Si le top départ des moissons a été donné avec dix à quinze jours d’avance cette année, la ligne d’arrivée est loin d’être atteinte pour les agriculteurs qui rayonnent en bordure de la Manche. Beaucoup de productions ont atteint leur maturité en même temps (orges, blés, colza, et même avoine et triticale dans certaines régions) et les collecteurs ont dû faire preuve de réactivité et d’anticipation pour répondre au défi logistique. Le beau temps étant de la partie, le stockage à plat en extérieur de façon temporaire n’a finalement posé que peu de problèmes.

 

Désormais, la pluie fait traîner les derniers chantiers. « La fin de la moisson s’annonce longue… », témoignent plusieurs opérateurs. Néanmoins, on peut d’ores et déjà faire un bilan qui s’annonce, fort heureusement, bien meilleur qu’en 2016.

 

Ce n’était pourtant pas gagné. Entre la sécheresse qui perdure depuis l’automne dernier, le gel tardif au printemps et le coup de chaud de fin juin, il y avait de quoi craindre le pire.

Bonne surprise en blé tendre

Au final, céréales et colza (lire encadrés) ont créé la surprise, excepté en Lorraine, seule région à enregistrer des rendements en blé tendre jusqu’à 20 % sous la moyenne quinquennale. On y compte tout juste 50 q/ha en moyenne, avec une fourchette particulièrement large, de 30 à 80 q/ha (voir tableau).

 

Autres régions qui affichent un rendement de blé sous la moyenne quinquennale mais dans une moindre mesure : Poitou-Charentes, avec à peine 60 q/ha, et celles du nord de la France, avec 80 q/ha en Picardie, dans le Nord-Pas-de-Calais, en Normandie, en Champagne-Ardenne et en Ile-de-France.

 

Dans le sud de la France (Occitanie, Rhône-Alpes), certains collecteurs « prendraient bien un abonnement à ce niveau de récolte pour les prochaines campagnes ». On y compte 5 à 10 % de rendement au-dessus de la moyenne. Ailleurs, il se rapproche des références quinquennales.

 

Toutefois, cette productivité est particulièrement hétérogène. Les conditions climatiques « extrêmes » ont amplifié les différences entre types de sol, et donc réserve utile, conditions et dates de semis et précédents culturaux. Les agriculteurs qui ont récolté des blés semés après betteraves peuvent malheureusement en témoigner. Avec des sols appauvris en eau et éléments fertilisants, les blés semés tardivement avec un mauvais enracinement n’ont pas résisté longtemps à la sécheresse. Certains n’ont même pas tallé dans la Marne ou l’Aisne. Même constat pour les blés de blés, dont les effets du piétin échaudage ont été exacerbés dans l’Aube, en Normandie ou en Picardie.

 

Les semis précoces s’en sont globalement mieux sortis que les autres, le coup de chaud de fin juin arrivant sur des céréales déjà en fin de cycle. Certains ont été plus sensibles au gel, comme dans le Gers.

 

 

 

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Point noir : le Hagberg

En qualité aussi, la bonne surprise est globalement de mise, avec des poids spécifiques (PS) avant pluie autour de 78-80 kg/hl. Après les pluies, il perd deux à trois points mais reste proche de la norme, sauf localement en Bourgogne, Auvergne et Lorraine où il décroche carrément. En Côte-d’Or, il tombe parfois à 72 kg/hl et certains lots sont déclassés. Le taux de protéines oscille la plupart du temps dans une fourchette de 11,5 à 12,5 %.

 

Mais là où le bât blesse, c’est sur le temps de chute de Hagberg. Les régions Bourgogne, Poitou-Charentes, Lorraine, Centre, Ile-de-France et Champagne-Ardenne sont concernées localement. Dans la Marne, un collecteur a demandé à ses adhérents de rentrer les blés avant les colzas afin de réduire les risques d’indice trop bas. Pour rappel, cet indice est faible si l’activité des enzymes du grain, responsables de la dégradation de l’amidon, est importante.

