiétudes concernant la résurgence de l’épidémie de Covid. Et même s’ils restent élevés et en hausse par rapport à la semaine dernière, les prix du pétrole se sont affaissés à la fin de la semaine et ont pesé sur les huiles végétales.
Chute du prix des tourteaux à Montoir
La petite hausse du prix de la graine a aussi poussé les tourteaux vers le haut cette semaine à Chicago (+6 $/t, à 367 $/t). Les prix ont au contraire chuté à Montoir (−5 €/t, à 393 €/t) à cause du léger renforcement de l’euro face au dollar. Les inquiétudes concernant la production d’aliments pour animaux ont aussi pesé dans la balance, les marges des éleveurs étant largement entamées par le prix des matières premières.
Il est intéressant d’observer que l’attractivité des tourteaux est bien meilleure que celle des céréales. Cela devrait favoriser la part des tourteaux aux dépens des céréales dans les aliments. Cela est vrai pour l’Union européenne comme pour l’ensemble du monde, et devrait soutenir les prix du tourteau à moyen terme, une fois la récolte américaine engrangée.
Le pois fourrager s’apprécie en revanche cette semaine à cause de la hausse des prix du blé et dans un cadre mondial très affecté par le manque de production canadienne.
Le prix du colza s’affaisse légèrement
Après sa forte hausse la semaine dernière, le prix du colza marque une pause cette semaine. Il perd même 4 €/t par rapport à sa valeur du 22 octobre, descendant à 673 €/t rendu Rouen et 682 €/t Fob Moselle. Il a été influencé par la petite baisse du prix des graines de soja, des huiles de soja et de palme et l’affaissement du pétrole à la fin de la semaine.
Après le maintien des prix à des niveaux élevés depuis le début d’octobre, le colza a perdu en attractivité par rapport aux autres oléagineux. À l’approche de la récolte de tournesol et avec la progression rapide de la récolte de soja aux États-Unis, il se retrouve face à une légère pression baissière.
Le tournesol suit le soja et le colza à la baisse
Comme le colza, le tournesol voit son prix chuter modérément cette semaine ; il perd 5 €/t en France à Saint-Nazaire (à 610 €/t et 620 €/t pour les qualités standard et oléique respectivement). En mer Noire, son prix s’affaisse de 5 $/t, sous l’influence des prix du soja et des huiles. Avec la progression des récoltes et la montée des prix à des niveaux très élevés les semaines précédentes, la commercialisation des graines commence à s’accélérer, en Bulgarie notamment.
À suivre : conséquence à l’exportation de la perte de compétitivité des blés français, récolte mondiale de maïs, ventes d’orge à l’exportation, climat en Amérique du Sud (soja), avancée des récoltes de tournesol en Europe et dans la zone de la mer Noire, prix du pétrole, conditions de cultures pour les colzas dans l’Union européenne et en mer Noire, récolte du canola et des céréales à paille en Australie, production d’huile de palme en Malaisie.