De l’avis général, le président a été très à l’écoute. C’est le sentiment partagé par les cinq syndicats agricoles, faisant suite à leur rencontre, à tour de rôle, avec Emmanuel Macron, le 11 février 2020. De là à penser que le président lance « une politique de déminage » avant le Salon de l’agriculture, qui ouvrira ses portes le samedi 22 février, il n’y a qu’un pas. Une méthode qu’il avait déjà éprouvée l’an dernier. Les sujets d’actualité ne manquent pas : zones de non-traitement (ZNT), interdiction du glyphosate, installation et transmission, loi sur l’alimentation (EGAlim), retraite… Tout y est passé.

Changement de cap sur le glyphosate

Samuel Vandaele, président de JA, souligne un « virage à 380° » de la part du président de la République au sujet du glyphosate. Et pour cause, celui-ci afficherait un discours plus nuancé sur son interdiction. « Il faut moins raisonner en silo. Si un litre de glyphosate permet de réduire l’utilisation de produits phytosanitaires, d’améliorer la vie du sol, alors il faudra réellement se poser la question de l’arrêt de son utilisation », aurait-il déclaré.

 

La ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, en visite sur une exploitation essonnienne ce lundi 10 février, aurait également répété qu’il n’y aurait pas d’interdiction sans solution de substitution.

Du temps pour les ZNT

Concernant les ZNT, les syndicats majoritaires ont émis une nouvelle fois leur nécessité d’avoir du temps. À la fois pour retravailler les chartes départementales, pour se concerter avec les citoyens en local mais aussi pour examiner les retours de l’Anses sur les expérimentations scientifiques en cours. « Le gouvernement doit expliquer aux citoyens que nous avons besoin de temps pour opérer les changements », rajoute Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. Selon Samuel Vandaele, Emmanuel Macron avait l’air « ouvert » à cette demande de délai. Néanmoins, sur la question des compensations pour les agriculteurs, aucune réponse n’a été apportée.

 

La Coordination rurale a demandé au président de la République un traitement différent des ZNT pour les habitations existantes et pour les nouvelles constructions. Pour le syndicat, ces zones ne doivent s’appliquer que pour les nouvelles constructions. « Nous avons déposé un recours au Conseil d’État et un référé », a indiqué le syndicat.

 

Voir aussi : Les préfets ont reçu les consignes pour l’application des ZNT (11/02/2020)

Voir aussi : ZNT : la CR attaque l’arrêté en justice (11/02/2020).

 

Pour la Confédération paysanne, le système des chartes et des ZNT n’est pas la bonne méthode pour sortir des pesticides. « Le Président avait l’air d’accord sur le fait que les ZNT ne sont pas un outil efficace pour sortir des pesticides mais une réponse technique à un élément juridique dont le but est d’éviter de se mettre en faux par rapport à la protection des riverains », estime Nicolas Girod, porte-parole du syndicat.

Concertation sur l’installation-transmission

JA a demandé une concertation d’ici à juin autour de l’installation-transmission pour avancer sur le sujet « des dispositifs d’incitations fiscales » facilitateurs du renouvellement des générations. La question du transfert de compétences entre l’État et les Régions pour la DJA sera également au cœur des échanges pour lequel aucun arbitrage n’est pour le moment défini. « Nous souhaitons pérenniser le dispositif actuel et obtenir un financement de l’État à la hauteur de nos ambitions », explique Samuel Vandaele.

 

Une campagne de communication sous forme de spot télévisé devrait également voir le jour pour promouvoir tous les métiers de l’agriculture.

 

Sur la question de la formation, le syndicat a mis l’accent sur l’apprentissage. Une voie de formation qui mériterait d’être « renforcée et modernisée », selon le président de JA. Pour favoriser l’intégration des apprentis en exploitations agricoles, des dispositifs d’incitation à destination des chefs d’entreprise devraient être mis en place.

Insatisfaction sur la loi sur l’alimentation

Les syndicats majoritaires ont fait part de leurs craintes vis-à-vis de la filière bovine, pour lesquels les effets de la loi EGAlim (ou EGA) ne vont pas assez vite. Une situation préoccupante pour les installations, selon Samuel Vandaele.

 

« Bigard ne joue pas le jeu, dénonce Nicolas Girod. Le président a reconnu le défaut sur cette filière et il admet qu’il faudra un peu plus d’intervention de l’État ».

 

Pour Véronique Le Floc’h, secrétaire générale de la Coordination rurale, « il faut des prix rémunérateurs mais aussi que les industriels soient davantage surveillés et contrôlés sur les mouvements financiers et de matières. C’est un juste retour. Jusqu’à présent, l’État ne leur a donné que des avantages », estime-t-elle.

 

De son côté, le Modef a dénoncé le fait que les avancées sur les prix, notamment dans les filières porcine et laitière, soient dues aux conditions de marché et pas à la loi.

Retraite

« Sur la réforme des retraites, le gouvernement doit revoir sa copie, estime Thomas Pierre, président du Modef. Nous demandons une retraite d’au moins 1 200 € pour une carrière complète. Il faut au moins le niveau du Smic. » La FNSEA demande quant à elle que le gouvernement suive la position des parlementaires sur la question des retraités actuels. Un sujet sur lequel le président n’est « pas assez ouvert », selon Christiane Lambert. Une position que déplore également Bernard Lannes, président de la Coordination rurale. « Il ne faut pas rester que sur une logique comptable », regrette-t-il, estimant que le Président pourrait faire un geste au moins pour les retraites des femmes, souvent les plus faibles.

 

Autre sujet porté par la Coordination rurale : la prise en compte de la pénibilité. « Notre profession compte beaucoup moins d’arrêts de travail que les salariés. Mais, avec une indemnité de 26 € par jour, c’est souvent parce que les agriculteurs n’ont pas la possibilité de se faire remplacer. Ce serait logique qu’ils puissent faire valoir leurs droits à la retraite plus tôt au regard de la pénibilité », estime Véronique Le Floc’h.

 

« Nous avons la sensation que le gouvernement veut nous convaincre qu’on va être gagnant mais nous avons beaucoup de doutes sur les petites carrières et les carrières hachés. Le Président a vendu sa réforme mais on attend des arguments concrets », commente Nicolas Girod.

 

Voir aussi : Les retraités agricoles à nouveau éjectés du débat (11/02/2020)

Des réponses attendues

« C’est assez déstabilisant, rapporte Nicolas Girod à propos de son entrevue avec le Président. C’est bien qu’un président s’intéresse aux sujets agricoles, c’est un marqueur important. Mais ce sont des moments très politiques et de communication. Les actes mis en place depuis le début de sa présidence ne sont pas à la hauteur. Nous n’avons pas d’éléments tangibles sur la mise en œuvre d’une politique à hauteur de notre détresse. »

 

La FNSEA a plaidé « pour que le Salon de l’agriculture soit l’occasion pour le président de la République de tenir un discours clair et cohérent de réconciliation entre les Français et leur agriculture ». Les syndicats estiment avoir été entendus, mais attendent des réponses et des actes.