 

« Bien sûr, si le pourcentage de grains germés est élevé, l’indice de chute sera faible, explique Arvalis. Mais il peut être très bas sans aucun symptôme de germination. » Autant les lots avec des PS un peu faibles peuvent être mélangés avec d’autres aux PS plus élevés pour être commercialisés à la norme ou quasiment, autant cette loi des mélanges ne fonctionne pas avec le temps de chute de Hagberg. En associant deux lots aux indices différents, la valeur du mélange sera plus proche de celle du lot à plus faible indice de Hagberg. Concrètement, les lots sous les 200-250 secondes sont donc isolés et déclassés en fourrager.

Rendements du blé dur moyens

En blé dur, les rendements se situent autour de la moyenne quinquennale, que ce soit dans le Centre, avec 60 à 75 q/ha, en Provence-Alpes-Côte d’Azur (40-50 q/ha), en Languedoc-Roussillon (45-50 q/ha) ou en Occitanie (55-60 q/ha). Avant la pluie, la qualité était très bonne, avec un taux de protéines pas loin de 15 %, notamment en Languedoc-Roussillon, et des poids spécifiques autour de 80 kg/hl. Après les pluies, c’est une autre histoire, les PS ont perdu deux à quatre points, le taux de grains mitadinés est passé de 10 à parfois 60 % en Occitanie, et l’aspect visuel du grain en a aussi pris un coup.

 

Enfin, comme en blé tendre, les temps de chute de Habgerg sont parfois sous la norme. Ils ont même dégringolé dans le Centre. Sont particulièrement touchés les blés durs du sud de l’Eure-et-Loir et de l’Eure. Dans le Loiret, « ce ne sont pas quelques parcelles qui sont germées ou prégermées mais la totalité », estime un collecteur, qui voit les meilleurs indices plafonnés autour de 150-180 secondes, pas plus. Comme en blé tendre, les lots seront déclassés en fourrager.

Gel sur orges

En orge d’hiver, le gel tardif du printemps a été plus problématique qu’en blé, notamment au moment de la méiose. Les rendements sont décevants par rapport au potentiel et à la moyenne quinquennale, sauf en Rhône-Alpes, où ils ont dépassé les prévisions, à 65 q/ha, contre 57 d’habitude. Ailleurs, ils oscillent entre 50 q/ha en Aquitaine et en Auvergne, 55-65 q/ha en Midi-Pyrénées, 60 q/ha en Languedoc-Roussillon, Paca et Lorraine, 62-65 q/ha en Rhône-Alpes et Pays de la Loire, 55-75 q/ha en Bourgogne (en plaine ou en plateau), 70 en Bretagne, 75-85 dans le Centre et en Champagne-Ardenne selon les variétés (avec un bonus pour les hybrides), 80-82 en Normandie et Picardie, et 90 en Nord-Pas-de-Calais.

 

Avec des rendements un peu sous les prévisions, le taux de protéines ressort un peu élevé, parfois trop pour les débouchés brassicoles. Globalement, les calibrages sont bons, ainsi que les PS.

 

Pour les orges de printemps, beaucoup ont été semées après betteraves et ont donc souffert davantage de la sécheresse. Dans la Marne et l’Aisne, les rendements tournent autour de 50 q/ha, contre 70 q/ha en précédent paille. En Bourgogne aussi, ils laissent à désirer. En Lorraine, on parle de rendements médiocres dus au manque d’eau (autour de 45 q/ha). Et comme en orge d’hiver, les petits rendements connaissent des taux de protéines trop élevés pour les brasseurs. Les calibrages et les PS sont en revanche globalement bons.

 

La Lorraine, pour la deuxième année consécutive, subit de plein fouet les affres de la météo. Espérons que le bon potentiel en maïs se confirme (lire ci-dessous).