Cette semaine a de nouveau été marquée par l’actualité en mer Noire sur la potentielle reprise partielle des exportations au départ de l’Ukraine, ce qui a pesé sur les cours du blé, de l’orge et du tournesol. En revanche, les conditions de cultures aux États-Unis ont soutenu les prix du maïs et du soja, tout comme le temps sec en Europe.
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Recul des prix physiques du blé malgré le flou en mer Noire
Après la signature de l’accord vendredi dernier entre l’Ukraine, la Russie, la Turquie et les Nations unies pour permettre la mise en place de corridors sécurisés pour l’exportation des grains ukrainiens, le contrat de septembre d’Euronext a chuté de 19 €/t.
Depuis, la réalité de la complexité de la mise en œuvre de ces corridors a fait remonter le Matif de 7 €/t, à 341,25 €/t. À l’inverse, le prix Fob Rouen a perdu 9 $/t sur la semaine pour atteindre 357 $/t. Sur ce même laps de temps, les blés ukrainiens et russes n’ont pas bougé et sont restés cotés à respectivement 250 $/t et 359 $/t.
La signature de cet accord a levé plus de questions qu’il n’en a résolues. Le centre de coordination basé à Istanbul a été rapidement mis en place, mais alors que le premier bateau quittant l’Ukraine était annoncé pour mercredi, il n’a toujours pas quitté le port. La date d’aujourd’hui, vendredi 29 juillet, est évoquée mais sans certitude.
Dans la pratique, les autorités maritimes de l’Ukraine doivent trouver le meilleur chenal possible, en évitant les mines présentes dans cette partie des eaux de la mer Noire. La reprise des flux au départ de l’Ukraine sera très progressive dans la mesure où le pays reste en guerre et qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de voie sécurisée bien établie.
De plus, les premières exportations devraient surtout concerner les bateaux bloqués dans les ports ukrainiens depuis le début de la guerre. La question de la qualité de ces grains reste pour le moment en suspens, alors que le stockage n’a évidemment pas pu être optimum.
À ce stade il n’est pas encore évoqué de flux de bateaux arrivant dans les ports ukrainiens pour être chargés. Il faudra du temps pour que les acteurs chargés de la logistique de ces exportations mettent en place ces flux. Les assurances s’annoncent d’ores et déjà très chères et posent le problème de la future compétitivité des blés ukrainiens.
L’Égypte a d’ailleurs annulé un achat de blé ukrainien de 240 00 tonnes qui devait être livré sur février et mars, la guerre n’ayant pas permis à l’Ukraine d’honorer son contrat. En plus des difficultés rencontrées à honorer ses contrats, l’Ukraine est confrontée au vol de ses céréales dans la partie du territoire occupée par la Russie.
Cette semaine l’Ukraine a dénoncé un bateau syrien transportant de la farine et de l’orge ukrainiennes, expédiées par les Russes, et acheminé au Liban. Il est difficile pour les pays importateurs de s’assurer de la provenance des denrées, mais ces événements devraient malheureusement se multiplier.
Des opportunités très variées pour le blé français
Les blés européens sont compétitifs sur le Moyen-Orient, l’Asie et l’Afrique. Malgré la multiplication récente des ventes, les prix ont continué de s’infléchir. La semaine dernière, la France a vendu près de quatre bateaux au Pakistan et deux au Yémen.
Cette semaine, le Pakistan est de nouveau passé aux achats pour 180 000 tonnes, mais le résultat n’est pas encore connu. La France pourrait de nouveau avoir été retenue, sans certitude cependant. Le Pakistan reste une destination plutôt exotique pour le blé français, puisqu’au cours des dix dernières années seul un bateau a été vendu (décembre 2020). Le volume vendu cette année serait donc déjà record.
Dans le reste du monde, les actualités ont des effets contradictoires sur les prix. Si le temps sec continue d’inquiéter en Argentine, les rendements des blés de printemps aux États-Unis pourraient réserver de bonnes surprises à la faveur de bonnes conditions climatiques sur la fin de cycle. Le prix du blé argentin s’est de nouveau légèrement renchéri (+2 $/t, à 405 $/t), tandis que le blé Hard aux États-Unis s’est légèrement déprécié (–2,5 $/t à 382).
Au Canada, les conditions sont correctes bien que de nouvelles pluies seraient les bienvenues dans l’ouest de la Saskatchewan. La récolte canadienne sera bien meilleure que l’an dernier, où elle était catastrophique, et le niveau des exportations devrait nettement rebondir. L’origine française profite donc actuellement d’une faible concurrence puisque les récoltes canadiennes ne seront pas disponibles avant la fin de l’été, voire le début de l’automne.
Hausse des prix du maïs
Le maïs Fob Rhin a augmenté de 5 €/t sur une semaine, à 315 €/t (base juillet, récolte de 2021). La récolte de 2022 s’affiche à 330 €/t. Le maïs Fob Bordeaux s’élève, quant à lui, à 336 €/t en récolte 2022 (base juillet). Le maïs US Fob Gulf a lui aussi augmenté sur une semaine (+19 $/t, à 300 $/t).
