Comment la crise agricole change-t-elle l’approche de la valorisation des exploitations ? C’est autour de cette question que s’est tenue la journée d’échange « SynerJ » du 28 octobre 2016, consacrée à la transmission. 180 personnes étaient présentes à ce rendez-vous organisé par la Fédération des centres de gestion agréés agricoles (FCGAA) et l’Union des experts-comptables agricoles (Uneca), en partenariat avec le Groupe France Agricole (1).

 

Trois tables-rondes ont pris pour thème la valorisation des entreprises, la place de l’incorporel et de l’environnement dans cette valorisation, ainsi que l’intérêt des sociétés pour supporter une entité économique.

Environnement instable

Selon Jean-Luc Theuret, président de la FCGAA, « l’évaluation d’une exploitation agricole donne la part belle à sa valeur patrimoniale, en négligeant souvent sa valeur économique. Or, la valeur patrimoniale, fondée sur la valeur vénale des biens, est souvent plus élevée ». De son côté, « le repreneur optimiste, généralement fortement endetté, a calé ses annuités sur des performances anciennes de l’exploitation ».

 

Les experts constatent ainsi une hausse du prix de vente des exploitations, et donc du coût des installations : « +35,8 % en 6 ans, soit +6 % par an », selon Pascal Donet, responsable du développement chez Altoneo. Le prix des fermes augmente en même temps que le degré de dépendance financière des agriculteurs, et les marges de sécurité lors des installations sont de plus en plus faibles.

 

« La fragilisation des systèmes nécessitera d’anticiper davantage la fluctuation des prix agricoles », prévient Pascal Donet. D’autant qu’au risque des marchés planant sur les paysans, s’ajoutent les risques climatiques, illustrés par la dernière campagne, ainsi que « des risques environnementaux et normatifs »…

 

« Il faut intégrer davantage cette notion de risque, poursuit Jean-Luc Theuret. Dans le conseil aux cédants et aux repreneurs, il est nécessaire d’insister sur la rentabilité et calculer la capacité à dégager de la valeur dans un environnement instable ». Un argument retenu également du côté des banques.

 

Renforcer les mesures d’évaluation

Selon les intervenants, les financeurs devraient demander de plus en plus d’autofinancement aux porteurs de projets. Il faut dire que Xavier Cassedanne, expert des filières des grandes cultures à la direction de l’agriculture du Crédit agricole, constate lui aussi « une rentabilité économique de plus en plus fragilisée ». En particulier dans les zones intermédiaires, à faible potentiel. Dans le Centre ou en Bourgogne, par exemple, les capacités de remboursement se dégradent avec l’affaiblissement du chiffre d’affaires, remarque-t-il. Même si les bilans moyens restent convenables, ils cachent d’énormes disparités : de grandes exploitations génèrent des EBE négatifs quand d’autres sont étonnamment performantes. Et le fossé se creuse entre elles.

 

Face à ce phénomène, Xavier Cassedanne estime nécessaire de « renforcer les mesures d’évaluation pour identifier les facteurs explicatifs des plus performants ». Aussi pour étudier « la robustesse et les capacités de résistance d’une exploitation » et pour s’assurer que les clients aient une parfaite connaissance de leurs prix de revient et de leurs coûts, « ce qui n’est pas toujours le cas »…

 

Il semble par ailleurs probable que le comportement du chef d’exploitation dans ses prises de décision aura de plus en plus d’importance dans le traitement des dossiers de financement… « Dans les années à venir, les banques demanderont des éléments qui vont au-delà des seuls indicateurs financiers. Les experts devront donc être en mesure de les leur communiquer », a ainsi noté Jean-Luc Theuret, président de la FCGAA.

 

 

(1) Lire notre dossier « Exploitations : que valent-elles vraiment ? » dans La France Agricole du 28 octobre 2016, n° 3666.