« Notre enjeu est de devenir le leader européen sur le carbone agricole, a martelé Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture, lors d’une table-ronde le 31 janvier 2022 sur le rôle de l’agriculture dans la décarbonation de l’économie. Cela veut dire qu’il faut finaliser la constitution de l’offre en travaillant sur les pratiques, les labels, la transparence et la confiance, mais aussi finaliser la demande pour faire en sorte que le crédit carbone agri soit compétitif. »
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Rassembler l’offre pour toutes les productions
Finaliser la constitution de l’offre passe, aux dires de tous les acteurs, par la massification et la structuration des projets à bas carbone des agriculteurs. Intervenant lors de cette table-ronde, Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, a annoncé la création, avec l’aide de l’association France Carbon Agri, d’une structure commerciale unique commune à toutes les productions et les territoires, sous l’égide de la FNSEA et de ses associations spécialisées.
Cette SAS, rassemblant toute l’offre en crédits carbone, réunira la FNSEA, JA et les chambres d’agriculture. Elle devrait lancer juste avant le Salon de l’agriculture, un appel à projets, le troisième en date à la suite des deux précédents de France Carbon Agri.
« Il faut de la visibilité et il faut le faire vite, a insisté Christiane Lambert. La dispersion, l’atomisation ne nous servirait pas dans ce domaine. Nous sommes persuadés que c’est en étant plus fort ensemble que nous serons plus efficaces pour convaincre les acheteurs de crédits carbone et pour amener du revenu supplémentaire aux agriculteurs. »
« Cette démarche a été menée conjointement avec une autre initiative conduite par la FNSEA, ayant débouché sur la création d’une autre SAS qui s’appelle Epiterre pour vendre des crédits biodiversité. Nous voulons à terme avoir la double offre biodiversité et carbone. »
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Organiser la demande en crédits
L’autre enjeu est d’organiser la demande : « Aujourd’hui, il est possible d’acheter des crédits carbone de manière fiable », insiste Julien Denormandie, exprimant sa « gratitude à ceux qui prennent des engagements à nos côtés ».
Le ministre de l’Agriculture en appelle à la responsabilité, alors que le prix d’achat d’un crédit carbone français est de 35-40 €/t alors qu’il est de 5-6 €/t en Amérique du Sud : « Faire le choix des crédits carbone liés aux sols agricoles et forestiers nécessite d’avoir une véritable démarche proactive et territoriale, et pas simplement d’avoir une démarche comptable sinon nous n’y arriverons pas. »
Cadre réglementaire européen à harmoniser
À la suite de cette table-ronde, Julien Denormandie a revêtu son habit de président du conseil de l’agriculture et de la pêche pour assurer la clôture de l’événement « Carbon removals » (1), organisé par la Commission européenne dans le cadre de la conférence « Sustainable carbon cycles » (2).
S’il existe différents moyens pour financer et accompagner le développement de « l’agriculture à bas carbone », à l’image de la Pac, le ministre français a une nouvelle fois mis en exergue le potentiel de la compensation carbone volontaire.
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« Des millions de tonnes de crédits carbone sont émis chaque année », a rappelé le ministre, qui déplore une part agricole encore « très petite ». Pour changer la donne, le politique souhaite voir les États membres se mettre d’accord sur un cadre réglementaire européen harmonisé autour de cette rémunération carbone agricole.
Cela passe par une entente autour des méthodes bas carbone à déployer et labelliser. Vient ensuite le moment de la conversion des économies environnementales réalisées, sous forme de crédits carbone monnayables sur le marché volontaire.
Julien Denormandie compte bien faire du « carbon farming » l’une des priorités de la présidence française de l’Union européenne. Un premier consensus sur le sujet est attendu à partir du mois de mars. Le ministre espère voir le futur cadre réglementaire régissant les crédits carbone agricoles européens se mettre en place d’ici à la fin de l’année.
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(1) Séquestration du carbone.
(2) Cycles durables du carbone.