La moisson 2021, « inédite », « en tranches », « chahutée par de nombreux épisodes de pluies », peine à s’achever en France. Début août, rares sont les régions où la collecte des céréales à paille est terminée. Selon FranceAgriMer, 47 % du blé tendre avait ainsi été battu au 26 juillet.
Partout ou presque, l’humidité a retardé les chantiers, d’une semaine à un mois selon les zones, par rapport aux dernières années. « En février, la plaine était superbe, on était plein d’espoir, se rappelle un opérateur localisé dans la Vienne. La sécheresse de mars et avril est arrivée, et on s’attendait à une catastrophe. Des pluies salvatrices ont sauvé la récolte fin avril et début mai. Le problème, c’est qu’elles ont continué. » Le nord-est de la France a particulièrement souffert des mauvaises conditions.
En Bourgogne-Franche-Comté, bennes comme moissonneuses se sont enlisées dans la boue après des inondations. En Poitou-Charentes, on a équipé certaines machines de chenilles. La moisson progresse au gré des pluies, « avec des journées au rythme démentiel, puis à l’arrêt forcé pendant deux jours, résume cet opérateur auvergnat. Les agriculteurs comme les salariés des organismes stockeurs (OS) sont tendus. Le mauvais temps de juillet a contrarié les espoirs. »
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Les poids spécifiques des blés pénalisés
La différence de qualité entre les blés tendres récoltés avant ou après la pluie est notable. En Midi-Pyrénées, par exemple, « sur les trois quarts des blés rentrés après les perturbations, 65 % sont en dessous de la norme de poids spécifiques (PS) ». En Champagne crayeuse, de 78 % avant les pluies, les PS sont descendus à 72 %.
Certains OS ont adapté leurs exigences en termes d’humidité, acceptant des taux à 16 voire 17 %, sans pénalités, au lieu de 15 %, et les plages horaires de réception ont été parfois étendues. « On patine depuis trois semaines. 30 % du blé tendre a été déclassé », informe une coopérative en Auvergne.
« Il y aura beaucoup de travail du grain pour satisfaire les clients et chercher une bonne commercialisation », ajoute un opérateur de Normandie. Les échos sont les mêmes sur une large partie du territoire : les épisodes pluvieux ont dégradé la qualité de parcelles au potentiel pourtant prometteur, et des cas de germination sur pied sont rapportés dans plusieurs régions, avec des temps de chute de Hagberg localement moyens.
En Bretagne, les rendements, en retrait de 10 % en moyenne à 65 q/ha, « ne sont pas à la hauteur de ce qu’il y avait dans le champ, à cause du manque d’ensoleillement en fin de cycle », explique un opérateur. Les taux de protéines sont quant à eux globalement satisfaisants.
Les rendements restent hétérogènes, en recul sur certains secteurs (55 q/ha en Aquitaine) et bons (85-90 q/ha en Eure-et-Loir) voire supérieurs à la moyenne (plus de 70 q/ha dans la Vienne) dans d’autres endroits. En Île-de-France, les résultats sont meilleurs dans les petites terres que dans les sols profonds, tandis qu’en Pays de la Loire, les zones superficielles ont cependant souffert de la sécheresse au printemps.
Le refrain est similaire pour les blés durs. « Ceux qui étaient mûrs et qui ont pris la pluie voient leur qualité altérée », rapporte un opérateur en Midi-Pyrénées. Gel en avril, excès d’eau fin juin, verse… Du côté de la région Centre, rendements comme qualité sont qualifiés de « catastrophiques », à 50-60 q/ha, contre 80 à 85 q/ha habituellement. Localement, des problèmes de mycotoxines sont de plus rapportés.
La région Paca, et plus particulièrement le pourtour méditerranéen, est l’une des seules à avoir été épargnée par la pluie. Un coup de chaleur début juin a cependant engendré un phénomène d’échaudage, et impacté le remplissage des grains. Les rendements du blé dur restent meilleurs qu’en 2020, à 38 q/ha, mais la qualité en a pâti.
Qualités hétérogènes en orge d’hiver
La récolte de l’orge d’hiver est quasiment terminée. Les rendements des parcelles récoltées avant les perturbations météorologiques sont plutôt satisfaisants : « un bon cru », en Auvergne, « de bonnes qualités brassicoles » en Île-de-France. Si les volumes sont au rendez-vous en région Centre, les opérateurs ont parfois constaté un décrochage du calibrage, lié aux épisodes de gel.
Dans l’Est, c’est plutôt la déconvenue : mauvaise qualité, avec des PS inférieurs à la norme à cause de la pluie. Une partie de l’orge brassicole a été déclassée en fourragère. Il restait encore quelques champs à récolter en Meuse ou Haute-Marne. La moisson de l’orge de printemps commence à peine en Normandie et Bretagne. Dans le Centre, le gel et la sécheresse d’avril ont freiné le tallage, et le « coup de chaud » début juin a perturbé le remplissage.
Bonne surprise en colza
Malgré le gel, et la sécheresse qui ont touché beaucoup de secteurs, le discours est presque unanime en colza : les rendements se révèlent meilleurs qu’attendus. « Il nous surprend toujours ! » s’étonne un opérateur normand. « Malgré les problèmes de levées, les insectes, le sec et le froid, les plantes ont compensé, avec de beaux grains et de beaux PMG, détaille un technicien en Île-de-France. Quelques parcelles sont catastrophiques quand même. »
Dans le Sud-Ouest, les rendements vont du tout au rien, de 10 à 40 q/ha, notamment à cause du gel. En Poitou-Charentes, ils surpassent de 20 % les volumes habituels (30 q/ha), avec des pointes à 40 voire 50 q/ha. « Le taux d’huile est cependant légèrement inférieur », explique le directeur d’une coopérative qui dispose d’une unité de trituration.
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