La baisse observée au début de la semaine, faisant suite de l’accord sur les exportations ukrainiennes, a ainsi été complètement effacée. Cette annonce, baissière pour les prix, a été suivie de plusieurs éléments haussiers. Tout d’abord, les exportations ukrainiennes par la mer Noire devraient reprendre plus lentement qu’espéré initialement, entre menaces de frappes russes et difficultés techniques pour éviter les mines.
Ensuite, les conditions de culture du maïs ont continué de se dégrader en Europe à cause des conditions sèches et chaudes, particulièrement en Roumanie, en Hongrie mais aussi en France. Les importations de maïs ukrainiens dans l’Union européenne par voie fluviale pourraient aussi ralentir à cause du niveau bas des eaux du Danube.
Aussi, l’USDA (ministère de l’Agriculture américain) a abaissé sa notation de maïs américains jugés dans de bonnes à très bonnes conditions, en raison de conditions sèches dans des États clés. Les perspectives de récolte aux États-Unis ne devraient pas s’améliorer à cause des conditions météorologiques défavorables qui devraient persister.
Dans le même temps, la production d’éthanol de maïs reste dynamique outre Atlantique. En Amérique du Sud, la récolte brésilienne continue de bien avancer et permet d’apporter des volumes indispensables au marché mondial tandis que les exportations argentines sont en dessous des attentes. Les difficultés économiques du pays seraient en cause (taxes à l’exportation trop élevées, taux de change pesos/dollar non incitatif).
De plus, les prix des engrais azotés sont à surveiller de près puisqu’ils pourraient fortement augmenter à la suite de la récente baisse des approvisionnements en gaz depuis la Russie.
Baisse confirmée des prix de l’orge face à la situation en Ukraine
La signature de l’accord sur la reprise imminente de l’activité portuaire de l’Ukraine a amené d’abord les prix de l’orge à marquer un net repli (rendu Rouen à 281 €/t au 22 juillet) pour ensuite remonter à près de 300 €/t au milieu de la semaine. Les bombardements russes dans le port d’Odessa au lendemain de la signature expliquent en partie le rebond des prix au début de la semaine.
Le lancement officiel, mercredi dernier, du Centre conjoint de coordination en Turquie donne tout de même de l’espoir pour la reprise des exportations de céréales ukrainiennes et a amené les prix de l’orge à baisser à nouveau au cours de la deuxième moitié de la semaine. Le rendu Rouen de la récolte de 2022 (base juillet) a ainsi perdu 17 €/t par rapport au 21 juillet 2022, à 289 €/t.
En outre, la progression rapide des récoltes dans l’hémisphère Nord, où les conditions météorologiques sont très favorables aux moissons apporte une offre significative sur le marché mondial et par conséquent pousse les prix à la baisse.
Dans ce contexte, les orges françaises sont cotées à 294 $/t et sont tout de même légèrement plus chères que les orges russes (290 $/t). En revanche, en prix Fob les orges australiennes valent beaucoup plus chères, à 325 $/t. Les prix russes et australiens ont également suivi une tendance baissière au cours de la semaine.
Du côté des orges de brasserie, la baisse des prix a été beaucoup plus limitée. L’orge de brasserie d’hiver à Creil a ainsi perdu 3 €/t (à 325 €/t) et celle de printemps a perdu 2 €/t seulement (à 377 €/t).
Le bilan brassicole européen s’annonce tendu pour la campagne de 2022-2023 en raison d’une bonne demande en orge de brasserie, ce qui explique des baisses plus modérées pour les prix brassicoles que pour les prix fourragers.
Le cours du soja reprend des couleurs
Les cours mondiaux du soja ont fortement progressé cette semaine dans le sillage de la hausse du prix de l’huile de soja et des inquiétudes quant à l’état des cultures aux États-Unis. Le prix du soja sur le marché à terme de Chicago s’est apprécié pour la cinquième session consécutive, pour s’afficher jeudi 28 juillet 2022 à son plus haut niveau depuis le 1er juillet à 529 $/t. Le contrat à échéance de novembre, le plus échangé, a gagné 51 $/t sur la semaine.
D’une part, le prix de l’huile de soja s’est apprécié sur l’éloigné, soutenu par le projet de loi sur le climat qui a été adopté par le Sénat aux États-Unis le jeudi 28 juillet. Ce projet vise à prolonger de deux ans le crédit pour les biocarburants, ce qui contribuerait à booster la consommation des huiles pour le biodiesel. Le prix de l’huile de soja a également été tiré vers le haut par l’huile de palme, qui s’est beaucoup apprécié sur la semaine.
