La méthanisation agricole semble s’être trouvée un allié de poids avec le député du Rhône Jean-Luc Fugit. Il vient de remettre aux deux assemblées parlementaires et au ministre de l’Agriculture et à celle de la Transition écologique un rapport sur « l’agriculture face au défi de la production d’énergie ». Écrit au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, ce rapport préconise de réorienter la politique et les soutiens, jusqu’à maintenant en faveur de l’éolien terrestre, vers la méthanisation agricole.
« La méthanisation représente un mode de production d’énergie vertueux et majeur à privilégier dans le monde agricole et qui lui est spécifique », écrivent les deux rapporteurs, Jean-Luc Fugit et le sénateur de l’Aude Roland Courteau. En envisageant leur texte comme une orientation de la politique publique à venir, ils mettent en avant « le rendement énergétique de bon niveau » de la méthanisation, son rôle dans l’économie circulaire, en particulier pour trouver un débouché à la collecte des biodéchets des villes qui sera obligatoire en 2024, et son intérêt pour la transition écologique revendiquée par le gouvernement Castex.
Équilibrer les soutiens
À l’inverse, « il n’est pas sûr qu’il soit pertinent d’accroître les soutiens à la filière de l’éolien terrestre » parce que « le vent tourne pour cette filière » alors que c’est déjà « la première source d’énergie électrique renouvelable après l’hydroélectricité », selon le dernier bilan de l’opérateur historique RTE. « Il faut rééquilibrer les soutiens », estime Jean-Luc Fugit.
Pour autant, les rapporteurs n’oublient pas non plus que des questions se posent aussi si la France développe la méthanisation agricole. Chimiste de formation, Jean-Luc Fugit encourage de systématiser chaque fois que possible le couplage de la méthanisation agricole avec la méthanation, c’est-à-dire la réinjection du méthane produit en ajoutant de l’hydrogène au gaz carbonique issu de la première méthanisation des matières premières. Ce système revient à une exploitation complète des intrants sans production de gaz carbonique, à condition bien sûr de produire l’hydrogène sans utiliser d’électricité carbonée.
Défendre le droit à l’injection
Le rapport entend aussi « défendre le droit à l’injection de biogaz et encourager le raccordement au réseau national de gaz des installations existantes ». Enfin, de l’autre côté du méthaniseur, le rapport veut assurer la traçabilité des intrants. « Connaître les intrants est nécessaire à l’identification du caractère agricole ou non du méthaniseur. » Sur les 950 méthaniseurs recensés en France, on dénombre 500 méthaniseurs liés à l’agriculture, c’est-à-dire utilisant au moins 50 % d’intrants d’origine agricole. « Mais ce chiffre lui-même est sujet à caution en raison de la faiblesse du suivi des installations », déplorent les rapporteurs.
Un label Agroénergie
Par ailleurs, ce rapport ne s’arrête pas à la méthanisation et dresse un panorama général du secteur agricole en tant que producteur d’énergie. Il demande à « particulièrement soutenir » l’agrivoltaïsme pour éviter l’artificialisation des sols. Jean-Luc Fugit aimerait profiter du débat sur l’éventuelle loi foncière, promise par deux ministres successifs, pour consolider la primauté de la vocation alimentaire des terres agricoles. Il demande aussi de « tirer les conséquences de l’abandon des soutiens aux biocarburants de première génération pour développer des technologies innovantes et les biocarburants de deuxième génération qui ne sont pas concurrents des usages alimentaires. »
Enfin, le rapport évoque l’idée de créer un label « Agroénergie » pour certifier les projets « qui permettent de prévenir les conflits d’usages (agrivoltaïsme, méthanisation raisonnée…), de respecter la priorité de la production alimentaire, d’utiliser des analyses de cycle de vie pour compter les externalités, ou encore de s’inscrire dans une approche territorialisée. »