D’autre part, les conditions météorologiques aux États-Unis demeurent défavorables aux cultures. Les précipitations qui étaient très attendues ne sont plus d’actualité. Le temps reste chaud et sec alors que les plantes de soja entrent dans une période critique de développement.
En parallèle, la demande à l’exportation pour le soja américain se tient. Sur la semaine du 15 au 21 juillet, le système de déclaration des ventes et exportations hebdomadaires du département de l’Agriculture américain a rapporté des volumes de soja destinés à l’exportation vers les pays tiers qui correspondent aux attentes du marché.
En revanche, la demande chinoise peine à décoller en raison des faibles marges de trituration. Le Fob brésilien gagne quant à lui environ 40 $/ t sur l’échéance de novembre. À noter que la production brésilienne est attendue à un niveau record, ce qui a atténué la hausse des prix.
Tourteau de soja : hausse dans le sillage de la fève
Les prix mondiaux des tourteaux de soja ont suivi la tendance haussière des prix de la graine de soja. Ainsi, sur le marché à terme de Chicago, le cours du contrat le plus échangé à l’échéance de décembre a progressé d’environ 37 $/t.
En France, la cotation a également suivi la hausse (d’environ 38 €/t sur le rapproché). Le Fob brésilien progresse également du même ordre de grandeur. Par ailleurs, avec une trituration mondiale qui tend à ralentir, la production mondiale du tourteau de soja est en recul sur la fin de la campagne (octobre/septembre), contribuant à soutenir les prix.
La demande en alimentation animale reste également forte puisque le tourteau de soja demeure toujours attractif par rapport aux céréales et bénéficie d’un fort taux d’incorporation. Portés par la hausse du tourteau de soja, les cours du pois rebondissent de 20 €/t sur la semaine à 390 €/t départ Marne.
Recul du tournesol
Le prix du tournesol a marqué une baisse de 30 €/t depuis la semaine dernière à 700 €/t pour le tournesol oléique et à 620 €/t pour la qualité standard à Saint-Nazaire. Les moissons commenceront bientôt dans les zones les plus précoces et la prévision d’une récolte française record pèse sur les cours malgré la réduction du rendement potentiel due au temps sec et chaud.
La lourdeur de la situation en Europe de l’Est exerce également une pression baissière sur le marché hexagonal. En effet, des stocks relativement élevés continuent de s’accumuler dans les pays voisins de l’Ukraine en raison des achats très dynamiques en tournesol ukrainien, très attractif. Le prix de ce dernier rendu Ouest UE est resté statique, à 505 $/t.
La situation en Ukraine demeure en net surplus. La demande pour la trituration reste pénalisée par l’arrêt de la plupart des usines et les faibles exportations en huile. D’autre part, la demande à l’exportation commence à ralentir à l’approche des nouvelles récoltes de colza et de tournesol dans l’Union européenne.
Les ventes ukrainiennes restent toutefois largement supérieures à la normale. Entre le 1er et le 21 juillet 2022, près de 300 000 tonnes de tournesol ont été expédiées (majoritairement vers les pays de l’Europe de l’Est et la Turquie).
Par ailleurs, en Argentine, les résultats des enquêtes sur les intentions de semis réalisées par la « Bolsa de Cereales » de Buenos Aires suggèrent une forte augmentation de la surface de tournesol (à 2 millions d’hectares). Cette culture reste très rentable malgré le récent décrochage des prix de la graine. Le choix de la culture de tournesol sera notamment soutenu par ses faibles exigences en intrants et en carburant, dont les prix mondiaux s’envolent.
Remontée des cours de colza
Après plusieurs semaines de régression sous la pression des récoltes, du pétrole et des huiles, les cours du colza en France ont fortement progressé cette semaine, tirés par les cours du soja. En effet, tandis que les cultures de canola sont à un stade clef de développement, un temps sec et chaud est prévu pour les 10 prochains jours.
Par ailleurs, dans sa dernière prévision mensuelle, le ministère de l’agriculture canadien a entériné une baisse de 5 % des surfaces de canola cette année. Elles auraient pu diminuer beaucoup moins si le temps avait été plus favorable lors des semis (temps trop humide et trop frais). De plus, les stocks au Canada sont extrêmement bas actuellement, si bien que les prix réagissent fortement à tout incident climatique.
Les prix du colza ont également été soutenus par la demande industrielle européenne toujours bien présente, portée par les excellentes marges de trituration sur la nouvelle campagne. Finalement, les cours du colza en France ont augmenté de plus de 70 €/t cette semaine, et atteignent 686 €/t rendu Rouen et 693 €/t sur le Fob Moselle.
À suivre : météo en Europe (maïs, tournesol), en Amérique du Nord et du Sud (blé, maïs, canola, soja), situation économique mondiale (demande en huiles et tourteaux), mandats d’incorporation dans l’Union européenne, en Asie et en Amérique du Sud, prix du pétrole, mise en œuvre de l’accord russo-ukrainien du 22 juillet 2022.